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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Marsactu - Clair Rivière - 14/04/2022

En accompagnant une députée en visite surprise, Marsactu a pu entrer dans ce lieu de privation de liberté méconnu, vétuste et très spartiate, où la police aux frontières enferme les étrangers non admis sur le territoire français à leur descente de l’avion.

Au sous-sol des locaux de la police aux frontières, un écriteau indique les deux "chambres" de la zone d’attente. Sous la lumière blafarde des néons et les faux plafonds défoncés, on a plutôt l’impression de rejoindre des cellules de prison. Les portes ne ferment que depuis l’extérieur, les fenêtres sont opaques, le mobilier est spartiate, la peinture défraîchie, le ménage approximatif. Il n’y a ni salle de télévision ni cour extérieure. À Marignane, la zone d’attente de l’aéroport Marseille-Provence est loin d’offrir les "prestations de type hôtelier" exigées par la loi. La police aux frontières en a d’ailleurs conscience : les consignes stipulent qu’au bout de 48 heures sur place au plus tard, les étrangers enfermés ici (quatre personnes au maximum) doivent être transférés au centre de rétention administrative du Canet, dont deux couloirs ont le statut de zone d’attente.
Une zone d’attente, kézako ? C’est un lieu de privation de liberté méconnu, où sont enfermés les étrangers qui n’ont pas été admis sur le territoire national à leur descente de l’avion. Cet enfermement peut durer jusqu’à 26 jours, le temps d’organiser le refoulement de la personne ou de l’autoriser finalement à pénétrer en France – notamment quand elle souhaite demander l’asile et que sa démarche est jugée sérieuse par le ministère de l’Intérieur, après avis de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
En 2019, 360 personnes ont séjourné dans ces locaux.
De la centaine de zones d’attente que comptent les aéroports, gares et ports de France, celle de Marignane est la troisième en termes de nombre de personnes enfermées. Juste derrière les aéroports franciliens de Roissy et Orly, selon des chiffres obtenus auprès du ministère de l’Intérieur par l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé). En 2019, dernière année pleine avant la crise sanitaire et la chute du trafic aérien, 360 personnes y ont séjourné. En 2021, avec la pandémie en toile de fond, elles n’étaient plus que 173 selon la préfecture des Bouches-du-Rhône. Et du 1er janvier au 10 avril 2022, on en a compté 58.

Aux yeux de l’Anafé, la zone d’attente de l’aéroport Marseille-Provence compte parmi celles où l’état des locaux laisse le plus à désirer – à Orly par exemple, l’hébergement se fait dans un hôtel. Toujours selon cette association, des violations des droits des étrangers enfermés y sont régulièrement constatées.

"Bonjour, je viens exercer mon droit de visite"


Ce vendredi 8 avril, il est environ 10 heures dans le hall A du terminal 1 de l’aéroport Marseille-Provence quand une parlementaire communiste des Hauts-de-Seine sonne à l’interphone de la police aux frontières (PAF) :
"Bonjour, je suis Elsa Faucillon, députée, je viens exercer mon droit de visite de la zone d’attente". Surpris, le planton bredouille un rapide "D’accord" puis appelle ses chefs. Lesquels mettront 55 longues minutes à autoriser la députée et ses accompagnants (trois assistants parlementaires, une militante de l’Anafé et deux journalistes, dont celui de Marsactu) à pénétrer au sein du poste de police.

Un droit pour tous les parlementaires
Chaque parlementaire a le droit d’accéder jour et nuit – et sans prévenir à l’avance – à l’intégralité des lieux de privation de liberté de France et peut proposer à des journalistes de l'accompagner. Au cours de ses cinq ans de mandat, la députée Elsa Faucillon a multiplié les visites inopinées, parfois très loin de sa circonscription de la proche banlieue nord de Paris. "À chaque fois que je visite un centre de rétention ou une zone d’attente, ça me confirme qu’il faut fermer ces lieux, pour plein de raisons. Rien que sur le côté humain : ce sont des prisons déguisées pour étrangers, on peut y faire les aménagements qu’on veut, elles sont forcément dégradantes", juge-t-elle.
Elsa Faucillon demande à faire le parcours des personnes enfermées. Le petit groupe se dirige donc vers les aubettes de contrôle, là où les agents vérifient les passeports à la descente de l’avion. Évoquant le "risque migratoire", le capitaine B., chargé de guider la députée, explique qu’en cas de doute ou d’anomalie, les passagers sont emmenés dans un bureau pour être interrogés. Selon les cas, ils sont ensuite libérés, renvoyés immédiatement par avion ou placés dans la zone d’attente, au sous-sol. "En zone d’attente, on retrouve un peu tout le monde et n’importe qui", indique Charlène Cuartero Saez, de l’Anafé. Il peut tout simplement s'agir de "touristes à qui il manque une nuit d’hôtel" : pour rentrer en France, certaines catégories d’étrangers doivent justifier d’un hébergement et d’une somme d’argent suffisante pour subvenir à leurs besoins au cours de leur séjour. "Ça peut aussi être des personnes qui ont un titre de séjour en Espagne ou en Italie mais qui ne remplissent pas les autres conditions d’entrée. Ça peut aussi être des demandeurs d’asile ou des mineurs isolés...", énumère-t-elle encore.

Des conditions d’accueil "non acceptables"

La députée pose des questions, les policiers récitent la procédure. On a parfois l’impression d’assister à un examen d’école de police. À entendre les agents, tout se passe toujours parfaitement dans les règles. Les témoignages recueillis par l’Anafé font pourtant état de multiples cas d’atteintes aux droits des étrangers : entre
autres, des "refus d’enregistrer la demande d’asile", des "contestations de la minorité de mineurs isolés" (avec renvoi dans le pays de provenance) ou encore des "problèmes d’accès aux soins". Impossible de demander directement leur avis aux premiers concernés : ce matin-là, la zone d’attente est vide.

Questionnée par Marsactu sur les accusations de l’Anafé, la préfecture fait valoir qu’après leur visite des 10 et 13 janvier 2020, les services de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) ont certes formulé des observations, mais "sans toutefois relever de remarques sur un non-respect des droits des personnes maintenues".

S’il est vrai que le rapport de la CGLPL indique que "les policiers rencontrés sont apparus comme respectueux des personnes non admises et attentifs au bon traitement procédural", il précisait néanmoins que "l’effectivité de l’exercice des droits est compromise par de multiples manquements constatés en matière d’information apportée aux personnes hébergées : les informations données aux non admis sont parcellaires, l’ensemble des documents remis – voire soumis à la signature de l’intéressé – ne sont pas traduits dans les langues étrangères les plus
utilisées".

Mais c’est surtout sur les "conditions d’accueil" que la CGLPL se fait la plus sévère :
L’enfermement dans une pièce, sans accès à l’air libre ni à une salle de détente, l’absence d’activités et l’aménagement spartiate des chambres rendent ces conditions non acceptables. Le transfert vers le site du Canet, relativement plus confortable, devrait intervenir dès que la personne maintenue est amenée à passer une nuit en zone d’attente – et non au bout de 48 heures comme c’est le cas actuellement. La préfecture ne nie pas le problème, mais plaide la contrainte technique : "L’absence de cour de promenade est régulièrement soulignée, mais il s’agit simplement d’une impossibilité matérielle et non pas une volonté délibérée". Le fait que la zone d’attente soit située côté pistes limiterait les possibilités d’aménagement. Néanmoins, assure la préfecture, "une étude est en cours pour trouver des solutions entre les différentes parties prenantes". Il s'agit de la société de gestion de l’aéroport, la police aux frontières et le Secrétariat général pour l'administration du ministère de l’Intérieur (Sgami).

Des locaux rénovés en même temps que l'aéroport ?

Plusieurs fois lors de la visite d’Elsa Faucillon, quand un problème d’ordre matériel est abordé, les policiers se défaussent sur le gestionnaire de l’aéroport : "Pour beaucoup de choses, on dépend de l’exploitant, se défend ainsi la capitaine M. Même nous, on a des bureaux sans fenêtres. Et les peintures, par exemple, c’est pas nous, c’est le gestionnaire." Contacté, l’aéroport reconnaît avoir une part de responsabilité dans l’état dégradé des locaux de la Paf. "Effectivement, ça fait plus de trente ans qu’il n’y a pas eu de travaux conséquents à l’aéroport", précise la porte-parole, qui ajoute néanmoins que dans le cadre du projet Cœur d’aéroport, le terminal 1 doit être rénové d’ici 2024. Les locaux de la PAF seraient concernés, croit savoir notre interlocutrice, sans pouvoir préciser si les "chambres" de la zone d’attente seront incluses ou non dans les travaux.

Au bout de deux heures de visite, la députée quitte l’aéroport. Direction le quartier marseillais du Canet, où se trouve le reste de la zone d’attente : deux couloirs, d’une capacité totale de 34 personnes, dédiés à cette fonction à l’intérieur du centre de rétention administrative (CRA). Les lieux servent aussi à enfermer les étrangers débarqués sans papiers en règle dans le Grand port maritime. Mais ce jour-là, ici non plus il n’y a personne. Les conditions sont un peu meilleures qu’à Marignane : dans les chambres, les fenêtres permettent de voir le jour, on peut même aérer un peu. Il existe une salle de détente commune, avec un baby-foot et une télévision. Surtout, les personnes maintenues peuvent accéder à une cour – surplombée d’un grillage.

 


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