Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Gilles Rof - 10/06/2022

L’expérience inédite qui a permis d’accueillir jusqu’à 930 déplacés dans le port de Marseille s’achève, vendredi 10 juin, dans une certaine confusion.

C’est une parenthèse qui se referme. Une bulle d’Ukraine, imaginée par la compagnie maritime Corsica Linea et financée par l’Etat français, qui explose et laisse, désemparés, une partie de ceux qu’elle avait protégés pendant plus de deux mois. Ouvert le 29 mars, le centre d’accueil de réfugiés ukrainiens à bord du ferry Méditerranée, à quai dans le port de Marseille, doit fermer ses portes ce vendredi 10 juin, débarquant et renvoyant vers d’autres sites d’accueil les quelques centaines de personnes encore hébergées là.

L’épilogue était écrit depuis le début de cette expérience inédite qui a permis d’accueillir jusqu’à 930 personnes, absorbant plus de 60 % des réfugiés pris en charge dans les hébergements collectifs des Bouches-du-Rhône. La compagnie qui avait lancé l’idée de ce havre flottant, centralisant sur un même site gardé jour et nuit une solution de logement et de restauration mais aussi une offre complète d’accompagnement social, médical et d’aide à l’emploi, avait prévenu que son bateau ne serait plus disponible à partir du 10 juin. La convention qui la lie à la préfecture des Bouches-du-Rhône s’arrête à cette date.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le ferry « Méditerranée », petite bulle d’Ukraine sur le port de Marseille

Après une période de réaménagement, ce ferry de 500 cabines reprendra son service sur la ligne Marseille-Alger. Une desserte particulièrement attendue à l’heure où les déplacements entre la France et l’Algérie sont à nouveau largement ouverts. « Mai sera le mois de la réorientation des personnes vers d’autres dispositifs. Les familles sont informées depuis le début », expliquait, il y a quelques semaines, Anthony Baracco, directeur départemental adjoint de l’emploi, du travail et des solidarités et pilote de la mission Méditerranée. Une perspective claire qui connaît des difficultés à se concrétiser.

Liudmyla Czygoryskyna fond en larmes quand on lui demande où elle dormira vendredi soir. A 46 ans, cette vendeuse en joaillerie originaire d’Odessa s’est installée sur le ferry fin mars. Elle savait la solution provisoire mais assure n’avoir compris que la semaine précédente qu’elle devait quitter les lieux. « Les gens qui s’occupaient de nous ont été formidables… Mais aujourd’hui, on nous pousse dehors », regrette-t-elle. « Ils ne veulent pas partir, ils se sentent protégés. C’est un petit village ukrainien ici », expliquait dès le mois de mai Boris Mardariev, intervenant bénévole qui assurait des cours de français sur le bateau.

Inquiétude et incompréhension

« Le ferry était une solution opérationnelle provisoire efficace à ses débuts, mais les conséquences qu’elle impliquait ont été mal gérées. On a totalement sous-estimé le fait que les réfugiés ont réorganisé leur vie sociale à bord. Certains ont scolarisé leurs enfants dans les écoles marseillaises, d’autres ont trouvé un emploi ici », juge un des travailleurs sociaux intervenant sur le Méditerranée, qui requiert l’anonymat. « La question du relogement aurait dû être traitée dès l’entrée, mais elle n’a été réellement prise en compte qu’à la mi-mai. Or on ne trouve pas des solutions pour 650 personnes en trois semaines dans une ville comme Marseille, où les propositions d’accueil sont déjà saturées », constate-t-il.

A bord, équipage, intervenants extérieurs et passagers témoignent d’une ambiance qui s’est tendue récemment. Le 22 mai, les réfugiés ont donné, dans le cinéma du bord, un concert pour remercier les différents acteurs de l’opération. Depuis, l’inquiétude et l’incompréhension ont grandi. Le lancement à la mi-mai par la préfecture des Bouches-du-Rhône d’une procédure de mise en concurrence pour trouver un navire remplaçant au Méditerranée pour la période estivale a jeté le trouble. « Cette idée d’un deuxième bateau a donné un faux espoir », reconnaît un des membres d’équipage. Alors que deux armateurs, dont Corsica Linea, ont répondu, la procédure a finalement été abandonnée, l’Etat préférant, explique la préfecture, « privilégier des solutions d’hébergement plus stables ». Certains acteurs du dossier évoquent plutôt un refus de financement par le ministère de l’intérieur. Le coût global de cette opération qui a un temps permis de remédier aux insuffisances du dispositif d’accueil dans les Bouches-du-Rhône reste d’ailleurs, à ce jour, un secret bien gardé.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Dans ma valise, j’ai entassé nos quatre vies et, coincées entre les chaussettes, les âmes aimées de ceux qui sont restés en Ukraine, dans l’enfer »

Jeudi 9 juin au soir, 460 personnes restaient à bord du Méditerranée, selon le décompte de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Dont près de 400 n’avaient pas arrêté leur choix de destination. « Pour ces personnes, un hébergement d’urgence (hôtel, résidence d’accueil, voire gymnase…) sera proposé de manière temporaire » assurent les services de l’Etat, qui, comme dans les premiers jours de l’installation, ont choisi de limiter leur communication sur ce qu’ils définissent comme « une opération coordonnée pour garantir un accueil de qualité pérenne aux ressortissants ukrainiens du Méditerranée ».

Après avoir concentré les réfugiés sur le ferry, l’Etat tente de « desserrer » la pression sur la région marseillaise, dont les sites d’accueil sont saturés. Une dizaine de destinations ont ainsi été proposées ces dernières semaines vers des régions ayant accueilli moins de déplacés. Sur les 410 réfugiés qui ont accepté de quitter Marseille depuis mai, plus de la moitié a été relogée en Occitanie et un quart en Auvergne-Rhône-Alpes. Des destinations que beaucoup refusent pour ne pas casser un début d’intégration. « Il y a une grande peur de l’inconnu. On leur parle de petits villages ou de villes éloignées où ils ne savent pas comment ils vont être accueillis », analyse Yulia Lukasheva, interprète sur le Méditerranée.

« On nous a forcés à choisir à l’aveugle »

« C’est comme si les travailleurs sociaux avaient oublié notre droit d’être informés clairement sur la destination proposée, regrette une réfugiée qui a quitté Marseille en début de semaine et souhaite témoigner anonymement. On nous a forcés à choisir à l’aveugle et cela a provoqué un grand stress chez des gens déjà très choqués par les situations qu’ils ont traversées », dénonce-t-elle. « Les réfugiés ont mis en place des boucles Telegram et WhatsApp où les premiers arrivés donnent leurs impressions aux autres », raconte de son côté Yulia Lukasheva… Lourdes aurait ainsi la cote. Mais pas Clermont-Ferrand, où les pionniers du relogement ont fait savoir leur mécontentement à ceux restés sur le bateau.

Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés « Espérons que l’accueil des Ukrainiens réconcilie les Français avec l’altérité »

Mardi 7 juin, les services de la préfecture sont venus à la rencontre des derniers pensionnaires du Méditerranée. Un rendez-vous dont Tamara Pogoda, 40 ans, garde un souvenir amer. « Le message était : vous ne serez pas relogés à Marseille et vous devez accepter la destination que l’on vous propose », raconte cette entrepreneuse en numérique originaire de Poltava. Pour justifier son incompréhension, elle montre la convocation reçue de Pôle emploi pour le début de sa session de formation au français, le 13 juin… à Marseille. « Si je dois partir, comment je peux suivre cette formation ? », interroge la quadragénaire dont le fils de 12 ans, Mykyta, est désormais scolarisé au collège du Vieux-Port. Mohammed Latif, étudiant marocain marié à une Ukrainienne, assure qu’on ne lui a proposé qu’une option : Arles, à près de 100 kilomètres de Marseille. « Ma femme est enceinte et suivie par un médecin ici… Je ne veux pas aller aussi loin », se défend-il.

Tous témoignent d’une pression croissante pour les pousser à faire leurs bagages. Des messages diffusés sur les haut-parleurs du bateau rappelleraient quotidiennement aux hébergés qu’ils doivent quitter les lieux. « Sous peine de perdre notre titre de séjour, la couverture maladie et l’allocation pour demandeur d’asile », complète Liudmyla. Elle évoque aussi les différents services proposés à bord – connexion Internet, bar, restauration… – qui se sont arrêtés les uns après les autres. « Un message très brutal », regrette-t-elle.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Exilés ukrainiens et russes en France : « Nous préparons notre départ pour Boston. J’aimerais rester en France mais nous n’en parlons pas la langue »

Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter