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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Libération - Nelly Didelot - 04/05/2021

En Croatie et en Grèce, des «pushback» s’accompagnent de traitements tellement inhumains qu’ils peuvent être qualifiés d’actes de torture d’après un rapport de l’ONG Border Violence Monitoring Network.

A chaque frontière de l’Europe, son horreur spécifique. Au large de Malte et des côtes italiennes, les migrants se noient, dans l’indifférence des garde-côtes, qui les renvoient parfois même en mer après avoir saboté leurs bateaux. Aux portes de la Hongrie, ils butent sur une haute clôture et sont systématiquement renvoyés vers la Serbie, sans possibilité de déposer une demande d’asile. En Bulgarie, les réfugiés turcs qui cherchent à échapper aux persécutions politiques dans leur pays natal sont remis aux gardes-frontières, sans la moindre pitié et en toute illégalité. En Croatie et en Grèce, les pushback, ou renvois illégaux de migrants, s’accompagnent de traitements tellement inhumains qu’ils peuvent être qualifiés de cas de torture, selon les informations compilées dans le dernier rapport de l’ONG Border Violence Monitoring Network (BVMN).

«85% des témoignages de pushback recueillis en 2020 par BVMN contiennent un ou plusieurs éléments qui se rapportent à de la torture ou à un traitement inhumain ou dégradant», indique l’ONG. D’après les récits qu’elle a pu recueillir, «l’usage abusif de la force est la nouvelle norme» pour les gardes-frontières grecs et croates. Chaque étape des pushback est source d’humiliation ou d’actes de maltraitance. Lorsqu’ils sont repérés en Croatie, les migrants sont généralement battus, à coups de pied, de poings ou de matraques, parfois pendant de longues heures. Ils sont ensuite ramenés vers la frontière serbe ou bosnienne, entassés à l’arrière de camionnettes sans arrivée d’air et conduites avec brutalité. Arrivés à la frontière, leurs téléphones sont confisqués ou détruits et leurs vêtements sont souvent brûlés. C’est donc nus ou en sous-vêtements qu’une bonne partie d’entre eux sont contraints de retourner à pied vers les zones qu’ils avaient quittées. Le modus operandi est plus ou moins le même en Grèce.

Plaies tartinées de mayonnaise

Ces récits de migrants compilés par l’ONG se répètent avec une régularité glaçante. 89% des témoignages concernant la Croatie mentionnent un usage abusif de la force et 45% une mise à nu forcée. Les chiffres grecs sont quasiment similaires : 89% des récits mentionnent des coups injustifiés et 44% une mise à nu. Plusieurs récits (31% pour la Croatie et 15% pour la Grèce) mentionnent aussi des armes à feu, utilisées pour tirer en l’air, autour des pieds des migrants, dans l’eau lorsqu’ils sont contraints de traverser une rivière à la nage, ou pour simuler une exécution.

«Ils ont tiré à côté de nos oreilles pour nous intimider. Ils ne nous ont rien demandés, ils ont juste commencé à nous frapper», raconte un migrant qui a tenté le passage en Croatie le 26 mai 2020, avec quatre autres hommes. Le passage à tabac par cinq officiers en uniformes noirs dure six heures. Comme ses camarades, l’homme saigne, surtout de la tête. «Ils ont trouvé du ketchup et de la mayonnaise dans nos sacs et ils en ont tartiné nos plaies.» «Il n’arrêtait pas de dire : “Je veux vous tuer”, et il souriait comme quand on souhaite à quelqu’un un joyeux anniversaire.»

Traversée à la nage

Pour BVMN, qui s’appuie sur les définitions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention de l’ONU contre la torture, ce type des violences et leur ampleur s’apparentent à de la torture. Certains des cas documentés laissent même penser que des migrants sont morts de ces mauvais traitements. L’un des récits les plus frappants remonte au 6 septembre 2020. Cette nuit-là, un groupe d’environ 70 à 80 migrants est emmené du centre de détention de Didymoteicho, dans le nord-est de la Grèce, aux berges de la rivière Evros, qui marque la frontière avec la Turquie. La dizaine d’hommes cagoulés qui les accompagne scrute la rive turque, pour vérifier que les gardes-frontières ne sont pas présents, avant de les faire traverser le cours d’eau par groupes de dix dans un bateau gonflable.

«Ils nous ont amenés jusqu’au milieu de la rivière puis ils nous ont fait sauter dans l’eau. Certains d’entre nous ne savaient pas nager mais ces hommes s’en moquaient», raconte un des migrants qui a subi ce pushback. Il était entré en Grèce sept jours plus tôt avec deux amis avant de se faire prendre à la gare routière d’Alexandroupoli, une ville côtière de Thrace. Ses deux compagnons, poussés à l’eau en même temps que lui, ont disparu. Leur famille est restée sans nouvelles d’eux. «J’ai essayé de leur raconter l’histoire. Je me suis saoulé pour la première fois de ma vie pour avoir le courage de leur dire, mais je n’ai pas pu. Comment leur dire que leurs enfants sont morts ?»

«Il n’arrêtait pas de dire : “Je veux vous tuer”, et il souriait comme quand on souhaite à quelqu’un un joyeux anniversaire.»—  un migrant, à propos d'un pushback en Croatie en mai 2020

Ce témoignage n’est pas unique. D’autres pushback documentés par BVMN, et par Libération pour l’un d’entre eux, ont eu lieu dans les mêmes conditions, et plusieurs migrants qui les ont subis ont raconté avoir perdu des amis dans la traversée forcée à la nage ou avoir vu des personnes couler. Certains témoignages de migrants qui ont tenté le passage par la Croatie mentionnent des histoires similaires : la traversée à la nage, sous la contrainte et en plein hiver, de la rivière Sava, qui sépare le pays de la Bosnie.

Sophistication des violences

«Les cas de torture ont augmenté en 2020 par rapport à notre rapport de l’an dernier. Des nouvelles tendances sont apparues depuis l’épidémie de Covid, comme la pratique de peindre à la bombe des croix sur la tête des migrants, explique Simon Campbell de Border Violence Monitoring Network. Les pushback ont toujours été une pratique violente, mais depuis 2015, les abus sont devenus plus sophistiqués.» Selon les témoignages recensés par l’ONG à propos de la Croatie, les mises à nu forcées ont doublé par rapport à 2019, comme les attaques de chiens. Ces traitements inhumains ne se limitent pas à la Grèce et à la Croatie, bien que les deux pays, qui sont aussi deux des principales voies d’accès à l’Union européenne, concentrent la plupart des incidents. La Roumanie, la Bulgarie, la Serbie et la Slovénie sont aussi concernées.

Les abus sont perpétrés dans l’ombre. Le gouvernement grec nie vigoureusement les accusations de pushback qui pèsent sur ses garde-côtes, et la Croatie accuse des «provocateurs» déguisés en officiers de police de tabasser des réfugiés pour nuire à sa réputation. Ceux qui molestent les migrants, qu’ils soient policiers, soldats ou gardes-frontières, en civil ou en uniforme, portent souvent une cagoule d’après les témoignages recueillis par BVMN. L’ONG mentionne aussi «l’usage croissant de sites de détention non officielle». «De nombreux témoignages qui concernent la Grèce et la Croatie indiquent que des granges, des garages ou des bâtiments abandonnés sont fréquemment utilisés pour enfermer les migrants», précise le rapport. Les récits des personnes forcées de repasser la rivière Evros mentionnent aussi à plusieurs reprises le fait que les canots pneumatiques dans lesquels ils ont dû prendre place étaient dirigés par des Afghans ou des Pakistanais. L’un d’entre eux aurait même expliqué à un migrant que les autorités grecques lui avaient promis des papiers s’il s’occupait de ce sale boulot pendant deux mois. Le dévoiement des procédures de demandes d’asile et de naturalisation n’aurait pas pu être plus poussé.

 

 


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