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Source : InfoMigrants - Charlotte Oberti - 06/05/2022

Au Royaume-Uni, pays au marché du travail considéré comme accessible, les réfugiés peinent à trouver un emploi. Les rares demandeurs d'asile qui disposent d'une dérogation pour travailler aussi. Beaucoup restent sans rien faire, paralysés par la peur de travailler au noir et de se mettre dans l'illégalité. Quitte à s'isoler.

Charlotte Oberti, envoyée spéciale à Londres.

La terrasse de l'appartement est presque trop grande. Buraq Alsmadi, son propriétaire, ne sait pas comment aménager l'espace. "Peut-être un salon de jardin pour fumer la chicha ?", réfléchit-il. La décoration extérieure de cet appartement moderne, acheté en 2018 dans le quartier d'Harrow, dans le nord-ouest de Londres, est l'un des derniers détails à régler dans la vie bien organisée de Buraq Alsmadi, un tout nouveau citoyen britannique de 37 ans.

En huit ans de présence sur le sol anglais, ce Syrien tiré à quatre épingles est allé à la vitesse de l'éclair, se frayant un chemin couronné de succès professionnels dans ce pays où il a trouvé refuge en 2014, trois ans après le début de la révolution en Syrie. Ingénieur en informatique, spécialisé dans les produits Apple - "un gros avantage sur le marché du travail", précise-t-il - il est salarié d'une première entreprise, chef d'une seconde, et investisseur, à ses heures perdues, dans le Bitcoin.

"Je suis clairement du bon côté de la barrière", affirme-t-il, conscient que les demandeurs d'asile n'ont pas tous son destin, ici. L'Angleterre n'était d'ailleurs pas son premier choix. Après la Syrie, Buraq Alsmadi a vécu à Dubaï pendant deux ans. Un endroit où "il est impossible de devenir résident permanent quand on est un étranger". Il pense alors à l'Espagne puis se ravise, refroidi par la mauvaise santé économique du pays. Vient ensuite l'Allemagne, "industrielle, travailleuse", qui lui refuse un visa étudiant. Le Royaume-Uni, de son côté, lui en délivre un sans peine. 

 

L'immense terrasse de Buraq Alsmadi dans le nord-ouest de Londres. Crédit : InfoMigrants
L'immense terrasse de Buraq Alsmadi dans le nord-ouest de Londres. Crédit : InfoMigrants

 

Exceptions

La "success story" de Buraq Alsmadi rassemble certains des fantasmes qui circulent autour de l'Angleterre, pays du plein emploi au marché du travail considéré comme accessible. Nombreux sont en effet les migrants en route vers l'île britannique qui estiment qu'ils pourront y travailler, sans trop de difficultés. Mais la situation outre-Manche n'a eu de cesse de se durcir ces dernières années. Depuis début 2021, le pays a adopté un système d'immigration à points, visant à limiter les entrées, en donnant la priorité aux migrants occupant des emplois hautement qualifiés. Comme Buraq Alsmadi.

Ce dernier n'a d'ailleurs jamais étudié, comme son visa initial le lui permettait. Dès son arrivée dans le pays, il a demandé l'asile, l'a obtenu en six mois puis a commencé à travailler, croulant rapidement sous les offres d'emploi. "Je suis une exception parmi mes amis syriens, explique-t-il. La plupart ont dû reprendre des études pour pouvoir travailler, même quand ils avaient déjà un diplôme", afin de pouvoir s'aligner sur les exigences britanniques.

>> À (re)lire : "C'est impossible de penser au futur" : en Angleterre, l'"hostilité" d'un système d'accueil ultra verrouillé

C'est ce à quoi se prépare Esmatullah Fetrat, un demandeur d'asile afghan logé dans un hôtel. Arrivé il y a cinq mois, il a déjà l'air résigné. Ingénieur en transport à la carrière bien lancée dans son pays d'origine, il "devra" repasser ici par la case études. "Je ne trouverai jamais un boulot à la hauteur de mes qualifications, tout le monde me le dit", lance-t-il, assis à la terrasse déserte d'un pub, en banlieue de la capitale.

Ce restaurant, comme le peu de commerces présents dans les environs, n'ouvre pas avant midi. Les matins, d'habitude, Esmatullah reste d'ailleurs au lit. Que faire d'autre ? "Je ne peux pas travailler, je ne peux pas faire des études, certains jours je vais marcher, mais la plupart du temps, je reste sous la couette", explique-t-il.

 

Au Royaume-Uni, les migrants qui travailleraient sans permis sont passibles d'amendes et de peines pouvant aller jusqu'à six mois de prison. Crédit : InfoMigrants
Au Royaume-Uni, les migrants qui travailleraient sans permis sont passibles d'amendes et de peines pouvant aller jusqu'à six mois de prison. Crédit : InfoMigrants

 

En Angleterre, un demandeur d'asile comme Esmatullah Fetrat ne peut effectivement pas travailler. Sauf exceptions. "Il est techniquement possible de demander une autorisation de travail après une année de présence sur le territoire en tant que demandeur d'asile mais cela permet seulement de postuler pour des métiers recherchés", assure Sile Reynolds, spécialiste de la procédure d'asile auprès de l'ONG Freedom for Torture.

Selon le Migration Observatory, un centre de recherche de l'université d'Oxford, 28% des personnes nées à l'étranger et présentes en Angleterre travaillent dans l'hôtellerie et la restauration, où les besoins ne cessent d'augmenter depuis la pandémie de Covid et le Brexit, qui a provoqué une pénurie de main-d'œuvre. Environ 26% sont dans le secteur des transports et du stockage, et 25% dans la "communication" et l'informatique. 

"Travailler au noir ? Surtout pas !"

En théorie, Ramyar Jalali, un demandeur d'asile iranien de 26 ans arrivé en bateau en Angleterre il y a deux ans, dispose du permis de travail. Mais en pratique, aucun employeur ne veut de lui.

Il ne fait pourtant pas la fine bouche mais ce jeune homme, qui gagnait auparavant son pain en transportant des bidons d'essence et autres marchandises à travers la frontière entre l'Iran et l'Irak, n'a pas de compétences à mettre en avant. Il vit à Kirkham, dans la région défavorisée du Lancashire, dans le nord-ouest du pays, là où les autorités lui ont attribué un logement temporaire. Dans cette maison, qu'il partage avec quatre autres demandeurs d'asile, personne ne fait rien, par manque d'opportunités.

>> À (re)lire : Depuis les côtes anglaises, ces citoyens britanniques à l'affût des bateaux de migrants

"J'ai postulé dans une usine de shampoings et on m'a dit qu'il me manquait une autorisation, raconte Ramyar Jalali, la voix agacée. Je l'ai obtenue mais ça a à nouveau coincé, maintenant il me faut un 'code', je ne sais pas ce que c'est et je ne peux pas l'avoir, je ne sais pas pourquoi."

"Fatigué", "tout le temps stressé", il sort à peine de sa chambre. Seuls ses cours d'anglais, deux fois par semaine, le tire de sa léthargie. Quant à travailler illégalement, Ramyar Jalali assure ne pas l'envisager. "Je ne veux pas faire ça car la police pourrait venir me contrôler et me menacer."

Au Royaume-Uni, les migrants qui travailleraient sans permis sont passibles d'amendes et de peines pouvant aller jusqu'à six mois de prison. Par ailleurs, toute "faute" constatée peut avoir un impact sur une demande de permis de travail futur. Dans les rangs des demandeurs d'asile, ils sont donc nombreux à redouter le travail clandestin, dont ils auraient pourtant besoin. D'ailleurs, il est courant que les yeux des migrants, où qu'ils soient, s'écarquillent lorsque l'on pose une question sur ce sujet : "Travailler au noir ? Surtout pas !".

Ceux qui en parlent le font sous couverts d'anonymat. Un trentenaire iranien de la région de Manchester raconte faire le ménage de temps en temps dans des restaurants ou sur des chantiers de construction, "pour 20-30 livres"(25-35 euros). En Iran, il était sportif de haut niveau. Il a été débouté de l'asile et vit à la rue depuis deux ans. Désormais, sa décision est prise : il veut quitter l'Angleterre.

 

Photos du mariage de Buraq Alsmadi, chez lui. Crédit : InfoMigrants
Photos du mariage de Buraq Alsmadi, chez lui. Crédit : InfoMigrants

 

40 livres par semaine

Faute d'autres options, Ramyar Jalali vit, lui, avec 40 livres par semaine (5,8 pounds par jour, l'équivalent de 6,8 euros), une allocation donnée, sur demande, par le gouvernement aux demandeurs d'asile ayant obtenu un premier avis favorable quant à leur demande. "Je ne peux pas faire grand chose avec ça, j'essaie simplement d'acheter de la nourriture", se désole le jeune homme.

>> À (re)lire : "Notre bateau était très petit et les vagues très grandes" : récits de traversées de la Manche

Cette allocation est largement insuffisante, estime aussi Sile Reynolds. "Des demandeurs d'asile peuvent rester des années comme ça, dans un état de pauvreté prolongée qui est épuisant", explique-t-elle. "Au-delà de leurs besoins qui s'accumulent et qu'ils ne peuvent pas satisfaire, ce manque d'argent les empêche de se sociabiliser. Le coût des déplacements est trop élevé, les demandeurs d'asile ne peuvent généralement pas se rendre aux événements organisés par leur communauté. Ils deviennent au final très isolés."

Buraq Alsmadi, lui aussi, malgré sa réussite, peut parfois se sentir isolé. En 2019, pour son mariage avec sa compagne, une Syrienne rencontrée en Angleterre, il a voulu faire venir sa mère et son frère. Ces derniers ont demandé un visa touristique pour l'occasion. Mais la cérémonie a finalement eu lieu sans eux : les autorités ont refusé de leur accorder l'autorisation de séjour, arguant qu'il y avait un risque qu'ils restent plus longtemps dans le pays, rapporte le marié. "Ce n'était pas pour vivre ici mais pour assister à mon mariage. J'ai un grand appartement où je pouvais les loger et j'ai de l'argent", insiste-il, comme à l'époque. Peine perdue : sa mère et son frère, eux, ne sont pas informaticiens.

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