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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Mediapart - Justine Brabant - 20/08/2021

Le numéro d’urgence du ministère des affaires étrangères reçoit des centaines d’appels de réfugiés afghans cherchant à rapatrier leur famille. Les associations mettent en cause les procédures « interminables » auxquelles se heurtent ces réfugiés depuis des années. Deux référés ont été déposés ce 20 août au Conseil d’État.

Derrière leurs ordinateurs, casques sur les oreilles, dans une salle du rez-de-chaussée du Quai d’Orsay, les opérateurs du centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère des affaires étrangères s’affairent. Leur concentration et l’apparent calme qui règne dans la pièce ne doivent pas tromper. Un grand écran plat fixé au mur vient rappeler l’ampleur de la tâche : il affiche en temps réel le nombre d’appels entrants.

Ce 18 août, il est presque minuit mais une cinquantaine de personnes cherchent toujours à joindre le centre de crise. Elles doivent attendre une demi-heure avant que quelqu’un ne décroche. Ce jour-là, au total, le standard a sonné 2 422 fois. Seuls 152 de ces appels ont pu être traités.

Kaboul, le 17 août 2021. Des habitants de la capitale afghane se rassemblent devant l'ambassade de France dans l’espoir de quitter le pays devant l’avancée des talibans. © Photo Zakeria Hashimi / AFP

« La situation est catastrophique », témoigne l’un des opérateurs chargés de prendre ces appels. Pas de panique chez lui et ses collègues, mais une grande frustration. « Nous sommes formés pour cela, l’ambiance reste calme et professionnelle. Mais nous traitons 10 % des appels : c’est faible pour une réponse téléphonique... »

Pour faire face à la demande, le nombre d’agents chargés de répondre augmente chaque jour : d’abord une dizaine, puis une quinzaine... Les permanents du ministère sont épaulés par des bénévoles de la Croix-Rouge. Le 20 août, la petite équipe a déménagé des bureaux de l’Unité de gestion des situations d’urgence (GSU) vers une salle plus grande, au quatrième étage du ministère, qui peut accueillir une trentaine de postes.

Contacté par Mediapart, le Quai d’Orsay a indiqué que le Centre de crise et de soutien avait reçu au total, depuis sa mise en place le 14 août, « environ 10 000 appels », mais il n’a pas souhaité préciser combien de ces appels avaient pu être traités par ses services.

La situation d’aujourd’hui est la conséquence d’un système dysfonctionnel depuis des années.

Un opérateur de la « réponse téléphonique » du centre de crise

La majorité des gens au bout du fil sont des Afghans réfugiés en France cherchant à faire venir leur famille coincée en Afghanistan. La plupart n’ont pas attendu la chute de Kaboul pour demander à ce que leur famille les rejoigne. Faute d’avoir été pris en charge dans les temps, ils sont désormais des centaines à s’adresser au centre de crise, très inquiets des menaces qui pèsent sur leurs proches.

« Parmi les gens qui nous appellent, certains ont déjà lancé la demande de réunification familiale il y a trois ans. La situation d’aujourd’hui est la conséquence d’un système dysfonctionnel depuis des années », soupire l’opérateur, qui, pour chaque demande de rapatriement, rédige une fiche transmise au ministère. « Ce sont des gens qui ont le droit de faire venir leurs proches, mais la procédure est tellement complexe qu’ils n’ont pas pu. »

De fait, si la loi française avait été appliquée, les standards du centre de crise ne seraient pas en train de surchauffer. Depuis 2015, le droit à la réunification familiale des bénéficiaires de protection internationale est inscrit dans la loi française. Il prévoit que les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire (le statut de la majorité des Afghans en France) peuvent « être rejoints » par certains de leurs proches : conjoint·e·s, concubin·e·s, enfants de moins de 19 ans, parents dans le cas des mineurs non mariés.

Quatre à cinq ans d’attente

Concrètement, ces proches doivent déposer une demande de visa au titre de la réunification familiale ; charge aux autorités diplomatiques et consulaires françaises de répondre à cette demande « dans les meilleurs délais », indique la loi.

« En toute logique, “dans les meilleurs délais”, cela devrait signifier quelques mois. Or, certaines familles afghanes attendent une réponse depuis quatre, voire cinq ans », relève Gérard Sadik, responsable de la commission asile à la Cimade. Pour lui, il existe un « énorme problème d’accès des familles de réfugiés ou protégés afghans à la procédure de réunification ». En cause : des « vérifications interminables », qui sont le lot de la plupart des réfugiés, quelle que soit leur nationalité, mais aussi des problèmes plus spécifiques aux Afghans.

Depuis 2017, celles et ceux qui veulent déposer une demande de visa pour la France sont pris dans un dédale administratif de plus en plus impénétrable.

Officiellement pour des raisons de sécurité (suite à un attentat dans le quartier diplomatique de Kaboul), l’ambassade de France à Kaboul ne délivre plus de visas de réunification familiale. Les proches de réfugiés ou de personnes protégées sont invités à adresser leurs demandes à l’ambassade d’Islamabad, au Pakistan.

Problème : d’après les informations recueillies par des avocats représentant ces familles, pendant six mois, personne à l’ambassade d’Islamabad n’était chargé de traiter ces demandes. « Nous avons perdu un temps considérable », regrette Me Jessica Lescs, qui défend les intérêts de soixante-dix familles afghanes.

Lorsque l'examen des demandes a repris, les familles ont rapidement compris qu’elles devraient attendre. « C’était très long, entre les documents dématérialisés à envoyer en amont pour les premières vérifications, puis la convocation à Islamabad, le délai d’instruction... », se souvient Gérard Sadik, de la Cimade.

Puis, le Covid-19 est arrivé. De longues, les procédures sont devenues interminables. Lors du premier confinement, plus aucun étranger n’est autorisé à rentrer sur le territoire français. Les entrées reprennent au compte-goutte en juillet 2020, mais les familles de réfugiés ne sont pas concernées. En janvier 2021, plusieurs organisations, dont la Cimade, obtiennent la fin de la suspension de délivrance de visas pour réunification ou regroupement familial.

Conseil d’État saisi

« Il a fallu que les familles afghanes repartent déposer leurs demandes à Islamabad, au Pakistan. Sauf que l’ambassade là-bas a fermé en avril 2021 [en raison de menaces d’un parti islamiste]. Nous avons de nouveau sollicité le ministère, qui a décidé en mai 2021 que les ambassades en Iran et en Inde pouvaient également recevoir ces demandes. Mais ce n’est pas simple pour les Afghans de se rendre dans ce deux pays, pour lesquels ils ont aussi besoin de visas... », énumère le responsable de la commission asile de la Cimade.

Obtenir un visa pour l’Inde, pour aller y déposer une demande de visa pour la France : les choses n’étaient pas simples pour les proches de réfugiés. Elles le sont encore moins aujourd’hui, avec un aéroport bloqué et un pays en train de se refermer pour une durée indéterminée.

Face à ce cauchemar administratif, deux avocates françaises ont déposé, vendredi 20 août, des requêtes au Conseil d’État – un référé-liberté et un référé-suspension. « L’unité de famille est un droit essentiel du réfugié. Le regroupement familial est fondamental pour eux pour reprendre une vie normale – ou en tout cas, autant que possible », explique Me Jessica Lescs, l’une des deux conseils. « Avec ces deux référés, nous demandons simplement l’application de la loi. »

Une démarche appuyée par les acteurs associatifs, qui avaient déjà alerté le ministère de l’intérieur par courrier en mars puis en juillet, sans réponse. « On fait face à une crise. On aurait pu accélérer les choses il y a quelques mois pour ne pas en arriver là. Il n’y a pas eu de volonté politique, regrette Gérard Sadik. Aujourd’hui, il faut que le gouvernement prenne des mesures réglementaires pour mettre fin à cette situation. »

Contacté par Mediapart, le ministère des affaires étrangères assure que son Centre de crise et de soutien « est totalement mobilisé 24h/24 [...] pour mettre en protection, dans des conditions exceptionnellement difficiles, nos ressortissants, les Afghanes et Afghans ayant un lien avec la France et des Afghanes et d’Afghans de la société civile particulièrement menacés à raison de leur engagement ». Il n’a, en revanche, pas répondu à nos questions sur les problèmes de réunification familiale des Afghans bénéficiaires de protection internationale et sur l’absence d’octroi de visas à leurs familles par l’ambassade de France à Kaboul.

 

 


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