Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Anne-Françoise Hivert - 28/01/2022

Ils se savent en minorité, mais refusent de cautionner les décisions du gouvernement social-démocrate, à l’égard des réfugiés syriens notamment, au risque de s’exposer à de violentes attaques.

Qu’ont donc en commun l’acteur incarnant Euron Greyjoy dans la série Game of Thrones, une ancienne commerçante active sur les réseaux sociaux, le proviseur d’un lycée de province, une jeune femme née à Alep (Syrie) et deux écrivains à succès ? Réponse : tous, à leur manière, s’opposent à la politique de l’asile menée par le gouvernement social-démocrate danois et, en particulier, à la volonté de Copenhague de renvoyer chez eux les réfugiés syriens ayant fui le régime sanglant de Bachar Al-Assad.

Sur Facebook, le groupe « Les citoyens qui ne soutiennent pas la politique migratoire du gouvernement » rassemble 40 000 personnes. Mais les activistes – ceux qui se mobilisent au quotidien – ne sont que quelques dizaines, assure Lene Kjaer. La cinquantaine, les yeux clairs et les cheveux teints en noir, une cigarette au bec, c’est elle que les réfugiés appellent quand ils ne savent plus quoi faire. Elle donne des conseils, les met en contact avec des avocats et tente de médiatiser leurs dossiers.

Lire aussi Au Danemark, Asmaa et son mari, hier réfugiés syriens, aujourd’hui placés en centre de rétention

Cette ancienne commerçante, actuellement en pension d’invalidité, partage sa vie entre Odense, au centre du Danemark, et une caravane à Copenhague. Son engagement remonte à 2016. Elle découvre alors les conditions de vie déplorables des déboutés de l’asile dans les camps de rétention danois. Il s’agit surtout d’Irakiens et d’Afghans. Mais, en 2019, les autorités commencent à suspendre les permis de séjour des réfugiés syriens, au prétexte que la situation à Damas et dans sa région s’est « stabilisée ».

« Au Danemark, nous avons le “hygge” : les gens veulent juste mener leur vie tranquillement et ferment les yeux sur ce qui se passe autour. » Lene Kjaer, activiste aidant les migrants

A l’époque, personne n’en parle. « Je pense que les Danois n’imaginent pas comment nous traitons les réfugiés. Ils font confiance au gouvernement. Ils croient le ministre de l’immigration, quand il dit qu’il n’est pas responsable des décisions prises par l’administration. » Lene Kjaer fulmine : « Au Danemark, nous avons le “hygge” : en gros, les gens veulent juste mener leur vie tranquillement et ils ferment les yeux sur ce qui se passe autour. »

Il faudra un message publié sur Facebook par une lycéenne originaire d’Alep, le 31 mars 2021, pour que la mobilisation commence. Dans une lettre ouverte adressée à Mette Frederiksen, la première ministre, Rahima Abdullah, 20 ans, raconte que son amie Aya, arrivée en 2015 avec sa famille, « n’est plus la bienvenue au Danemark ». Son permis de séjour n’a pas été renouvelé. Au lieu de poursuivre sa scolarité au lycée, elle va devoir se rendre dans un centre de rétention – car le Danemark n’a pas d’accord avec Damas et ne peut pas forcer les réfugiés à repartir en Syrie.

Lire aussi  Défense de l’Etat-providence et rejet de l’immigration : la recette ultra-droitière de la gauche danoise

Rahima n’est pas une inconnue. A 16 ans, elle a publié son premier texte dans le journal Jyllands Posten : le récit d’une jeune réfugiée ayant fui la guerre pour arriver au Danemark. La haine et les insultes qu’il a suscitées auraient pu la dissuader de continuer. Elle a persévéré et préside aujourd’hui la section jeune du Conseil danois des réfugiés. Sa lettre à Mette Frederiksen est partagée des centaines de fois. Le lendemain, Aya et Rahima sont convoquées par le directeur de leur lycée, à Nyborg, Henrik Vestergaard Stokholm.

Chroniques incendiaires

En 2018, le proviseur s’est déjà mobilisé pour que les enfants de deux familles somaliennes, dont les visas avaient été révoqués, puissent poursuivre leur scolarité dans son établissement. A l’époque, des élus de droite avaient demandé sa tête. « J’estime que je ne suis pas juste un fonctionnaire, j’ai aussi ma liberté d’expression et mon travail est de transmettre des valeurs à mes élèves », rétorque-t-il à ceux qui prétendent qu’il est tenu à un devoir de réserve.

Quand il apprend la situation d’Aya, son sang ne fait qu’un tour : « C’était tellement grotesque », dit-il. Le 1er avril 2021, il publie un texte sur Facebook où il dénonce la « politique des symboles » menée par le Danemark, qu’il juge « inhumaine et indigne ». Le proviseur et la lycéenne sont invités sur les plateaux de télévision à Copenhague. Trois semaines plus tard, une première manifestation de soutien aux réfugiés syriens a lieu, devant le Parlement.

Écoutez l’épisode du 20 septembre 2021

Le visionnage de ce contenu peut entraîner un dépôt de cookies de la part de la plate-forme le proposant. Compte-tenu de votre refus du dépôt de cookies nous avons bloqué la lecture. Si vous souhaitez continuer et lire le contenu vous devez nous donner votre accord en cliquant sur ce cadre.

Deux intellectuels, en particulier, se mobilisent : les écrivains Anne-Lise Marstrand Jorgensen et Carsten Jensen. La première partage les récits de réfugiés et tente d’attirer l’attention des médias locaux. Le second publie des chroniques incendiaires dans la presse à l’étranger, avec l’espoir de faire réagir la communauté internationale. A contre-courant de l’opinion dominante, leurs prises de position leur valent d’être régulièrement invectivés, notamment sur les réseaux sociaux.

Le célèbre acteur Pilou Asbaek a pris sa carte au Parti social-démocrate et espère
« changer les choses de l’intérieur »

Même chose pour l’acteur Pilou Asbaek (dont la mère est Française), qui a dénoncé le sort des réfugiés syriens sur Twitter, signé des tribunes dans la presse et participé à des manifestations. Le spin doctor de Birgitte Nyborg dans la série Borgen affirme avoir attrapé « le virus de la politique » sur le tournage. « Au-delà des droits des réfugiés, ce sont les droits de l’homme que je défends, explique-t-il. Je suis Danois et j’adore mon pays. Mais contrairement à ce que beaucoup semblent penser, nous ne sommes pas parfaits. Le Danemark peut faire mieux. Je ne suis pas naïf, je ne dis pas qu’il faut ouvrir les frontières, mais nous devons être de bons hôtes pour les gens qui sont déjà ici, en imposant des règles certes, mais en faisant en sorte qu’ils puissent s’intégrer. »

Lire aussi cet éditorial : Le Danemark brade le droit d’asile

Pilou Asbaek a l’habitude des insultes sur les réseaux sociaux : « Quand vous tuez le dragon le plus célèbre du monde, on vous en veut », dit-il, faisant référence à son rôle dans la série Game of Thrones. Pourtant, l’acteur, régulièrement traité de « traître », admet avoir été surpris par la violence des réactions et regrette le peu d’engagement des artistes et des intellectuels dans son pays, qu’il a du mal à expliquer. Henrik Vestergaard Stokholm avoue, lui aussi, être bien seul. Si des collègues lui ont témoigné leur soutien, aucun ne s’est pour le moment mobilisé à ses côtés.

Comment en est-on arrivé là ? Lene Kjaer regrette que les opposants à la politique migratoire préfèrent « faire des gâteaux pour les réfugiés plutôt que de descendre dans les rues », et elle rappelle que presque tous les partis sont désormais alignés sur la ligne du gouvernement, à l’exception de la Liste de l’unité (alliance rouge et verte). Récemment, Pilou Asbaek a pris sa carte au Parti social-démocrate. Sans se faire d’illusions, il espère « changer les choses de l’intérieur ». Ou du moins, entamer « un début de conversation ».

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter