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Source : Le monde - Julia Pascual - 03/11/2021

L’Etat n’a pas su résister à la pression des Britanniques sur la gestion des flux migratoires, observe le chercheur spécialisé en droit pénal Olivier Cahn.

Olivier Cahn est membre du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip) et auteur d’une thèse sur la coopération policière franco-britannique dans la zone frontalière transmanche. Il revient sur l’histoire des relations entre la France et le Royaume-Uni sur la question migratoire.

Sur le front migratoire, la balance est-elle à l’équilibre entre Londres et Paris ?

La question migratoire est traitée de façon bilatérale entre la France et le Royaume-Uni depuis le milieu des années 1990. D’abord parce que ce n’était pas une compétence européenne. Ensuite, en raison de la pression mise par les Britanniques sur les Français, alors qu’ils ne font pas partie de l’espace Schengen. Ils sont théoriquement une frontière extérieure, mais ils vont parvenir à se soustraire à cette situation en concluant des accords bilatéraux et des arrangements administratifs.

Le protocole de Sangatte, signé en 1991 et qui émane du traité de Canterbury de 1986 relatif au tunnel sous la Manche, prévoit qu’à bord du train, chaque pays assure les contrôles sur son territoire. Rapidement, les migrants désireux de gagner l’Angleterre développent une technique pour éviter d’être débarqués. Ils prennent des billets de Paris à Lille mais se maintiennent dans le train jusqu’en Angleterre. Les Britanniques commencent alors à mettre la pression sur la France. En 1995, un gentlemen’s agreement prévoit que lorsque le migrant est contrôlé avant l’arrivée du train sur le territoire britannique, il doit être repris par la France. Considérant que les Britanniques font un usage abusif de l’accord, Paris saisit la Commission européenne qui donne raison aux Français. Mais les Britanniques ne vont pas se soumettre et c’est là que débutent une série de renoncements, qui placent aujourd’hui la France dans une position qu’on pourrait comparer à celle des pays limitrophes de l’Union européenne comme le Maroc ou la Turquie, qui acceptent moyennant finance de gérer la question migratoire.

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A votre sens, la France a-t-elle renoncé à sa souveraineté ?

Cela s’est formalisé en 2001, lors du sommet de Cahors, où Lionel Jospin et Tony Blair ont finalisé un protocole additionnel à celui de Sangatte, dans un contexte où de nombreux migrants parvenaient à passer outre-Manche. La France renonce à sa souveraineté en acceptant de délocaliser les contrôles au départ des trains, à Lille et à la gare du Nord, à Paris. Il faut bien se rendre compte : au cœur de la capitale, un espace est concédé aux Britanniques dans lequel ils procèdent à des contrôles et peuvent refouler les gens en appliquant la loi britannique.

Malgré cela, les Britanniques ne seront pas satisfaits. En 2002, David Blunkett, ministre de l’intérieur de Tony Blair, va convaincre son homologue de l’époque, Nicolas Sarkozy, d’adopter la vision britannique qui consiste à justifier le contrôle strict de la frontière par la lutte contre les passeurs. Alors même qu’au début des années 2000, il y avait très peu de passeurs sur la zone.

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Les gens n’ont jamais cessé de passer. Tous les moyens techniques de sécurisation ont été déployés et l’effet de cette politique a plutôt été l’implantation de réseaux de passeurs pour les contourner et la mort de migrants en mer. Pour autant, la logique à l’œuvre n’a jamais varié. Deux arrangements administratifs sont conclus en 2002 qui prévoient la coopération policière entre les pays et la mise en sécurité de la gare de fret de Calais-Fréthun [Pas-de-Calais]. C’est à partir de là que s’installe une contrepartie financière : les Britanniques payent les équipements que les Français vont utiliser. En 2003, le protocole de Sangatte est élargi à la sécurisation du port de Calais : c’est le traité du Touquet.

En 2010, avec l’arrangement Besson-Green [du nom d’Eric Besson et de Damian Green, alors ministres de l’immigration français et britannique], la Grande-Bretagne obtient que ses services de l’immigration aient le droit de travailler sur le territoire français pour dissuader les gens de traverser la Manche. En 2015, un « centre de commandement et de contrôle commun » chargé de coordonner l’action dans le Calaisis des forces de police françaises et britanniques est créé. Ce qui veut concrètement dire que l’action policière est codécidée avec les Britanniques. C’est l’accord Cazeneuve-May. Il devait être accompagné de contreparties : alors que la « jungle » dans laquelle vivaient plus de 10 000 personnes est démantelée en 2016, les Britanniques s’étaient engagés à prendre une partie des mineurs isolés justifiant un lien particulier avec le Royaume-Uni. Ils devaient aussi respecter les clauses de réunification familiale prévues par l’accord de Dublin. En pratique, ils n’ont que très partiellement tenu leur parole.

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La politique en vigueur jusque-là a été entérinée puisque l’arrangement administratif Cazeneuve-May – la cogestion policière de la frontière, donc – devient un traité engageant la France lors du sommet de Sandhurst (Royaume-Uni), en 2018. Et tandis qu’explose le phénomène des traversées de la Manche en small boats survient le Brexit. Le Calaisis est donc devenu une frontière extérieure de l’Union européenne, que des migrants veulent franchir, mais les accords bilatéraux signés avec les Britanniques ne permettent pas de les laisser sortir. La situation du gouvernement, qui mène une politique restrictive en matière d’asile mais dont les policiers empêchent des étrangers de quitter le territoire, serait ironique si les conditions imposées aux migrants n’étaient pas si dramatiques.

Nous sommes d’ailleurs peut-être arrivés à la limite de cette politique. Les Britanniques, pour des raisons de politique intérieure qui tiennent à la gestion critiquée du Brexit et de la crise liée au Covid-19, ont un discours agressif envers la France. Ils nous reprochent de ne pas faire assez pour empêcher les traversées. La logique des Britanniques a toujours été celle d’un rapport de force. Et leur idée aujourd’hui est d’externaliser l’asile en France. Ils voudraient installer des centres d’examen de la demande d’asile sur notre sol, comme l’UE a voulu le faire avec le Maroc et la Turquie. Mais côté français, on assiste à un changement de discours. Quand Gérald Darmanin dit qu’il veut négocier un traité européen sur les questions de reconduites, d’asile et de regroupement familial, ce pourrait être, espérons-le, les prémices d’une rupture considérable.

 


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