Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Leslie Carretero - 09/05/2022

Dans un communiqué publié vendredi, Médecins sans frontières s’est dit "extrêmement préoccupé" par la détention arbitraire en Lituanie de plus de 2 500 migrants, neuf mois après avoir franchi la frontière avec la Biélorussie. Les "conditions inhumaines" dans lesquelles sont retenus les exilés et le manque de "procédure d'asile équitable" provoquent chez eux une "détresse psychique et mentale", insiste l’ONG médicale. Les demandeurs d'asile font régulièrement état de violences, d'intimidation et de racisme.

Ils ont franchi la frontière avec la Biélorussie neuf mois plus tôt mais sont toujours enfermés dans "des conditions inhumaines" en Lituanie. Selon Médecins sans frontières (MSF), qui a publié un communiqué vendredi 6 mai, plus de 2 500 migrants subissent une "détention arbitraire" dans les camps lituaniens, aux allures de centres de détention.

L’ONG médicale fournit des soins dans deux structures du pays, celle de Kybartai, uniquement occupée par des hommes, et celle de Medininkai, où vivent également des femmes et des enfants. La majorité sont des ressortissants du Moyen-Orient, principalement d'Irak, mais on compte aussi beaucoup de personnes originaires de République démocratique du Congo (RDC).

Une ancienne prison transformée en centre pour migrants

Le premier camp est une ancienne prison de l’ouest de la Lituanie transformée en septembre 2021 en centre pour migrants. Les prisonniers avaient, à l’époque, étaient transférés dans d’autres établissement du pays.

À l’intérieur, les exilés sont répartis par nationalité et chaque secteur dispose de créneaux horaires pour utiliser le stade, le gymnase, et la bibliothèque, indiquait en octobre Euronews. Chaque enceinte du lieu dispose d’un terrain de basket et d’une salle à manger.

 

Les centres pour migrants en Lituanie. Crédit : capture d'écran Global detention project
Les centres pour migrants en Lituanie. Crédit : capture d'écran Global detention project

 

Le deuxième camp, situé au sud-est près de la frontière biélorusse, a été installé à la hâte par les autorités l’an dernier, au moment de l’arrivée de milliers de migrants venus de l’État voisin. Le centre est divisé en cinq parties, séparées par des clôtures recouvertes par des bâches. Les migrants dorment dans des containers pouvant abriter quatre personnes chacun.

D’autres structures ont vu le jour sur tout le territoire lituanien ces derniers mois, comme celle d’Alytus, de Pabrabé ou encore de Linkmenys. Toutes sont comparées par les ONG et les exilés à des prisons.

Violences, intimidations et racisme

Dans ces centres, les migrants se disent victimes de harcèlement et de violences de la part du personnel. "Beaucoup rapportent des traitements dégradants et des violences de la part des gardes", signale MSF. L’ONG rapporte le témoignage d’une infirmière qui a vu un "patient psychiatrique" plaqué "violemment au sol et menotté avant [d'être envoyé] à l’isolement".

Les humanitaires ont, par ailleurs, apporté un soutien psychologique à "trois personnes qui avaient été agressées sexuellement en détention".

>> À (re)lire : “Discriminations, serviettes hygiéniques périmées” : les Africaines d'un camp de migrants en Lituanie se révoltent

Les récits de personnes enfermées dans ces structures affluent à la rédaction d'InfoMigrants. En mars dernier, InfoMigrants avait récupéré une vidéo tournée dans le camp de Medininkai montrant une dizaine de femmes partiellement dévêtues, apeurées et menottées dans le dos. Selon des témoins interrogés, les gardes lituaniens ont arrêté ces migrantes dans leur chambre, sans leur laisser le temps de s'habiller.

Cette arrestation faisait suite à une manifestation organisée pour réclamer des conditions de vie plus décentes dans le camp.

Plusieurs exilés, enfermés à Pabradé, ont également fait état à la rédaction d’intimidation et de racisme de la part des gérants du camp et, parfois, des garde-frontières. "Certains militaires entrent [dans les habitations] avec leurs armes, d’autres ont des tasers. Parfois aussi, ils viennent avec des chiens. Ça fait peur de les voir dans nos chambres", avait témoigné Éric, en février. Et d’ajouter : "Certains militaires nous insultent, nous traitent ‘d’extra-terrestres’ ou de macaques’".

Des demandes d’asile expéditives

Dans ces établissements, les personnes sont "détenues plusieurs mois sans savoir quand elles seront libérées", note MSF, ajoutant qu’elles "n’ont pas accès à une procédure d’asile équitable".

Le 23 décembre 2021, le Parlement lituanien a approuvé des amendements à la loi sur le statut juridique des étrangers, autorisant à les maintenir en détention jusqu’à 12 mois, notamment lorsque le pays est en état d'urgence, comme c’est le cas actuellement. Alors que la loi interdisait déjà toute remise en liberté des migrants durant les six mois suivant leur arrivée, leur détention peut désormais être prolongée de six mois supplémentaires si leur demande d’asile est rejetée et s’ils ne sont pas expulsés au cours des six premiers mois.

Des migrants en contact avec InfoMigrants avait détaillé le déroulé d’un entretien de demande d’asile en début d’année. Sekou, un Guinéen retenu depuis sept mois à Pabradé, avait expliqué que les fonctionnaires du camp étaient venus le chercher dans sa chambre et l’avaient menotté pour l’accompagner à son rendez-vous.

>> À (re)lire : "Ici, on t’emmène faire ton entretien d’asile menotté " : témoignage d'un Guinéen enfermé en Lituanie

Pendant l’entrevue, le jeune homme n’avait pas eu le droit à un avocat. "On t’installe dans une pièce avec un écran face à toi. Tu parles avec un agent de l’immigration et un interprète à travers un écran. Tu ne vois personne physiquement", racontait-il.

Trois semaines plus tard, Sekou avait reçu une réponse négative à sa demande d’asile. Un de ses amis avait vu son dossier débouté seulement une semaine après son entretien. Des délais très courts pour mener à bien une enquête et vérifier les témoignages des exilés.

Et lorsque les demandeurs d’asile veulent déposer un recours, les gardiens du camp mettraient "la pression" aux habitants. "Beaucoup de personnes sont envoyées à l’isolement (…) Ils font un nouvel entretien puis quelques jours après, ils sont enfermés dans des cellules, avec un seul repas par jour", d'après le Guinéen.

>> À (re)lire : De l'argent contre un retour au pays : la Lituanie veut payer les migrants pour les pousser à rentrer chez eux

Dans la presse locale, des employés du gouvernement en charge des dossiers d’asile ont déclaré avoir été poussés à mener des semblants d'entretiens dans le but de contraindre les exilés à retourner volontairement dans leur pays d’origine. Après l’entrevue d'une vingtaine de minutes, les fonctionnaires devaient rapidement décider si elles devaient enregistrer le migrant comme "clandestin" ou "demandeur d’asile", ce qui déterminerait son futur.

Résultat : très peu d’exilés obtiennent une protection dans le pays. En 2021, seules 54 demandes ont été acceptées sur 3 272 dossiers déposés, soit moins de 2 %.

"Détresse physique et mentale"

Les violences, l’enfermement, l'attente et l’absence de perspective provoquent une "détresse physique et mentale", alerte MSF dans son rapport. Au premier trimestre 2022, les psychologues de l’ONG ont traité 98 patients, dont 60 % souffraient d’anxiété due à leurs conditions de détention.

Un quotidien qui peut engendrer des drames. Une personne a déclaré à MSF avoir tenté plusieurs fois de mettre fin à ses jours.

Un mal-être que plusieurs personnes ont confié à InfoMigrants. Une Congolaise retenue à Medininkai depuis septembre avait assuré en janvier à la rédaction qu’elle n’avait "pas le moral". "On est là, toujours enfermés, on ne peut pas sortir. Quand je suis seule, je pleure", disait-elle.

>> À (re)lire : Témoignage d’un migrant africain en Lituanie : "Je suis détenu depuis des mois, comme un prisonnier"

Pour MSF, "les politiques migratoires de l’Union européenne visant à restreindre et à étendre la détention ont un impact dévastateur sur la santé mentale des personnes concernées". L’ONG médicale exhorte les autorités à mettre fin à "ces détention arbitraires" et à "évaluer équitablement et le plus rapidement possible" les demandes d’asile.

Mais peu de chances que ces demandes ne soient entendues. En octobre 2021, le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) avait déjà demandé à Vilnius "d’améliorer et de combler les lacunes dans les conditions d’accueil des demandeurs d’asile" qui entrainent de "grave conséquences sur le bien-être" des exilés.

"Nous appelons la Lituanie à respecter ses obligations internationales en permettant l’accès aux demandeurs d’asile et en garantissant des conditions d’accueil adéquates et des procédures d’asile équitables et efficace", avait déclaré Henrik M.Nordentoft, représentant de l’agence onusienne dans les pays nordiques et baltes. Ces demandes sont restées vaines, aucun changement n’a depuis été observé dans les centres pour exilés.

Et aussi

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter