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Source : InfoMigrants - Charlotte Boitiaux - 24/05/2021

Chaque soir, des dizaines de Marocains sans papiers tentent d’entrer illégalement dans le port de Melilla pour monter dans les ferries en partance pour Malaga, Almeria ou Motril, dans le sud de l'Espagne. Pour ces jeunes, la mer est la seule voie de sortie de l'enclave espagnole. Les risques sont immenses : se blesser avec les barbelés, être frappé par les forces de l’ordre, ou même mourir noyé.

Hassan grimpe sur la clôture, s’immobilise, puis se laisse tomber par terre. Il se relève, réessaie. Nouvel échec. La clôture fait quatre mètres de haut environ. A son extrémité, il y a des barbelés. Hassan n’y arrive pas. Debout devant la barrière de métal, il attend quelques secondes, puis jette l’éponge. Il repart en courant. 

Il est 20h30. Hassan revient essoufflé, transpirant. Son "riski" n’a pas fonctionné. Dans le langage des jeunes Marocains de Melilla, les "riski" désignent les tentatives d’intrusion dans le port de Melilla - pour permettre aux candidats à l’immigration clandestine d’accéder à l’un des ferries qui relient quotidiennement Melilla à la péninsule.

Hassan est un "harraga" (littéralement, un "brûleur" de frontières), prêt à tous les risques pour rallier l'Europe. Pour lui, les ferries sont la seule option. Il n’existe que deux routes pour sortir de Melilla, enclave espagnole sur le sol marocain : l’avion ou le port. La voie aérienne est inenvisageable.

"Tu entres et tu te caches en attendant le ferry"

"Les riski, on en fait tous les jours", dit le jeune Marocain. Parfois, en plein jour, le plus souvent, à la tombée de la nuit. "Soit tu arrives à entrer durant la journée, tu te caches et tu attends le ferry qui entre dans le port vers 21h, soit tu essaies le soir, quand le bateau est là." Payer un passeur ou acheter un zodiac n'est pas une option. "Avec quel argent ?", répond simplement Hassan.

Ce soir-là, comme tous les autres soirs, la police espagnole est à l’affût. En plus des caméras de surveillance, des barbelés et des chiens, elle patrouille en voiture dans le port. Un dispositif qui ne semble pas décourager outre mesure les jeunes. "J’ai des amis qui ont réussi à passer en Espagne. Plein d’amis", répond Hassan. "Les riski, ça marche."

 

Chaque soir, des jeunes Marocains prennent des risques énormes pour essayer de monter à bord de ces ferries. Crédit : InfoMigrants
Chaque soir, des jeunes Marocains prennent des risques énormes pour essayer de monter à bord de ces ferries. Crédit : InfoMigrants

 

Combien sont-ils à avoir réussi la traversée ? Les associations peinent à les comptabiliser. "C'est assez aléatoire. Il peut y avoir cinq personnes en une semaine, puis zéro pendant les trois semaines suivantes", énumère Philomena, membre de l'association Solidary Wheels. "Le dimanche de Pâques, par exemple, 12 personnes sont passées [et ont rejoint la péninsule] en une journée, peut-être parce que la police était en vacances..."

A relire : "L’errance des jeunes Marocains coincés sans avenir à Melilla (2/4)"

Selon les associations de Melilla, ils seraient environ 200 à 300 jeunes migrants marocains présents à Melilla. Conformément à un accord passé entre l’Espagne et le royaume chérifien, ces ressortissants marocains, majeurs, sont expulsables dès leur entrée sur le sol espagnol. Très peu sont éligibles à l’asile. 

 

Hassan à droite et son ami Rachid passent de longues heures à regarder les ferries du port de Melilla. Leur rêve : réussir à grimper dans l'un d'eux et rejoindre le continent européen. Crédit : InfoMigrants
Hassan à droite et son ami Rachid passent de longues heures à regarder les ferries du port de Melilla. Leur rêve : réussir à grimper dans l'un d'eux et rejoindre le continent européen. Crédit : InfoMigrants

 

Violences policières

Sur ses mains, des coupures et des traces de sang laissent deviner que les riski restent difficiles. "Je n’arrive pas à passer les barbelés, c’est dur", explique Hassan. Au port, les agents de sécurité et les migrants commencent à se connaître. "Lui, là-bas, il est sympa", dit un autre jeune en désignant un homme en uniforme. Quand il nous repère, il ne nous frappe jamais. Son collègue par contre, il est mauvais."

Ce soir-là, Hassan n'est pas le seul à avoir raté son riski. Son ami Rachid a été reconduit vers la sortie du port, "sans violences", précise-t-il. Tous les deux guettent leurs compagnons depuis les hauteurs de la vieille ville. On entend des cris d’encouragement, des moqueries aussi parfois. "Regarde-le là-bas, il est sous le camion vert. Tu le vois ? Il ne sait pas être discret lui…", raille un Marocain. "Il y a la police avec les chiens. Il va se faire repérer en deux secondes."

Chaque soir, les associations d’aide aux migrants comme Solidary Wheels, restent aux abords du port pour "surveiller" les forces de l’ordre. Elles déplorent les violences policières. Selon elles, elles sont régulières à Melilla. "On récupère des jeunes qui ont des blessures graves à cause des coups reçus. Mais il y a aussi des techniques d’humiliation qui sont dévastatrices", explique Philomena, de Solidary Wheels. "Il y a des policiers qui coupent les cheveux des Marocains, il y en a qui leur demandent de se déshabiller pour repartir, il y en a qui jettent leurs chaussures dans l’eau."

"Je sais que ça marchera"

Les bénévoles essaient aussi de repérer les migrants en difficulté. Lorsqu’ils voient des blessés, ils appellent les ambulances, distribuent des dolipranes, pansent les petites et grosses blessures. Ce jeudi soir, un jeune est tombé d’une clôture et s’est déboité l’épaule. "Ça ira", dit une bénévole. "C’est douloureux mais pas très grave."

A 22h30, après avoir mangé et s’être reposé, Hassan annonce qu’il va essayer un autre riski. Une ultime tentative avant le départ du ferry à 23h. Les bénévoles l’écoutent. Cette fois, Hassan parle de nager dans le port pour atteindre directement l’énorme bâtiment maritime. C’est extrêmement dangereux : dans la nuit noire, il peut être heurté par un autre navire, ou mourir noyé. Il le sait.

Dans son sac à dos, il a emporté un drap blanc "pour [se] cacher et être de la même couleur du bateau [s'il] réussit [son] riski", des serviettes en papier "parce que ça sert pour se nettoyer", et son portable qu’il protège comme il peut dans du plastique. "Je vous appellerai depuis l’Espagne." Cette nouvelle tentative ne marchera pas. Il réessaiera le lendemain, dit-il. "C'est pas grave, c'est comme ça les riski : tu essaies tout le temps, et un jour, c'est bon."

 

 


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