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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Nejma Brahim - 23/03/2022

Une quarantaine de jeunes étrangers mis à l’abri dans un centre d’hébergement de l'Essonne, originaires de Guinée, du Mali ou d’Afghanistan, vont être remis à la rue d’ici à la fin de la semaine. Plusieurs sources reprochent à la préfecture de récupérer leurs places pour accueillir plutôt des réfugiés d’Ukraine, ce qu'elle dément.

Des rumeurs, deux semaines plus tôt, avaient d’abord alerté les jeunes étrangers d’un centre d’hébergement de l’Essonne. Elles laissaient entendre que, pour faire face à l’arrivée des personnes réfugiées d’Ukraine en Île-de-France, ils pourraient être remis à la rue prochainement. L’association d’aide aux exilés Utopia 56 était alors montée au créneau et avait publié les messages d’un résident, inquiet de son éventuelle expulsion, sur les réseaux sociaux.

« On [nous] dit qu’on va sortir le 15 [mars, ndlr]. Ces deux derniers jours il y a beaucoup d’Ukrainiens qui arrivent. Dans le passé, est-ce que c’est déjà arrivé que la préfecture mette des gens dehors ? Moi j’ai peur, je n’ai même pas pu dormir », confiait ce résident étranger à un bénévole d’Utopia 56, le 8 mars. Après avoir repoussé leur sortie, la préfecture de l’Essonne a finalement bien acté leur départ, mardi 22 mars. Les jeunes ont jusqu’à vendredi, 17 heures, pour quitter les lieux, sans autre solution de repli.

Les 49 jeunes, pour la plupart en procédure de recours pour faire reconnaître leur minorité en vue d'une prise en charge par les services départementaux de l'Aide sociale l'enfance (ASE), avaient été placés dans cet ancien hôtel Formule 1, réaménagé en centre d’hébergement d’urgence, après une opération de mise à l’abri organisée par les préfectures de la région d’Île-de-France et de Paris le 19 janvier 2022, dans le quartier de Bercy. « Pendant plusieurs semaines, on a dormi là-bas sous le pont », raconte Oumar, l’un des résidents de la structure, que Mediapart a pu contacter. Cet Ivoirien, âgé, selon ses dires, de 17 ans, est arrivé en France en juillet 2021 et affirme n’avoir jamais eu aucune solution d’hébergement avant. « On a toujours vécu dehors, c’est donc la seule maison qu’on a eue en France. »

Mardi 22 mars, le président de l’association qui s’occupe de ces jeunes, Grandissez ensemble, leur a annoncé qu’ils allaient devoir partir. « Il nous a dit que ça faisait très longtemps que la préfecture voulait nous mettre dehors et qu’il avait essayé de leur expliquer que nous n’avions pas où aller », poursuit Oumar. « De ce qu’on a compris, ils ont besoin de faire de la place pour les Ukrainiens qui arrivent, enchaîne Aboubakar, son ami. Depuis deux semaines, beaucoup sont arrivés au centre dans des cars. Et pour nous, comment ça va se passer ? Le même bus qui nous a amenés ici va nous redéposer à Bercy, pour qu’on dorme sous une tente ? On n’a nulle part où aller ! »

Selon plusieurs sources proches des résidents et de l’association Grandissez ensemble, il s’agit bien d’une sortie « sèche », sans proposition de transfert. « Les résidents sont désemparés. Si demain on les remet à la rue, que vont-ils devenir ? », interroge l’une d’elles, qui assure que la préfecture envisageait, deux semaines plus tôt, de faire sortir les jeunes « par petits groupes de 12 » pour davantage de discrétion.

« Ils voulaient étouffer l’affaire », commente une autre, qui exprime son « dégoût » face à tant de « différence de traitement » entre les exilé·es présent·es sur le territoire français, dans un contexte où les réfugié·es d’Ukraine sont accueilli·es dignement.

La préfecture leur propose le 115

Contactée, la préfecture de l’Essonne confirme la sortie prochaine des jeunes mais en donne d’autres explications. « En décembre et janvier derniers, nous indique-t-elle, des jeunes migrants ont été admis sur deux sites situés dans le département, dont celui d’Ormoy. Ces personnes ont fait l’objet de refus de prise en charge au titre de l’Aide sociale à l’enfance dans différents départements, qui n’ont pas reconnu leur minorité. Certains d’entre eux ont introduit des recours contre ces décisions, mais ces recours n’ont pas de caractère suspensif. Les personnes sont donc considérées comme majeures et relèvent du droit commun. »

La préfecture a proposé aux jeunes de se déplacer dans ses locaux afin de déposer une demande d’asile. Originaires de Guinée, du Mali, du Sénégal, de Côte d’Ivoire ou encore d’Afghanistan, ils ont préféré attendre leur audience devant le juge des enfants, considérant que leurs chances d’obtenir l’asile étaient faibles, au vu de leurs pays d’origine.

Selon la préfecture, qui invite les jeunes à se diriger vers des dispositifs de droit commun comme le 115 (déjà saturé), ces fins de prise en charge sont « sans relation avec l’accueil de personnes en provenance d'Ukraine ». « Des personnes en provenance d’Ukraine ont ainsi pu être accueillies, depuis le 7 mars dernier, sur le même site, indépendamment de la présence de ces jeunes. Les places actuellement utilisées par ces jeunes n’ont pas vocation à être utilisées par des personnes en provenance d’Ukraine. Il n’est pas prévu à ce jour d’étendre le nombre de places dans ce cadre sur cette structure. »

Plusieurs sources nous confirment pourtant que le groupe SOS Solidarités, présent sur la structure depuis deux semaines pour accompagner l’arrivée des premiers réfugiés ukrainiens (ils seraient 50 à l’heure actuelle, et 90 attendus au total), prévoit déjà de récupérer les chambres pour continuer d’accueillir le public ukrainien. L’association Grandissez ensemble aurait par ailleurs demandé à poursuivre sa mission aux côtés des ressortissants ukrainiens, comprenant que ces derniers remplaceraient les jeunes étrangers au sein de la structure.
Pour nous, c’est du racisme. On met les Noirs dehors et les Blancs, on les met à l’abri.
Aboubakar, 15 ans, en France depuis décembre 2020

Pour l’association Utopia 56, il y a « peu de doutes » sur les intentions de la préfecture. « En ce moment, les acteurs de terrain ne cessent de nous dire que toutes les places d’hébergement sont gelées pour les Ukrainiens. Tant mieux si ces derniers sont accueillis dignement, mais ce dispositif de prise en charge doit être élargi à tous les exilés. À Pantin, où une soixantaine d’Afghans dort toujours dehors, et ce depuis plus d’un mois, l’hôtel Ibis a été immédiatement réquisitionné pour les Ukrainiens. C’est lunaire », dénonce Pierre Mathurin, coordinateur d’Utopia 56 à Paris.

Moussa, un autre résident qui affirme avoir 17 ans, nous fait part de son désarroi : « Aujourd’hui, on était censés étudier. Certains vont à l’école, d’autres suivent des cours avec les associations Droit à l’école ou la Timmy. Mais on a décidé de ne pas y aller parce qu’on n’est pas tranquilles d’esprit. Et on se dit que si la préfecture ou le président de Grandissez ensemble veulent nous parler, il faut qu’on soit présents pour nous exprimer. » Lui comme Oumar et Aboubakar disent ne pas comprendre cette situation et y voient une « injustice ».

« Pour nous, c’est du racisme. On met les Noirs dehors et les Blancs, on les met à l’abri. Alors qu’en fait on peut très bien vivre ici tous ensemble, avec les Ukrainiens. Pourquoi virer les uns pour protéger les autres ? », dénonce Aboubakar, 15 ans, en France depuis décembre 2020. Le coordinateur d'Utopia 56 estime « inacceptable » que des jeunes, supposés mineurs, puissent être remis à la rue sans aucune alternative. « Moralement, c’est très difficile pour eux. Ils pensaient être sortis de la rue et vont devoir y retourner. Ils sont terrifiés et nous appellent toutes les heures pour savoir si une solution a été trouvée. »

« On est choqués, on a eu trop de galères dans ce pays. La France, c’est l’égalité et la fraternité, mais on n’a encore rien vu de tout ça. Il n’y a plus d’humanisme dans ce pays », poursuivent les trois jeunes, ajoutant que leur seule revendication est de « pouvoir aller à l’école, apprendre un métier décent et avancer dans [leur] vie ». Peu importe, ils n’entendent pas quitter les lieux. Selon nos informations, les éducateurs qui les accompagnent ont refusé d’intervenir pour leur sortie du centre vendredi.

 


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