Source : Le monde - Séverine Kodjo-Grandvaux - 01/07/2021
L’ouvrage de l’historienne Delphine Peiretti-Courtis décrypte la façon dont la science a tenté de prouver les préjugés raciaux pendant près de deux siècles et participé ainsi à leur longévité.
Livre. Dans Corps noirs et médecins blancs. La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, Delphine Peiretti-Courtis opère une plongée minutieuse au cœur des archives médicales et scientifiques. Elle montre comment la science a travaillé à inventer une race noire et a forgé des préjugés qui perdurent.
En effet, dès le XVIIIe siècle et la découverte de nouveaux peuples, les controverses sont vives entre polygénistes et monogénistes ; les savants cherchant à déterminer s’il y a une seule espèce humaine ou plusieurs. Les Lumières, contemporaines de la traite négrière, inventent alors les races et les hiérarchisent. Et tandis que le débat nature-culture fait rage, elles érigent l’homme blanc en un modèle à l’aune duquel les autres peuples sont jugés. Dans ce schéma, les Africains sont peu à peu considérés comme le chaînon manquant entre l’homme européen et le singe. Les savants observent, mesurent les corps sous tous les angles (crâne, os, cheveux, pilosité, odeur, sexe…) et les dissèquent pour comprendre le mystère de l’autre.
Des stéréotypes persistants
S’appuyant sur des textes de l’époque qu’elle cite abondamment, Delphine Peiretti-Courtis montre comment la science, parfois à partir d’éléments fantasques, a essentialisé les corps, les cultures et les psychologies des peuples étudiés afin de constituer des stéréotypes repris et popularisés par les discours politiques, les manuels scolaires et les dictionnaires, les publicités, les médias et les grandes expositions coloniales.