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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Mediapart - Nejma Brahim - 11/2/2022

Ce vendredi 11 février au matin, un immeuble occupé depuis une semaine par un collectif d’aide aux exilés à Calais a été évacué par les autorités, qui n’ont pas lésiné sur les moyens pour les déloger, faisant appel à un hélicoptère et aux équipes du RAID. Des moyens totalement disproportionnés qui en disent long sur le niveau de défaillance de l’État face à l’accueil des migrants.

Un hélicoptère de la gendarmerie nationale qui dépose des hommes du RAID sur le toit d’un immeuble et un secteur bouclé par les forces de l’ordre : ce pourrait être le scénario d’un film d’action ou les moyens mis en place pour le démantèlement d’une filière terroriste. Que nenni. Les forces de l’ordre ont simplement joué les gros bras, ce vendredi au petit matin, devant un groupe d’une vingtaine de militant·es et d’exilé·es, qui occupaient un immeuble inhabité, voué à la démolition, rue d’Ajaccio, à Calais. Leur objectif était de réclamer le respect des droits fondamentaux des plus démuni·es – les migrant·es et les sans-abri –, à commencer par la « réquisition immédiate de tous les bâtiments vides » et « l’arrêt des expulsions de campements de migrants ».

Force est de constater qu’ils n’ont pas été entendus. Le tribunal de Boulogne-sur-Mer avait donné son autorisation la veille, selon le quotidien régional La Voix du Nord, sans que l’avocate de l’un des occupants des lieux n’en soit informée. « Le jeudi 10 février, aux alentours de 15 heures, il m’a été répondu [du tribunal] : “Ne vous inquiétez pas, il n’y a ni demande d’expulsion déposée, ni ordonnance d’expulsion prise à ce jour.” Aujourd’hui, j’ai appris qu’une ordonnance rendue sur requête, déposée mardi 9 février, ordonnait l’expulsion sans respect du principe du contradictoire, malgré mes mails et mes nombreux appels », affirme celle qui avait par ailleurs saisi le tribunal administratif de Lille d’un référé-liberté, et qui exprime aujourd’hui son « désarroi face à un violent déni de justice ».

Qu’importe, la très spectaculaire évacuation a bien eu lieu. Après l’arrivée des hommes du RAID, les occupant·es de l’immeuble squatté ont été contraint·es de sortir mais ont été partiellement protégé·es par leurs soutiens, massé·es à l’extérieur de la tour du quartier Fort Nieulay pour tenter d’empêcher des arrestations. Au milieu des cris et du gaz lacrymogène, les militant·es se sont dispersé·es. Seule une personne aurait été interpellée pour une vérification d’identité, puis libérée. On peut entendre, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux par le collectif Calais Logement pour toustes, mais aussi dans une vidéo postée par La Voix du Nord, les bruits des explosifs pour ouvrir les portes. Des moyens totalement démesurés, se voulant sans doute « impressionnants », dans la droite ligne de « fermeté » déjà affichée par l’État s’agissant des migrations.

Cela près de trois mois seulement après le naufrage du 24 novembre au large de Calais, qui a coûté la vie à 27 personnes, et à l’occasion duquel ni le président de la République ni le ministre de l’intérieur n’ont remis en cause leur politique d’accueil, ou plutôt de « non-accueil », pour les exilé·es déjà présent·es sur le sol français, confronté·es à la rue et au froid, à la faim parfois, lorsque les interdictions de distribution alimentaire pleuvent, et au harcèlement des forces de l’ordre chargées d’évacuer les lieux de vie des migrant·es toutes les 48 heures, au nom de la doctrine de la préfecture née du démantèlement de la jungle de Calais, qui impose « zéro point de fixation ». Autrement dit, dans les mots des autorités, zéro campement, zéro conditions de vie indignes, zéro personne dehors.

Intervention du RAID au Fort Nieulay, à Calais, le 11 février 2022. © Johan Ben Azzouz / La Voix du Nord / via MaxPPP

 

L’ambition serait louable si elle n’était pas bourrée d’hypocrisie, et si elle était accompagnée de la création de solutions d’hébergement pour les personnes exilées présentes sur ce territoire. Empêcher l’installation durable de tout campement dans l’objectif affiché de ne laisser personne à la rue est une chose, ne pas permettre à ces mêmes personnes, dans le même temps, d’avoir un abri en plein hiver, avec des températures souvent négatives, en est une autre. « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois, ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité », avait martelé Emmanuel Macron à propos des migrant·es, des demandeurs et demandeuses d’asile en juillet 2017.

À Calais, Grande-Synthe, Paris et ailleurs, les nombreuses tentes servant de toit aux personnes sans abri signent l’aveu d’échec du gouvernement à définir les contours d’une véritable politique d’accueil. Une inaction politique grandissante qui nous déshonore. Au nom de quoi décide-t-on, au plus haut sommet de l’État, de l’abandon d’une frange de la société, sous prétexte que celle-ci est étrangère et/ou en exil ? S’agit-il de dissuader les suivants de venir, en répondant naïvement à la théorie d’extrême droite dite de « l’appel d’air », laissant sous-entendre que si l’on accueille bien, cela en attirerait d’autres ? Tout se passe comme si, en France, l’extrême droite devait sans cesse être rassurée, confortée dans ses ignominies.

Que peut-on répondre à celles et ceux qui nous demandent « pourquoi ? » lorsque leur tente a été lacérée, à celles et ceux qui ont vu leurs effets personnels disparaître du jour au lendemain après l’évacuation d’un campement, à celles et ceux qui accusent les forces de l’ordre de les violenter, de briser volontairement l’écran de leur téléphone ou d’uriner sur leur tente ? Il est sûr que les moyens humains et financiers déployés à tous les niveaux à la frontière franco-britannique pourraient être utilisés plus intelligemment.

Le prêtre Philippe Demeestère, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein, en grève de la faim à Calais pour défendre les droits des exilé·es. © NB.

 

Pendant ce temps, la société civile, bien qu’épuisée, reste mobilisée aux côtés des exilé·es, avec les moyens du bord. Jour après jour, les citoyen·nes et les associations ratissent Calais pour informer, accueillir et nourrir les migrant·es, bravant les interdits : elles et ils doivent lutter, au quotidien, pour distribuer de simples repas et de l’eau aux personnes exilées dans le Calaisis, au risque d’être verbalisé·es, comme le racontait tout récemment Noke, une bénévole de l’association Calais Food Collective, au micro de Guillaume Meurice, et comme nous le racontions ici, au moment où un nouvel arrêté visant à interdire « toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires » aux organisations non mandatées par l’État dans le centre-ville de Calais était tombé, en septembre 2020. D’autres lui ont succédé.

En octobre et novembre 2021, la grève de la faim entamée par le père Philippe, 75 ans, et deux citoyen·nes solidaires des exilé·es, Anaïs Vogel, 35 ans, et Ludovic Holbein, 38 ans, pour obtenir une pause dans les « violations des droits humains et fondamentaux », n’a pas permis une prise de conscience chez nos dirigeant·es politiques, qui s’étaient contenté·es d’envoyer un médiateur missionné par le ministère de l’intérieur, Didier Leschi (par ailleurs directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration), sans accepter de les recevoir. Le « SAS » devant permettre d’héberger les migrant·es avant leur transfert en centre d’accueil et d’examen des situations administratives (CAES), promis par le médiateur, n’aura pas tenu deux semaines avant de fermer.


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