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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 17/05/2022

Depuis près d’un mois, des Ukrainiennes ayant trouvé refuge en Pologne choisissent de rentrer dans leur pays. Si chacune a ses raisons, toutes constatent que si le conflit s’installe dans la durée, leur ville d’origine semble désormais « plus sûre ».

Medyka, Przemyśl (Pologne).– Une longue file d’attente s’installe devant le point de contrôle du petit village de Medyka, à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, jeudi 12 mai après-midi. Ici, les réfugiées ukrainiennes, une majorité de femmes et d’enfants, patientent en plein cagnard et tentent de suivre le rythme de la file, en avançant les valises et les sacs plastiques remplis de leurs effets personnels. « On a quitté notre ville, Lozova, dans la région de Kharkiv, il y a un mois », raconte Tatiana, une quadragénaire aux yeux bleus rendus plus intenses par des cheveux roux cendré.

« Des avions des forces russes planaient dans le ciel et des bombes frappaient la périphérie de la ville. J’ai voulu mettre mes enfants à l’abri », poursuit cette mère célibataire d’un adolescent âgé de 12 ans et d’une fillette de 8 ans. Cette dernière, qui joue sur un téléphone, s’agace de devoir régulièrement se lever pour avancer dans la file le cabas sur lequel elle est assise.

À Medyka, à la frontière polonaise, de plus en plus de réfugiées choisissent de rentrer en Ukraine. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

La famille s’était réfugiée dans la ville d’Opole, au sud-ouest de la Pologne, sur les conseils d’une amie qui s’était exilée en premier. Tatiana coupe l’alarme sur son téléphone : celle-ci lui indique que la sirène retentit actuellement à Kharkiv. Peu importe. « On s’est habitués aux alarmes, c’est devenu une sonnerie banale pour nous. »

Du sac plastique que transporte son fils dépassent des claquettes. « On rentre aujourd’hui car les gens disent que notre ville est assez sûre maintenant. Il n’y a plus que des avions dans le ciel », justifie-t-elle, ajoutant que des amis de la famille, réfugiés dans d’autres villes ukrainiennes, sont aussi rentrés chez eux.

On veut bien aller à l’étranger pour des vacances, mais pas pour fuir un danger.
Tatiana, réfugiée ukrainienne

Radion, son fils, se dit content de rentrer. « On n’aimait pas trop la Pologne. Là où on était, le réseau internet n’était pas bon. Je n’ai pas pu garder contact avec mes amis ni poursuivre mes cours en ligne. » « On veut bien aller à l’étranger pour des vacances, mais pas pour fuir un danger, complète sa mère. On ne se sentait pas comme à la maison à Opole. »

Vita, 25 ans, a fui la région de Tchernihiv en avril, bien que son village ait été épargné. « À 25 kilomètres de nous, des bombes ont tué des civils et détruit des immeubles. Beaucoup de mes amis ont perdu leur maison », souffle celle qui fait la queue, seule, devant le point de contrôle de cette frontière que les Ukrainiennes et volontaires traversent à pied. Un ami à elle lui propose de le rejoindre aux Pays-Bas, où il s’est réfugié plus tôt. « Je n’ai pas pu y aller, alors je suis restée à Varsovie, où j’ai été hébergée par des amis. »

Tatiana et ses deux enfants, qui s'étaient réfugiés en Pologne, rentrent en Ukraine le 12 mai 2022. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

La jeune femme rentre aujourd’hui par amour : son compagnon, qui travaille dans une entreprise militaire, a dû rester en Ukraine – comme tous les hommes de son âge. Tous deux ont décidé de se retrouver à Kyiv (Kiev) pour s’y installer ensemble.

« Il me manquait trop, j’ai dit à mes amis en Pologne que je ne pouvais plus rester là-bas. » Vita ne rentrera pas dans son village, où ses parents sont restés, mais tentera de leur rendre visite bientôt. Ancienne employée d’un centre médical, fermé depuis le début du conflit, elle cherchera un nouvel emploi dans la capitale à son arrivée.

Un peu plus loin, Intigan et Tabriz rejoignent la file d’attente, fébriles. Les deux amis, originaires d’Azerbaïdjan, ont décidé de quitter l’Ukraine, malgré eux, avant le discours de Vladimir Poutine le 9 mai.

« On avait peur des provocations éventuelles de Poutine, mais on a finalement vu que c’était assez calme depuis, alors on revient », commentent-ils, précisant avoir envoyé leur famille en Azerbaïdjan dès le début de l’invasion russe en Ukraine. Intigan vit depuis vingt ans dans la région d’Odessa, son ami depuis près de dix ans dans la région de Donetsk.

On a déjà connu l’invasion russe en Azerbaïdjan. La guerre est terrible pour tout le monde, mais on a l’impression de revivre la même chose.
Deux réfugiés azerbaïdjanais

Tous deux en sont, en l’espace de trente ans, à leur deuxième guerre : « On a déjà connu l’invasion russe en Azerbaïdjan, quand la Russie a occupé 90 % de notre territoire. La guerre est terrible pour tout le monde, mais on a l’impression de revivre la même chose », affirment les réfugiés, confiant avoir eu beaucoup de mal à s’adapter en Pologne, où ils ne se sentaient pas « chez eux ».

Les deux seuls hommes présents dans la file d’attente ne veulent pas perdre une minute de plus et s’engouffrent, sans prévenir, dans le hall d’entrée du point de contrôle.

En début de soirée, en gare de Przemyśl, la principale ville située à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, les réfugiées ukrainiennes se pressent pour rejoindre le quai où un train pour Odessa attend de partir. Dans l’une des voitures-couchettes, Oksana enchaîne les coups de fil avec ses proches.

Elle revient de République tchèque, où son fils l’a accueillie durant plus d’un mois dans son logement de fonction. Ce dernier y travaillait déjà avant le début de la guerre. Oksana, qui a perdu son mari « il y a longtemps » et souffre de douleurs à la jambe, ne pouvait y demeurer davantage.

Après plus d'un mois en République tchèque, Oksana prend le train depuis Przemyśl pour rentrer chez elle à Odessa. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

« C’est mon chat, il m’attend », dit-elle en montrant la photo en fond d’écran sur son téléphone. « Je n’ai jamais eu de fille et je le considère comme mon enfant », poursuit-elle avec un sourire gêné. Son fils lui a proposé de rentrer à Odessa pour le récupérer et de revenir. « Mais je pense plutôt rester. On verra bien, selon l’évolution de la situation. »

Derrière elle repose, sur une mini-étagère, le casque audio que lui a donné son fils pour couvrir le son des sirènes avec de la musique si besoin. « Je connais beaucoup de réfugiés partis en République tchèque qui rentrent en Ukraine aujourd’hui. Surtout ceux qui ont encore les “murs”. » Celles et ceux qui n’ont pas vu, en somme, leur maison détruite par les bombes.

Le sentiment de pouvoir vivre « dans la guerre »

D’autres, explique-t-elle, sont partis pour mettre leurs enfants à l’abri et reviennent ensuite en Ukraine pour aider leurs proches. Dans son passeport, posé sur la table d’appoint de la voiture, elle exhibe le visa, valable un an, obtenu en vertu de la protection temporaire actée par l’Union européenne.

« Il est très difficile à obtenir, on doit apporter beaucoup de preuves. Si un réfugié déjà enregistré repart en Ukraine, il doit revenir une fois par mois en République tchèque pour toucher ses aides. » Oksana a entendu, à la télévision, que près d’un million de réfugié·es étaient déjà revenu·es dans leur pays. « Je n’y croyais pas. Mais avec toutes ces personnes dans le train, je comprends aujourd’hui que c’est vrai. »

La comptable se voit déjà reprendre le travail pour faire face à la flambée des prix et dit craindre une crise économique et humanitaire dans son pays. Mais elle reste malgré tout optimiste. « À côté des moments difficiles, j’ai aussi vu beaucoup de solidarité, et je ne l’oublie pas. »

Svitlana et sa sœur Ira, qui a accouché en Pologne, rentrent en Ukraine jeudi 12 mai pour retrouver leurs proches. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

D’autres réfugiées, comme Valentyna, reviennent après des expériences plus compliquées en Europe. « On a d’abord été en Allemagne, dans un camp de réfugiés », explique-t-elle aux côtés de sa belle-sœur et de ses neveux. « Mais on était juste en face d’un camp de réfugiés russes. On a trouvé ça stupide de nous mélanger et injuste de nous traiter de la même manière. »

La famille décide ensuite de partir pour la Suisse, où une amie peut les héberger. Mais elle y découvre un système de santé « bureaucratique » et une vie trop onéreuse. « On rentre à Kyiv, car j’ai besoin de soins. On espère pouvoir y rester, même si on s’attend à devoir repartir. »

À 21 heures, le train s’arrête pour les contrôles d’identité et un chien fouille consciencieusement les voitures une à une. Les pleurs d’un bébé retentissent dans le compartiment jouxtant celui d’Oksana. Svitlana tente de calmer son neveu en le berçant doucement, de gauche à droite.

Elle a vécu, au commencement de la guerre, avec sa fille Karina et sa sœur Ira, âgée de 26 ans et enceinte de son premier enfant, cachée dans une cave à Khmelnytskyï, au sud-ouest de Kyiv. « On ne voulait pas que le bébé naisse dans les sous-sols d’un immeuble, alors on est parties début mars. Une amie déjà exilée en Pologne a proposé de nous accueillir. »

Bien qu’elle ait trouvé un emploi à Cracovie, Svitlana et sa sœur ont choisi de rentrer en Ukraine, et descendront ce soir à Lviv pour prendre un autre train en direction de Khmelnytskyi.

« Toute la famille nous attend. Le mari d’Ira veut connaître son bébé, mon frère est sur le front… On a longuement hésité mais notre ville est assez sûre aujourd’hui. On pense pouvoir vivre dans la guerre », conclut-elle en se disant prête, si la situation se dégrade, à repartir en Pologne ; tandis que le bébé, âgé d’un mois et demi, s’endort paisiblement en tétant le sein de sa mère.

 


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