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Source : InfoMigrants - Maïa Courtois - 12/08/2021

Aboubacar Condé a quitté son pays, la Guinée-Conakry, à l'âge de 7 ans. Sans domicile fixe, vivant dans la rue avec sa mère, le garçonnet a pris, un jour, la route du Mali, puis du Niger, dans l'espoir de trouver une vie meilleure. Encore enfant, incapable de faire preuve de discernement à un si jeune âge, Aboubacar connaîtra une jeunesse de souffrance et de désillusions. L'adolescent, aujourd'hui âgé de 16 ans, vit en Tunisie. Il cherche à être rapatrié en Guinée pour retrouver sa mère.

"C'est pour ma maman que je suis parti. Mon père est mort en 2010, ma mère, elle, a un cancer du poumon. Je suis né en 2005, et personne ne pouvait m'aider à aller à l'école. On s'est retrouvés dans la rue, ma mère et moi, sans les moyens de payer un logement. Il fallait que je parte, pour aider ma maman à sortir de cette galère. Un jour, en 2012, je ramassais du plastique dans la rue, quand j'ai croisé un homme conduisant un camion vers le Mali. Je n'avais rien prévu. Il m'a promis une vie meilleure. Je n'avais pas de téléphone, pas d'argent... Je l'ai suivi. Il m'a emmené à la gare de Bamako, puis nous avons rejoint le nord du Niger.

Sur la route, des terroristes nous ont attrapés. Ils nous ont tout pris, nous forçaient à prier et nous frappaient. Ils me disaient de me laisser pousser la barbe ; mais je ne savais pas comment faire, j'étais trop petit... Un jour, alors que je devais garder leurs moutons et leurs chèvres dans le désert, j'ai vu un camion qui faisait route vers la Libye. En échange d'une chèvre, le conducteur m'a proposé de m'amener là-bas. Je lui ai dit : 'Mais ces gens vont te tuer', il m’a répondu : 'Ne t’inquiète pas, ils ne nous verront pas, ni toi ni moi'.

Alors je l'ai suivi. Il a tué la chèvre sur le chemin, et on l'a mangée. Il m'a emmené jusqu'à un village libyen, chez un homme qu'il connaissait, en pleine nuit.

Les deux hommes m'ont alors ordonné de ne plus sortir d'ici, et d'appeler ma famille pour payer 1 000 euros ma libération. J'ai demandé au conducteur : 'Attends, tu m’as aidé, ou tu m’as kidnappé ?' Il m'a répondu : 'Ne discute pas, fais ce que je te dis'. Je n'avais personne à appeler en Guinée, je n'avais aucun numéro de téléphone pour joindre ma mère.

Dans la maison, il y avait beaucoup de gens comme moi, que des trafiquants étaient venus chercher en disant : 'On va t'aider', sauf qu'ensuite ils demandent de l'argent à leurs familles...

À (re)lire : Dans les prisons officielles libyennes, "les migrants sont frappés tous les jours"

Je suis resté entre leurs mains, puis je suis allé dans une prison libyenne, jusqu’en 2015. J'avais 10 ans. Cette année-là, j'ai enfin été libéré. Le HCR m'a donné une somme d'argent pour rentrer dans mon pays, mais j'ai préféré payer des passeurs pour aller en Algérie.

Là-bas, 90% d'entre nous, les migrants subsahariens, on travaille sur des chantiers, comme maçons ou manœuvres... J'y ai fait des petits boulots de maçonnerie.

"J'avais confiance. J'étais tout seul, donc je n'avais pas le choix"

Un jour, j'ai croisé un vieux monsieur qui n'avait pas l'air bien, je l'ai aidé. Son fils m’a dit qu’il avait beaucoup de maisons en France et en Algérie, dont un terrain près d'Oran. Il m'a proposé de travailler pour eux : 'On va te prendre comme membre de notre famille, on t’aidera à aller en Europe ou à rentrer chez toi, parce que tu as aidé notre papa'... Il me promettait 5 000, 10 000 euros.

Sur son terrain, il y avait des oliviers, des oranges… J'y ai construit une petite maison, une piscine, puis un terrain synthétique pour jouer au ballon. Ils vivaient en France, et quand ils prenaient des vacances, ils venaient ici. Quand ils n'étaient pas là, je m'occupais de l'entretien de la nouvelle maison. Pendant cette période, je faisais des petits travaux dans le voisinage pour gagner un peu d'argent.

Ça a duré presque six ans comme ça. J'avais confiance dans cette famille. J’étais tout seul, donc je n’avais pas le choix. Sauf que quand je demandais au fils de me payer, il me répondait : 'Je garde ton argent parce que tu es trop petit'. Son père, qui était protecteur avec moi, m'a dit au téléphone que lorsqu'il rentrerait en Algérie, il me donnerait l'argent promis. Mais en 2019, le mois où il devait rentrer, il est mort d'une maladie. J'ai perdu tout espoir...

À partir de là, ses enfants ont commencé à se comporter autrement avec moi. En 2020, quand le fils est rentré en Algérie, je lui ai demandé de nouveau de me payer. Il s'est fâché : 'Tu n'es pas reconnaissant alors que tu gardes une jolie maison…'

Un jour, j'ai compris que ce fils voulait se débarrasser de moi. Pour mon départ, il m'a donné une somme qui ne correspondait pas à tout le travail que j'avais réalisé. J'ai protesté : 'Attends, j'ai travaillé pour toi comme un dingue pendant des années...' On s'est disputé, il m'a menacé avec une arme. J’étais découragé, bouleversé, j'ai pris la petite somme et je suis parti. En plus, tu ne peux pas aller porter plainte, parce qu'il y a un racisme très fort en Algérie. La police va te dire : 'Le problème, c'est toi', et te ramener dans le désert...

"Ils sont venus m'annoncer qu'il fallait que je parte"

J'avais 15 ans. Je suis parti en Tunisie. Arrivé à Tunis, je suis allé expliquer ma situation à l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Ils m’ont dit que leur travail était d’aider les migrants à retourner dans leur pays et retrouver leur famille. C'est ce que je voulais. En janvier 2021, ils m'ont amené dans un hôtel. Mais au mois de ramadan, ils sont venus m'annoncer qu'ils n'arrivaient pas à trouver ma mère, et qu'il fallait que je parte, parce qu'ils ne pouvaient pas garder tout le monde...

-> Joint par téléphone, l'OIM de Tunisie indique qu'Aboubacar va être prochainement recontacté par leurs services. Selon eux, il y aurait eu un "malentendu" : l'enquête de retracement familial serait "toujours en cours". La procédure peut être longue : six mois en moyenne, nous indique Nawal Barkat, responsable de l'OIM en Tunisie. D'autant que les demandes de rapatriement de la part de MNA ont "triplé sur la seule période de janvier à août 2021, par rapport à toute l'année 2020", indique-t-elle. Cette augmentation s'expliquerait par la pandémie, et par la fuite des expulsions croissantes en Algérie, où résident nombre de ces mineurs. Depuis le début de l'année, "on fait face aux limites du système", en particulier de l'hébergement, explique Nawal Barkat - ce que relate Aboubacar. Les services de protection de l'enfance tunisiens, qui ont autorité sur ces jeunes et gèrent leur hébergement en partenariat avec l'OIM, "n'étaient pas préparés à un tel phénomène migratoire des MNA sur leur territoire".

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Je viens juste de trouver un nouveau travail dans la maçonnerie. C'est très dur, il fait très chaud. Mais peu importe, il faut se battre pour arriver à survivre. J'aimerais gagner quelque chose comme 300 euros pour retourner en Guinée. Pour le moment, ça se passe bien. Mon patron m'a même avancé de l'argent pour que je puisse vous appeler.

Je voulais vraiment le faire pour donner des nouvelles à ma maman, parce que je m’inquiète pour elle. Si quelqu'un de mon pays peut me reconnaître, il pourra lui expliquer. Je voudrais aussi dire aux jeunes comme moi qui étudient que l'avenir se trouve souvent à l'école. À ceux qui ont un métier, qu'il faut continuer de le faire. Et qu'il vaut mieux rester auprès de sa famille, même quand on a rien.

 

 


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