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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 27/06/2021

Depuis fin janvier, plusieurs centaines de sans-papiers occupent trois lieux de la ville de Bruxelles pour revendiquer leur régularisation. Faute de réponse de la part du gouvernement et en « ultime » recours, 456 personnes ont entamé une grève de la faim le 23 mai.

«Tout ce qu’on veut, c’est pouvoir vivre dignement et travailler », lâche Houcine d’un ton déterminé. Depuis trois ans, le trentenaire, de nationalité marocaine et habitant de Bruxelles, se bat pour les droits des personnes sans papiers. Il est aujourd’hui l’un des porte-parole de l’Union des sans-papiers pour la régularisation, mouvement lancé fin janvier 2021, avec l’objectif d’obtenir, pour les principaux intéressés, davantage « de droits, de libertés et de dignité ».

« On a commencé avec l’occupation de trois lieux, l’église de Béguinage, l’université libre de Bruxelles (ULB) et la Vrije Universiteit Brusselles (VUB) [université de langue néerlandaise – ndlr], pour mettre un maximum de pression sur les autorités belges parce qu’on n’a pas d’autre solution », explicite-t-il, avant d’ajouter que des familles, avec des enfants nés et scolarisés en Belgique, sont aujourd’hui sans papiers.

Le 23 mai dernier, soit il y a un mois, plusieurs centaines de sans-papiers ont décidé d’entamer une grève de la faim, dans la suite de ce mouvement, pour réclamer leur régularisation - ils sont 456 au 25 juin. Mohamed, comme Houcine, en fait partie. À 45 ans, il a passé plus de la moitié de sa vie en Belgique et est toujours sans papiers. « Ce n’est pas normal !, dénonce-t-il. La politique migratoire belge est exceptionnelle par rapport à celle d’autres pays européens. C’est une politique sévère à l’égard des travailleurs sans papiers. »

A Bruxelles, depuis fin janvier, des centaines de sans-papiers se battent pour leur régularisation. © Mourad / Union des sans-papiers pour la régularisation
 A Bruxelles, depuis fin janvier, des centaines de sans-papiers se battent pour leur régularisation. © Mourad / Union des sans-papiers pour la régularisation
 

Pourtant, celui qui se dit impliqué dans le mouvement de lutte des sans-papiers depuis une dizaine d’années a connu la campagne de régularisation qui a touché le pays en 2009, et a même obtenu une carte de séjour d’un an à cette occasion. « Cette campagne était une vaste blague… Peu de personnes ont vraiment été régularisées. Moi, j’ai mis sept mois à obtenir un permis de travail alors que j’avais un patron prêt à m’embaucher. Au bout des sept mois, il n’avait plus besoin de moi. Quelle entreprise peut attendre aussi longtemps ? On m’a alors retiré la carte », résume-t-il.

Parmi les grévistes, des femmes et des hommes sont en Belgique depuis 20, voire 30 ans sans avoir été régularisés. Pietro, syndicaliste au sein de la CSC Bruxelles (Confédération des syndicats chrétiens) et membre actif du Comité des travailleurs avec et sans papiers, dénonce un « grand échec » : « La campagne s’est faite sur la base d’une circulaire ministérielle et il y a eu une faille législative. Le permis de travail était donné selon certains critères et c’était le patron qui devait faire les démarches administratives pour qu’il soit renouvelé. En réalité, beaucoup d’employeurs ont gardé les travailleurs sans permis valide et ces derniers ont perdu leurs papiers ensuite. »
La grève est le produit d’un manque de volonté politique.
Pietro, syndicaliste à la CSC

Résultat, selon les chiffres du Centre d’information et d’éducation populaire (CIEP), rattaché au comité et à la CSC, sur 40 000 personnes en procédure en 2009, presque la moitié (entre 15 et 20 000) se sont finalement retrouvées sans papiers. Un constat qui explique le profil des personnes aujourd’hui grévistes, souvent présentes sur le territoire belge depuis des dizaines d’années. « La grève est le produit d’un manque de volonté politique du gouvernement de régler la problématique des travailleurs sans papiers », conclut Pietro.

« C’est toute la frustration des sans-papiers qui éclate au grand jour », abonde Nada, une militante antiraciste impliquée dans la question des migrations à Bruxelles, du droit d’asile aux droits des étrangers, comme les sans-papiers. À ses yeux, les lois relatives à l’immigration et à la régularisation sont « beaucoup moins claires » que dans d’autres pays européens tels que la France, l’Italie ou le Portugal - bien qu’en France aussi les sans-papiers bataillent pour être régularisés (lire ici ou nos reportages).

« Le cadre législatif belge empêche toute possibilité d’être régularisé, à moins d’être très malade ou d’avoir des circonstances exceptionnelles. La grève leur est apparue comme une ultime solution », relève celle qui dort, depuis le début du mouvement, aux côtés des grévistes et de leurs autres soutiens sur les trois lieux d’occupation bruxellois. Après 32 jours de grève, la militante ne peut s’empêcher de constater que la situation commence à devenir « difficile ».
La seule manière de sauver la vie des grévistes, c’est de les régulariser.
Nada, militante antiraciste et soutien des grévistes

Fatigue, détresse psychologique, crises d’angoisse… « On oscille entre espoir et désespoir. On voit que c’est ça ou rien, jusqu’à la mort », alerte-t-elle, alors qu’un homme a tenté cette semaine de mettre fin à ses jours en avalant des lames de rasoir. Selon Mohamed, trois autres personnes ont fait une crise cardiaque. Une autre a développé des problèmes aux reins et certains diabétiques ont d’inquiétantes chutes de glycémie. « Mais on veut aller au bout de notre action », prévient-il. « La seule manière de sauver la vie des grévistes, c’est de les régulariser, complète Nada. Ils ne lâcheront pas. »

Des milliers de personnes dans la rue pour leur régularisation le 20 juin

Depuis le début de la grève, le secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Sammy Mahdi (lui-même fils de réfugié irakien), a reçu une poignée de grévistes, sans pour autant céder à leurs revendications, explique Houcine. « On l’a rencontré la première semaine et il nous a demandé d’arrêter la grève. Pour nous, c’est hors sujet. Il a cherché à nous revoir depuis, mais on refuse de s’asseoir à la même table si c’est juste pour discuter. On veut des solutions concrètes. »

Et Mohamed de compléter : « Il nous a dit qu’il allait traiter les dossiers au cas par cas, mais on sait bien que ce sera négatif. On ne déposera pas de dossiers avant d’avoir obtenu un accord pour régulariser en urgence tous les grévistes, puis tous les sans-papiers [la Belgique compte entre 100 et 150 000 sans-papiers sur son territoire - ndlr]. »

Contacté par Mediapart, le cabinet du secrétaire d’État à l’asile et à la migration évoque une situation « préoccupante ». « Il [Sammy Mahdi] s’inquiète pour ces gens et espère qu’ils mettent fin à leur action. Le secrétaire d’État a eu plusieurs rencontres avec plusieurs organisations et grévistes, mais aussi avec des professeurs de l’ULB et de la VUB, pour expliquer la politique migratoire », indique le cabinet, pour lequel la régularisation reste « une procédure d’exception ». 3 508 personnes ont ainsi été régularisées par l’Office des étrangers en 2020, sur la base « d’une évaluation approfondie » des dossiers.

Et le cabinet d’ajouter : « Le secrétaire d’État ne peut se prononcer sur la demande générale d’accorder un droit de séjour à tous les sans-papiers. Il existe des règles claires concernant les personnes qui peuvent résider légalement ici [en Belgique] », précise-t-il, citant des canaux de migration légale comme le travail, les études, le regroupement familial ou la demande d’asile, et invitant les intéressés à introduire une demande depuis le pays d’origine. En dix ans, 100 000 étrangers (en situation irrégulière) ont été renvoyés vers leur pays d’origine, selon le cabinet, respectant l’ordre de quitter le territoire qui leur a été délivré. « [Ils] ont entendu le fait qu’ils n’avaient pas le droit de rester en Belgique. »

Après une action devant les bureaux de l’Office des étrangers à Bruxelles le 22 juin, visant à interpeller les autorités belges sur la situation des grévistes de la faim, une petite délégation de sans-papiers a été reçue, selon nos informations, par le directeur général de l’office, Freddy Roosemont, jeudi 24 juin. Ce dernier n’a souhaité faire aucun commentaire sur ces échanges auprès de Mediapart.

« On a aussi interpellé d’autres partis politiques, comme les écolos ou le Parti socialiste, qui sont au gouvernement. On a le soutien de citoyens, de médecins, de professeurs et d’étudiants », ajoute Mohamed. Dimanche 20 juin, les grévistes et des militants ont organisé une manifestation entre les trois lieux d’occupation bruxellois, réunissant des milliers de personnes (4 000 selon les organisateurs).

Eugenio est membre des Étudiants de gauche actifs (une organisation affiliée au Parti socialiste de lutte) et fait partie du Comité de soutien étudiant engagé dans la lutte pour la régularisation des sans-papiers à Bruxelles. « Nous les soutenons de manière significative dans cette nouvelle vague de mobilisation et nous inscrivons dans la construction de liens de solidarité entre étudiants et sans-papiers », explique-t-il, rappelant que les sans-papiers ont été « les premiers à déconfiner la lutte sociale en Belgique » dans le contexte de la pandémie.

« Contrairement à l’Italie et au Portugal, qui ont pris des mesures temporaires pour permettre à tout le monde de ne pas être exclu dans un contexte où les frontières étaient fermées, relève le syndicaliste Pietro, la Belgique n’a pas pris position sur la question des migrants et des sans-papiers. Pendant la première vague, certains ont perdu leur travail et ont vécu dans des conditions très précaires. Quand ils ont repris, beaucoup ont été contaminés [au Covid-19] car ils n’avaient pas de moyens de protection. Ils ont alors commencé à se mobiliser. »

Si le cabinet du secrétaire d’État à l’asile et à la migration reconnaît que les sans-papiers travaillent, il indique que c’est « dans un circuit parallèle » et qu’ils ne peuvent donc pas « contribuer au système social comme les gens qui ont le droit au séjour ». Et c’est là tout le problème : en travaillant dans l’économie informelle, les sans-papiers sont souvent exploités et invisibilisés, comme les femmes dans le secteur du care (du soin), explique Pietro, dont le syndicat a mené une enquête sur le droit du travail pour évaluer les conditions matérielles de ce public.

« En plus de travailler dans des secteurs non externalisables et dans 140 métiers en pénurie dans la région bruxelloise, les sans-papiers pourraient, selon nos calculs, rapporter 56 millions d’euros par mois aux caisses de la Sécurité sociale s’ils étaient régularisés », assure Pietro.

Dans une convergence des luttes, les Étudiants de gauche actifs ont tenté de « réunir » les grands oubliés de la crise sanitaire, des sans-papiers aux étudiants, en passant par les travailleurs précaires et essentiels, autour de « revendications sociales répondant aux besoins de la majorité ». « Il est impossible de faire face à la pandémie sans tenir compte des plus vulnérables, dont les sans-papiers, qui n’ont pas accès à la Sécurité sociale et aux soins », ajoute Eugenio. Dans les universités, une pétition étudiante a rassemblé plus de 500 signatures pour leur régularisation.

Une plateforme de soutien, www.wearebelgiumtoo.be, lancée après les occupations et avant la grève de la faim pour soutenir le mouvement des sans-papiers à l’initiative de plusieurs syndicats et ONG, a par ailleurs collecté plus de 27 000 signatures, avec pour objectif de proposer une loi d’initiative citoyenne dès la rentrée. « Nous aimerions prendre prétexte de la future victoire des grévistes pour lancer un mouvement plus général en septembre », sourit Pietro, confiant.
On est des citoyens belges mais en situation irrégulière.
Houcine, sans-papiers en grève de la faim

« La plupart des grévistes sont bien intégrés et vivent en Belgique depuis plusieurs années. On veut travailler de manière légale, on paie un loyer, on a des factures à payer, on consomme et on paie des taxes, mais on n’a pas de droits. On est des citoyens belges mais en situation irrégulière », constate Houcine d’un ton amer. Pour Nada, la militante antiraciste, ce mouvement « marquera » la Belgique.

 

 


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