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Source : Médiapart - bonaccolaur - 22/08/2022

Un certain nombre d'articles font état depuis quelques mois d'une importante pénurie d'enseignants en France. Une manière originale et saugrenue, pour un professeur contractuel de philosophie, d'aggraver cette pénurie, en tout cas de ne pas y remédier, consiste à avoir voulu venir en aide à une Afghane et à son fils qui tentaient de fuir leur pays.

Alors qu’une pénurie notoire et sans précédent d’enseignants sévit actuellement en France, il m’est désormais impossible d’exercer mon métier de professeur contractuel de philosophie. La raison ? Mon casier judiciaire (bulletin n°2) comporte une mention. Mon crime ? J’ai aidé, en juin 2021, une Afghane de 32 ans et son fils de 8 ans qui fuyaient leur pays à franchir une frontière européenne.

C’est en candidatant à un poste en septembre 2021 que j’ai appris, par le rectorat de Marseille, que mon casier judiciaire comportait une mention, ce que j’ignorais totalement. Certes, je n’ignorais pas avoir été condamné par la justice bulgare quelques mois auparavant, mais j’étais loin de me douter que cette condamnation survenue à l’étranger figurait sur un fichier a priori national.

Voici le résumé de l’histoire.

J’ai travaillé en 2010-2011 en Afghanistan comme professeur-formateur de français langue étrangère (au sein du projet « ALEM »). C’est à cette occasion que j’ai eu comme élève Soraya Afzali, qui suivait alors un cursus de licence en langue et littérature françaises à l’université de Kaboul. Après l’obtention de sa licence ainsi que d’un master en administration publique, Soraya a travaillé pour les Nations Unies et pour Counterpart International ; elle était chargée de la défense et de la revalorisation des droits des femmes afghanes.

Par ailleurs, sur le plan privé, Soraya est divorcée, mère d’un garçon de 8 ans.

Lors de mon année passée à Kaboul, j’avais également fait la connaissance du frère de Soraya, Bassir Afzali, qui était interprète pour les Français et qui a obtenu par la suite la nationalité française, et avec qui j’étais resté en contact après mon départ de l’Afghanistan. C’est lui qui, en avril 2021, m’a fait part de la volonté de sa sœur de fuir son pays et m’a demandé de l’aider, de les aider dans la réalisation de ce projet qui, en fait, n’était pas récent, mais était devenu impérieux et urgent.

En effet, avant même le retour des Talibans, que tous les Afghans savaient imminent et inéluctable, Soraya était déjà soumise, depuis un certain temps, à nombre de pressions et de menaces, en tant qu’elle était divorcée, d’une part, et, de l’autre, qu’elle travaillait avec et pour des Occidentaux dans la défense des droits des femmes.

Elle avait déjà tenté à plusieurs reprises et par la voie légale de quitter son pays, mais, après avoir essuyé toutes sortes de refus, entre autres d’obtention de visa, de la part des autorités françaises, elle a opté pour le seul moyen restant : se rendre en Turquie (un des rares pays qui accorde des visas aux Afghans), et, de là, tenter de passer en Europe par la Bulgarie.

J’ai donc accepté d’aider Soraya et son fils et je me suis rendu en Turquie en mai 2021. Après avoir élaboré un plan dans le détail duquel il est inutile d’entrer ici, nous avons, Soraya, son fils et moi, franchi en voiture la frontière bulgare et nous nous sommes fait arrêter.

Après deux jours de garde à vue pendant lesquels les policiers ont bien compris que je n’étais en aucun cas un « passeur », j’ai été condamné par le tribunal de Svilengrad à la peine minimum d'un an de prison avec sursis et de 5000€ d’amende. Soraya, quant à elle, a été transférée avec son fils dans un centre de migrants dans l’attente de son jugement, qui a eu lieu un mois plus tard. Ayant ensuite recouvré une liberté relative, elle a pu passer en Serbie en se mêlant à un groupe de migrants, et, de là, en Croatie, puis en Slovénie, en Italie et jusqu’en France, finalement, où elle vit désormais, depuis août 2021, chez son frère en banlieue parisienne. Sa demande d’asile a reçu, de la part de l’OFPRA, une réponse positive : Soraya Afzali et son fils Atal bénéficient désormais du statut de réfugiés en France.

C’est donc pour avoir aidé cette jeune Afghane et son fils que je ne peux plus exercer mon métier d’enseignant, désormais incompatible avec un casier judiciaire non vierge, et qui plus est à ce moment précis de pénurie de professeurs au sein de l’Éducation Nationale française (qui pousse certaines académies déficitaires à organiser des « jobs datings »…).

Cette situation tout à fait insolite constitue le premier objet de ce billet. Le second est le suivant.

Une manière de résoudre mon problème serait de demander l’effacement de cette mention, « traite d’êtres humains » (oui, vous avez bien lu !...), qui figure depuis plus d’un an sur le bulletin n°2 de mon casier judiciaire. Seulement voilà, pour qu’une telle demande soit recevable, il faut s’être acquitté de sa ou ses peines ; autrement dit, il faut que que le paiement des 5000€ d’amende ait été effectué (la peine de prison étant assortie d’un sursis, elle n’est pas mise à exécution). Or, non seulement je n’ai pas encore payé cette amende, mais je ne sais pas quand je serai en mesure de la payer ni même si je le serai un jour (je suis en effet, pour le moment et depuis octobre 2021, sans emploi et bénéficiaire du RSA…).

De toute évidence, on a là un beau serpent qui se mord la queue : pour demander/obtenir l’effacement, je dois payer, donc travailler ; pour pouvoir travailler, je dois demander/obtenir l’effacement… L’espoir de résoudre mon problème de cette façon-là est donc quasiment nul ; de fait, cette demande d’effacement n’est pour l’instant même pas recevable.

Voilà pourquoi j’ai décidé de publier cette histoire, rocambolesque à bien des égards, sous la forme d’un billet de blog dans la partie Club de Mediapart. C’est en quelque sorte pour moi une manière, plus d’un an après qu’elle a été prononcée, de faire appel de cette condamnation dont on peut estimer qu’elle est, en un sens, injuste, aussi bien en elle-même que dans ses conséquences.

 


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