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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Sophie Boutboul - 09/08/2022

Ce mardi, une audience avait lieu au tribunal de proximité de Montreuil pour décider du délai laissé aux cent vingt personnes exilées – femmes, dont certaines enceintes, hommes et enfants – ayant trouvé refuge dans des bureaux vides depuis juin. La juge rendra sa décision vendredi 12 août. Une expulsion sans délai pourrait être décidée.

Elle tient une banderole « Des logements durables, pas des expulsions » d’une main et s’occupe de la poussette d’une autre femme de l’autre main. Face au tribunal de proximité de Montreuil (Seine-saint-Denis), Salimata est épuisée de ne toujours pas avoir de solution de logement pérenne, comme les cent vingt autres personnes exilées qui ont trouvé refuge dans des bureaux à Montreuil, rue Gambetta, depuis juin.

Salimata est vice-présidente du Collectif Pasteur, ces personnes exilées qui se sont rencontrées après avoir vécu dans la rue, puis sous des tentes fournies par l’association Utopia 56. Ces couples, femmes célibataires et enfants exilé·es ont d’abord habité rue Pasteur dans un restaurant chinois laissé à l’abandon depuis plusieurs années, avant que la mairie décide par un arrêté de les en expulser.

En ce mardi 9 août, une quarantaine de ces personnes se sont déplacées pour venir entendre leur avocate Hanna Rajbenbach demander un délai à leur expulsion de ce nouveau lieu de refuge.

De nombreuses femmes exilées, pour beaucoup enceintes, soutenues par plusieurs associations, devant le tribunal de proximité. © Photo SB / Mediapart

Mariam, 32 ans, enceinte de huit mois de son premier enfant, n’a pas réussi à dormir hier soir : « Parce que j’y pense trop… Je veux juste un coin pour rester, pour vivre, et là-bas, c’est mieux que dehors », explique-t-elle. Arrivée en 2021 en France de Côte d’Ivoire, elle a passé plusieurs mois dans la rue.

« Je pensais qu’en France je serais protégée, en sécurité, et ce n’est pas le cas »

Dans la salle d’audience aux murs blancs et gris, A. (qui ne préfère pas donner son prénom) s’impatiente : elle n’en peut plus de la situation. Elle qui est arrivée en France il y a plusieurs mois avec son mari de Côte d’Ivoire doit accoucher dans une semaine. « Je souffre. Quand j’appelle le 115, ils ne trouvent pas de solution pour un logement stable, je suis trop fatiguée vraiment, comment va naître mon enfant ? », s’interroge-t-elle avec douleur.

« Je me suis enfuie d’une situation dangereuse en Côté d’Ivoire, je pensais qu’en France je serais protégée, en sécurité, et ce n’est pas le cas, je suis dans la merde. La France devrait chercher une solution pour nous », dit-elle alors que des larmes lui montent aux yeux. Elles les répriment et les essuient.

A. est suivie à l’hôpital de Montreuil. Il y a quelque temps, le 115 lui a proposé une semaine d’hôtel à Saint-Quentin-en-Yvelines qu’elle a acceptée. Il n’en sera plus question désormais : avec l’accouchement imminent, elle ne peut pas s’éloigner autant de la maternité. Parmi les femmes enceintes ayant trouvé refuge dans ces bureaux, six ne bénéficient pas d’un suivi de grossesse, nous signale une employée de Solipam (Solidarité Paris Maman) qui en accompagne une vingtaine.

À 10 h 15, après 45 minutes d’attente, l’audience commence. La soixantaine de sièges est occupée. L’avocate de la propriétaire des bureaux Me Bintou Traoré précise : « On est sensibles à leur situation, ce sont des personnes vulnérables mais aujourd’hui une vente est bloquée et ils occupent le bien sans autorisation du bailleur. » Sa cliente demande une expulsion sans délai, en vue de la vente du bien reportée au 18 octobre et sollicite également des indemnités d’occupation de mille euros par mois et 1 500 euros pour son préjudice moral.

C’est au tour de Me Rajbenbach de prendre la parole pour les familles : « Le préjudice moral, je ne m’y attendais pas d’autant plus quand on voit la situation d’extrême précarité des personnes présentes aujourd’hui. » Elle dénonce une situation d’iniquité. Tout en précisant qu’elle a « conscience que ce n’est pas à la propriétaire de pallier les défaillances de la mairie et du département ».

Néanmoins, la vente étant suspendue jusqu’au 18 octobre, elle propose d’accorder aux familles un délai de deux mois jusqu’aux travaux mis en place pour la vente face à cette « situation critique […] avec une soixantaine de femmes dont une vient de faire une fausse couche ce matin ». Elle poursuit : « Toutes ces femmes enceintes avec enfants en bas âge font des pieds et des mains pour obtenir un logement. Si vous prononcez une expulsion immédiate, les femmes et les enfants vont se retrouver à la rue. »

Très peu de solutions de logement durable

Les habitant·es du Collectif Pasteur expliquent appeler chaque jour le 115 sans qu’on leur propose jamais de solution durable pour vivre. L’avocate insiste sur la présence dans ses conclusions d’attestations de plusieurs associations comme Médecins du Monde, La Maison des femmes, Solipam, La Maison ouverte de Montreuil, Le collectif des mères isolées de Montreuil, qui font état de la vulnérabilité extrême des femmes vivant sur place, de leurs nombreuses démarches sans résultat pour obtenir un logement sur la durée (et même ponctuellement face à la pénurie de places en hôtel), et de la nécessité de cet abri pour elles, leurs conjoints et leurs enfants.

Toutes les associations espèrent que le droit au logement de ces familles sera respecté : la loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable (Dalo) oblige l’État à proposer un logement décent et indépendant aux personnes qui ne peuvent accéder par leurs propres moyens à un tel logement ou s’y maintenir (vivant dans des logements insalubres ou menacées d’expulsion sans relogement par exemple). 

D’après les chiffres de 2020 du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, 304 514 familles ont été reconnues prioritaires et 189 774 ont accédé à un logement depuis le vote de cette loi, mais 71 713 ménages attendent toujours d’être relogés depuis un à onze ans. 

Après de multiples demandes, seules quelques personnes ont pu obtenir un hébergement stable : « Et ça donne de l’espoir, souligne l’avocate des familles à l’audience. Peut-être qu’entre maintenant et le 18 octobre, il n’y en aura pas seulement trois mais quinze qui bénéficieront d’une telle solution. »

Nous voulons juste le meilleur pour nos enfants et un suivi pour les femmes enceintes. Un endroit pour vivre à long terme. Nous nous battons toutes seules avec nos enfants pour leur donner une bonne éducation et une bonne éducation ne peut pas se faire dans la rue.
Le Collectif Pasteur

Face à la juge, MRajbenbach détaille également : « Un recours a été déposé à la mairie pour solliciter une solution pérenne de logement, mais la ville renvoie la responsabilité au département et le département à la commune, c’est entre vos mains que repose la vie de ces femmes. »

Dans un tract distribué par les soutiens du collectif dont des membres des brigades de solidarité populaire de Seine-Saint Denis, les personnes du Collectif Pasteur écrivent : « Nous voulons juste le meilleur pour nos enfants et un suivi pour les femmes enceintes. Un endroit pour vivre à long terme. […] La mairie prétend nous aider mais ils prennent un arrêté pour nous expulser. Donc nous nous battons toutes seules avec nos enfants pour leur donner une bonne éducation et une bonne éducation ne peut pas se faire dans la rue. […] On peut nous donner un temps, le temps que chacune trouve un endroit où aller. »

L’avocate Hanna Rajbenbach a aussi expliqué durant l’audience son étonnement face aux « méthodes employées » par des proches de la propriétaire des bureaux qui auraient menacé les femmes : « Vous avez jusqu’à 20 heures pour partir sinon vous allez voir ce qui va vous arriver. » Elle a aussi fait état de propos à son égard : « Quand j’ai voulu discuter d’une convention d’occupation précaire, on m’a affirmé que si ça continuait, ça allait se réglerà la Corse” ». L’avocate de la propriétaire, Me Traoré, a nié l’existence de ces propos au tribunal.

Une décision sur la date de l’expulsion rendue le 12 août

Le conseil des familles Me Rajbenbach a demandé à la juge de conditionner l’expulsion au début des travaux, et de respecter la trêve hivernale par la suite : « Mais entre-temps, pourquoi est-ce qu’il y aurait besoin de remettre ces personnes à la ru? » La décision sera rendue le vendredi 12 août.

Mariam, 23 ans, présidente du Collectif Pasteur, est déçue par cette audience : « Depuis le début, on a l’impression que la juge prend sa décision au préalable, comme si le procès n’était qu’une formalité. On voudrait que la justice nous laisse le temps qu’on trouve une solution, qu’on ne nous mette pas à la rue avec les enfants », souffle-t-elle. Mariam, venue de Côte d’Ivoire avec sa fille de 7 ans, est enceinte et tousse beaucoup aujourd’hui. Elle a pu passer une semaine à l’hôtel du 10 au 17 juin, mais depuis le 115 ne lui a pas proposé d’autres logements, malgré ses appels tous les jours. Sa fille est scolarisée dans le XIIe arrondissement de Paris en CE1.

Me Rajbenbach ne cache pas non plus sa déception : « La grosse surprise, c’est la date du délibéré. Dhabitude, on a un mois et là c’est trois jours. J’ai le sentiment que la décision avait été prise avant l’audience et que la situation des femmes qui vont se retrouver à la rue n’émeut ni l’institution judiciaire, ni le département ni la ville. »

Contactée, la mairie ne nous a pas répondu. Tout comme la préfecture de Seine-Saint-Denis.

Halima Manhoudj, adjointe au maire déléguée aux populations migrantes et à la solidarité internationale, nous avait expliqué en juin dernier que leur situation relevait d’une responsabilité étatique et non communale : « Les portes ne sont pas fermées. […] Ces femmes ont été chassées de Paris, elles avaient fait l’objet de traques policières, elles étaient refoulées de parc en parc et se sont retrouvées à squatter. L’hébergement d’urgence est une compétence de l’État qui laisse les collectivités territoriales seules face aux crises humanitaires. »

Des personnes exilées, habitant·es et soutien du Collectif Pasteur, rassemblées devant la mairie de Montreuil. © Photo SB / Mediapart

À la sortie du tribunal, l’assemblée s’est dirigée vers la mairie à quelques rues de là.  Sur la place, les personnes présentes ont scandé : « Pas d’expulsion sans relogement ! » en s’avançant vers l’hôtel de ville. Les portes étaient fermées et deux policiers municipaux présents. Un collaborateur de la mairie était dehors, mais n’a pas souhaité nous répondre. L’avocate Hanna Rajbenbach lui a dit simplement : « L’idée c’est de rencontrer quelqu’un de la mairie. La dernière fois, en juin, on vous a déposé un courrier et on n’a jamais eu de réponses. »

 


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