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Source : InfoMigrants - Julia Dumont - 21/05/2021

Birima Konaté a été gravement blessé au dos après une chute sur un chantier. Ce Malien sans-papiers a dû être opéré et entame une convalescence délicate. Son accident a révélé à sa famille ses conditions de vie et de travail. Contacté par ses proches, son employeur a tenté de les convaincre, lors d'une conversation dont InfoMigrants a été témoin, de renoncer à toute démarche contre lui en échange d’argent.

Dans la famille de Birima Konaté, l’accident de travail de ce Malien sans-papiers de 47 ans a été un choc multidimensionnel. Il y a d’abord eu la sidération d’apprendre que leur proche avait été ramené en voiture à son foyer de Montreuil alors qu’il avait fait une chute de trois étages et nécessitait des soins de toute urgence. 

Puis, pour ses cousines Madina* et Soukaïna, nées en France, est venue la tristesse de découvrir le sort de leur parent, arrivé dans l'Hexagone il y a plus de 20 ans et qui a vécu toutes ces années sans parvenir à se faire régulariser, sans couverture maladie et sans apprendre correctement le français. Enfin, il y a eu la proposition de l’employeur de Birima de leur donner de l’argent contre le silence de la famille.

Grave chute

Birima Konaté est arrivé en France en 2000. Agriculteur au Mali, il ne sait ni lire, ni écrire et parle mal le français. À son arrivée, il s’installe, comme beaucoup d’autres travailleurs maliens, dans un foyer de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et parvient à gagner un peu d’argent dans des services de nettoyage. Entre 2009 et 2010, il parvient à obtenir un titre de séjour grâce à son emploi mais en 2010, son renouvellement lui est refusé par la préfecture car il travaille moins de 35 heures par semaine, affirme-t-il. Birima Konaté redevient travailleur sans-papiers.

À lire : "Le plus dur, c’est de ne pas savoir" : les familles de sans-papiers démunies face aux accidents du travail dans le bâtiment

Depuis quelques temps, les missions de nettoyage se faisant plus rares, il avait commencé à travailler pour un entrepreneur de Montreuil, Samuel Q. C’est Moussa, un résident du foyer où vit Birima Konaté, qui les a mis en relation.

Quand il travaillait pour lui, une voiture venait le chercher le matin en bas de son foyer. Avec plusieurs autres personnes, dont Moussa, ils roulaient jusqu’au chantier "pendant 20-30 minutes". Incapable de lire les panneaux de signalisation, Birima Konaté n’a jamais vraiment su où on l’emmenait.

Le 22 avril dernier, les ouvriers travaillent dans "un bâtiment de plusieurs étages". Birima Konaté et Moussa sont chargés de retirer de la ferraille du sol du troisième étage. "On nous a dit de faire ça, c’est tout. On ne nous a pas expliqué comment faire", assure-t-il, encore en convalescence chez sa sœur.

Ce que les deux hommes n’ont pas anticipé, c’est que leurs gestes fragiliseraient le sol sur lequel ils se trouvent. En fin de journée, une partie de la dalle de béton s’effondre et Birima chute. Moussa tente de le rattraper par le poignet mais Birima est trop lourd. Le Malien fait une chute de trois étages. Il tombe en position assise sur le sol et perd presque connaissance.

"La voiture l’a déposé devant le foyer"

Le jour de l’accident, Samuel Q. n’est pas sur le chantier mais il est représenté par au moins un collaborateur, selon Birima Konaté. Plutôt que d’appeler immédiatement les secours, celui-ci décide de ramener le Malien accidenté à son foyer.

À lire : "Passer le permis, avoir un logement, une carte bleue, rien de tout cela n’est possible" : Kandé Touré, une vie sans papiers

Quand ils arrivent devant les grilles du bâtiment, une dizaine de personnes se trouvent sur le trottoir. Des résidents discutent sur des chaises en plastique à côté des petites échoppes où l’on vend des fruits, des cigarettes et des arachides.

Ce n’est qu’à ce moment-là que les secours sont appelés par des résidents du foyer. Le Samu arrive en premier, suivi des pompiers puis des policiers. Birima Konaté est emmené en urgence à l’hôpital Beaujon, à Clichy. Le Malien souffre d’une grave fracture de la deuxième vertèbre lombaire. Il est opéré le lendemain de son arrivée à l’hôpital et échappe de peu à une paralysie des membres inférieurs.

"Il nous a appelés pour nous dire de ne pas aller trop loin"

À la suite de l’accident, la famille de Birima Konaté s’organise pour lui venir en aide. Il faut gérer ses douleurs – intenables par moments –, ses soins infirmiers à domicile après l’opération, mettre en place des séances de rééducation et, surtout, lancer les démarches pour qu’il obtienne l’Aide médicale d’État (AME). Birima Konaté en ignorait l’existence jusqu'alors et ne l’avait jamais demandée. 

Lors d’une procédure en justice engagée à la suite d'un accident du travail, la faute inexcusable de l’employeur peut être reconnue en cas de responsabilité indiscutable. Cela peut permettre à la sécurité sociale (CPAM, Caisse primaire d’assurance maladie) de lui demander le remboursement des soins du travailleur. Cela peut aussi permettre à la victime d’obtenir plus de dommages et intérêts. 

L’employeur de Birima Konaté sait que l’accident peut lui coûter cher. Alors, il ne s’en cache pas, il préfèrerait "s’arranger" avec la famille de l’accidenté. C’est d’abord Moussa, son intermédiaire, qui a contacté les proches de Birima. "Deux jours après l’accident, il nous a appelés pour nous dire de ne pas aller trop loin, de ne pas porter plainte, que l’on pouvait s’arranger et que Samuel était prêt à payer", raconte Aïssata, la sœur de Birima. "Il a peur de Samuel, il nous a clairement dit que si on allait trop loin, il aurait des problèmes", ajoute Madina.

"Ça me dérange beaucoup qu’il mente parce que j’ai failli mourir"

Quelques jours après ce premier appel, Madina entre de nouveau en contact avec Samuel Q. qui affirme alors qu’il ne connaît pas Birima. Peu de temps après, ils se parlent de nouveau au téléphone et la version des faits du patron est différente : Samuel Q. connaît bien Birima mais il affirme que le Malien ne travaillait pas sur un chantier mais à son domicile. Il assure aussi que son intermédiaire a proposé à Birima de l’emmener à l’hôpital après sa chute et que le Malien a refusé, assurant "qu’il allait mieux" et s’inquiétant de ne pas avoir sa carte vitale sur lui. Des affirmations que Birima Konaté conteste fermement. "Ça me dérange beaucoup qu’il mente à mon sujet parce que j’ai failli mourir."

Lors de ce troisième entretien téléphonique avec Madina, Samuel Q. réitère aussi son souhait de trouver "un arrangement". "Je te donne de l’argent et on est quitte, on n'en parle plus", propose-t-il, lors d'une conversation dont InfoMigrants a été témoin. La jeune femme, elle, évoque la possibilité qu’il fasse une promesse d’embauche à Birima, en vue de sa régularisation. "Je ne peux pas lui faire une promesse d’embauche, je n’ai pas de société. Je ne suis pas déclaré. Je ramasse la ferraille dans la rue et je la revends", affirme alors l’employeur, dont l'entreprise de "récupération de déchets triés" est pourtant bien enregistrée au registre du commerce des société (RCS).

Samuel Q. a été entendu par la police mais la famille de Birima Konaté n’a, elle, pas encore été contactée. Mais les proches du Malien ne comptent pas baisser les bras. La famille souhaite se rapprocher des syndicats pour voir quelle suite donner à ce qui est arrivé à Birima. D'autant que ce dernier n'est pas sorti d'affaire : jeudi 20 mai, il a dû retourner aux urgences pour subir une nouvelle intervention pour son dos.

Madina se dit "écoeurée qu’on puisse profiter des sans-papiers qui sont dans des situations difficiles et sont prêts à accepter tout pour 60 euros par jour". "Il faut que ça s’arrête", abonde sa sœur. Une connaissance éloignée de Soukaïna, lui aussi travailleur sans-papiers, est récemment mort dans un chantier à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). "Il était en France depuis 8 ans, c’était son premier jour de travail. Il a fait une chute et il est mort sur le coup."

*Tous les prénoms ont été modifiés.

 

 


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