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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Mediapart - Fabien Escalona - 20/08/2021

Entretien avec la maire écologiste de Strasbourg, qui s’est déclarée prête avec d’autres édiles de gauche à accueillir les Afghans cherchant à échapper aux talibans. Elle pointe un durcissement global de l’État en la matière, et se désole de l’hypothèse d’un « tri » parmi les personnes en détresse.

En Europe, le discours d’Emmanuel Macron sur l’accueil des exilés afghans a été l’un des plus durs, avec notamment son souci de se « protéger contre des flux migratoires irréguliers importants ». L’action concrète de la France est à cette image, entre les conditions d’accueil déplorables des Afghans déjà sur place (lire l’article de Rémi Yang et Sébastien Calvet), et le rapatriement chaotique des ex-auxiliaires afghans de l’armée française (lire le parti pris de Justine Brabant)

Dès mardi, au lendemain de l’allocution télévisée du chef de l’État, plusieurs maires de grandes villes ont affiché sur Twitter et par communiqué leur différence avec Emmanuel Macron, avec un message commun : « Nous avons les capacités d’accueillir dignement. » De Grégory Doucet à Lyon à Anne Vignot à Besançon, en passant par Éric Piolle à Grenoble, ou Emmanuel Denis à Tours affirmant que « Tours Habitat et Ligeris ont [déjà] été saisis et recensent actuellement les appartements libres susceptibles [d’]être attribués », les édiles écologistes sont ainsi montés au front. 

© Anne Vignot

Ils ont été rejoints par des homologues socialistes, notamment de Clermont-Ferrand (Olivier Bianchi), de Rouen (Nicolas Mayer-Rossignol), de Nancy (Mathieu Klein) et de Marseille, Benoît Payan écrivant solennellement que l’histoire de la cité phocéenne « se confond avec celle des persécutés, des pourchassés, des affamés, venus ici pour survivre et puis vivre. Aujourd’hui, qu’ils viennent de Kaboul ou d’ailleurs, ils auront toujours une place dans notre ville ».

Cette action concertée entre maires de gauche relève pour l’instant essentiellement de la pression politique. L’État garde la main sur la politique d’accueil, avec notamment une gestion très centralisée du droit d’asile. Il est le seul à pouvoir accorder des statuts garantissant des droits. « Le maire a des pouvoirs limités, également dans les grandes agglomérations où il doit composer soit avec la métropole, soit avec la communauté de communes », nous confirme Yamina Vierge, directrice de la vie associative à la Cimade, une association d’aide aux migrants.

Pour autant, les prises de position des élus écologistes et socialistes lui semblent une « initiative positive ». « Cela a le mérite de créer un rapport de force, et de faire entendre un autre discours que celui de la crainte. Par ailleurs, on a pu constater dans les communes accueillantes, notamment en 2015, que les éventuelles peurs de la population ont été désactivées grâce à des actions de proximité, et que les personnes accueillies s’inscrivaient plus rapidement dans des réseaux pour se reconstruire. »

Pour approfondir le sens politique de la démarche de ces maires et identifier les actions concrètes qu’ils peuvent mener, Mediapart a interrogé Jeanne Barseghian, élue maire de Strasbourg en 2020. Elle est également co-présidente de l’Association nationale des villes et territoires accueillants avec l’eurodéputé Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe, en pointe de l’accueil des réfugiés.

Quelle a été votre réaction quand vous avez écouté l’allocution d’Emmanuel Macron sur la situation en Afghanistan ? Aviez-vous seulement des attentes ?

Il ne m’a pas échappé qu’en termes d’accueil, je défendais déjà des positions différentes de la ligne gouvernementale. Pour autant, oui, j’avais des attentes que la France soit à la hauteur de la situation et des images de désespoir et de chaos qui ont choqué l’opinion. À la hauteur aussi des valeurs qui sont les siennes : on se targue régulièrement d’être le pays des droits de l’homme, et on perd là une occasion de le prouver.

Ce qui m’a choquée dans son intervention, c’est d’annoncer que l’on allait trier parmi les personnes en détresse, entre ceux qui mériteraient d’être secourus et ceux qui ne le mériteraient pas. Poser la question en ces termes est indigne. Tout comme suggérer qu’on devrait se protéger nous d’un afflux de personnes elles-mêmes en danger. Évoquer des « flux migratoires irréguliers », c’est passer à côté du fait qu’on parle du droit d’asile, lui-même régi par un droit international. Mais passé le choc et la colère, j’ai surtout ressenti l’envie d’agir et de redonner ses lettres de noblesse à la fraternité de notre devise républicaine.

Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg. © Joel Saget / AFP

Vous avez été un certain nombre de maires à vous prononcer pour l’accueil d’Afghanes et d’Afghans, en effet. Comment vous êtes-vous coordonnés, et quel est le sens politique de cette initiative qui déjoue les frontières partisanes à gauche ?

Ce réseau de grandes villes dirigées par des maires de gauche, écologistes et socialistes mêlés, existait déjà. Nous sommes en lien permanent et nous avons des échanges réguliers. Il nous paraissait logique d’intervenir collectivement pour que notre parole perce dans le débat public. 

De façon générale, nous portons dans nos villes cette ambition des solidarités et du droit à la ville pour tous. La question de l’humanisme, de l’hospitalité et de l’accueil inconditionnel nous rassemble. Ce qu’on mène dans nos villes est d’autant plus en fracture avec la ligne du gouvernement, que l’on constate un durcissement de sa part ces derniers temps. On le ressent très concrètement dans nos rapports avec les préfectures et les administrations déconcentrées.

À cet égard, je veux souligner que nous assumons déjà un rôle de ville hospitalière pour les migrants et les personnes à la rue, alors qu’il s’agit d’une compétence régalienne. Si l’on intervient, c’est parce qu’il y a une défaillance de l’État sur l’hébergement d’urgence. Avec la crise sanitaire, il se trouve que l’État a été obligé d’intervenir pour mettre à l’abri davantage de personnes pendant quelques mois. Mais les consignes désormais passées sont de commencer à remettre les personnes à la rue.

Que pouvez-vous concrètement faire avec vos compétences ? Et qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Dans son discours, Macron se focalise sur l’accueil de personnes ayant obtenu le statut de réfugiés. Notre message, au contraire, est celui de l’accueil inconditionnel des Afghanes et des Afghans, y compris ceux qui n’obtiendraient pas ce statut.

On accueille déjà sans cesse des migrants sur nos territoires. Concernant ceux qui viendraient d’Afghanistan, nous avons plusieurs semaines pour nous préparer. Il faut en effet répéter que, contrairement à ce que suggèrent des discours anxiogènes, les déplacements vont d’abord se faire dans les pays limitrophes, et prendre du temps.

À Strasbourg, trois axes d’action peuvent être déployés. Premièrement, en tant que capitale européenne, nous sommes partie prenante d’un contrat triennal [signé par l’État, la Région Grand Est, le Département du Bas-Rhin, la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg – ndlr], dans lequel j’ai insisté pour qu’une ligne budgétaire soit dévolue aux droits humains et à la démocratie. Grâce à ces fonds, nous pouvons notamment financer un programme ICORN spécifiquement destiné à l’accueil de journalistes et d’artistes persécutés. C’est une première ligne budgétaire à activer.

Deuxièmement, nous prolongerons ce que nous faisons déjà au quotidien, mais pour lequel nous avons besoin du concours de l’État pour monter en puissance. Durant notre campagne électorale, nous nous sommes engagés à créer 500 places d’hébergement (tous publics vulnérables confondus). Nous en sommes à 200 aujourd’hui. Il ne s’agit pas que d’hébergement d’urgence, mais aussi d’accompagnement social pour permettre aux gens de se reconstruire et de s’insérer là où ils sont accueillis. Il reste que nos capacités propres sont limitées.

Troisièmement, il y a tout le dispositif de solidarité porté par les associations, les acteurs locaux, et puis les habitants. Depuis la prise de position des maires, on reçoit beaucoup de propositions de gens prêts à accueillir des personnes. C’est un élan de solidarité formidable, mais pour autant, cela s’organise et se cadre, en formant les bénévoles : on ne reçoit pas comme ça chez soi quelqu’un fuyant les persécutions.

Vous êtes co-présidente de l’Association nationale des villes et territoires accueillants, qui vient de publier un communiqué sur l’accueil des Afghanes et des Afghans fuyant le régime des talibans. Quel est le rôle de cette association ?

Elle assure un rôle de plaidoyer à l’échelle nationale, et de plus en plus à l’échelle européenne. Dans un contexte où le débat public est saturé d’amalgames et de termes choquants pour parler des migrants, nous faisons entendre une voix et des raisonnements différents.

Il y a ensuite des aspects plus opérationnels dans l’action de l’ANVITA, qui permet des échanges d’expérience sur les façons de mettre en place des politiques locales pour donner accès au logement, mais aussi à la culture, au sport… Je pense par exemple à ce programme intitulé « Sport solidarité pour les réfugiés », qui favorise notamment l’apprentissage du vélo pour les femmes migrantes : loin d’être anecdotique, il s’agit d’un réel vecteur d’émancipation. Globalement, l’idée générale que l’on défend est que l’accueil ne se résume pas à l’alimentaire et à l’hébergement.

Parmi les maires qui se sont prononcés pour l’accueil des Afghanes et des Afghans, certains sont parfois critiqués et ont des rapports conflictuels avec des associations de terrain, qui leur reprochent un manque de solidarité. Au-delà des prises de parole symboliques, comment éviter le grand écart entre le discours et les actes ?

D’abord en montrant, chacun sur son territoire, que l’accueil est possible quand on s’en donne sérieusement les moyens. Dans nos villes, ce ne sont pas des discours, mais des actes et des budgets. Le chiffre de 500 places d’hébergement que nous allons ouvrir pendant notre mandat ne sort pas du chapeau. Il est crédible et atteignable car cela a été expertisé, réfléchi par des collectifs et des élus. Je ne prétends pas que cette seule mesure règle toutes les questions, mais cela permet de montrer qu’on est proactif, quand bien même, je le répète, ce ne sont pas nos compétences qui sont en jeu mais celles de l’État.

Après, les associations pourront toujours dire qu’il reste des personnes à la rue, parce que c’est leur rôle et surtout parce que c’est vrai. Mais les communes seules n’ont pas des marges de manœuvre infinies. Une démarche humaniste et hospitalière ne peut aboutir que si elle est collective, c’est-à-dire avec un engagement de l’État, mais aussi avec des collectivités qui prennent leur part et ne se défaussent pas systématiquement sur d’autres échelons d’action publique.

Au-delà de Macron, c’est l’Union européenne tout entière qui se montre paralysée face à l’accueil à organiser (lire notre article). Quel est votre regard sur cette situation ?

Je suis maire d’une ville qui abrite la Cour européenne des droits de l’homme. Or, dans les assemblées dans lesquelles je siège, je suis effarée de la contradiction entre les déclarations grandiloquentes sur « Strasbourg la capitale des droits de l’homme », et dans l’instant suivant les cris d’orfraie dès qu’on évoque un soutien financier à des associations qui viennent au secours des personnes persécutées.

Au niveau des États membres, c’est le même problème. Les valeurs affichées par l’UE sont contredites par les discours de fermeture et l’absence de coordination pour assurer un accueil digne. Une Europe réduite à l’organisation de ses rapports économiques ne fait pas honneur aux inspirations démocratiques qu’elle revendique. À cet égard, il ne faut pas se laisser paralyser par certains pays qui refusent l’accueil, mais agir, dans un périmètre le plus large possible, avec ceux qui prennent au sérieux ces valeurs.  

 

 


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