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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Richard Schittly - 08/09/2022

Gérald Darmanin se rend vendredi dans la ville où il doit évoquer ce quartier historiquement populaire qui connaît depuis plusieurs mois une forte recrudescence de la délinquance.

Pour la deuxième fois de l’été, le ministre de l’intérieur se déplace à Lyon, vendredi 9 septembre. Gérald Darmamin doit évoquer le quartier de la Guillotière, où il s’était déjà rendu, le 30 juillet, après l’agression subie par trois policiers quelques jours plus tôt, pris à partie par une foule hystérique, alors qu’ils tentaient d’interpeller un voleur à la tire. Situé rive gauche du Rhône, entre les 3e et 7e arrondissements, ce secteur historiquement populaire connaît une forte recrudescence de délinquance, sur fond de migration clandestine. En venant à « la Guill’ », comme disent ses habitants, Gérald Darmanin souhaite visiblement faire la démonstration de sa fermeté face à la délinquance de voie publique et l’immigration illégale, volontairement réunies dans une même problématique.

Lors de sa première visite, Gérald Darmanin a annoncé la mobilisation d’une deuxième compagnie de CRS pour surveiller le quartier, ainsi que la création d’un nouveau centre de rétention administrative de cent quarante places, près de l’aéroport Saint-Exupéry. Quelques jours plus tard, le ministre a insisté dans Le Figaro sur la part des étrangers dans la délinquance, en affirmant qu’ils représentaient 39 % des faits de délinquance à Lyon – et jusqu’à 60 % dans le quartier de la Guillotière, a-t-il aussi affirmé. Combien de faits ? Le ministère de l’intérieur refuse de livrer les chiffres complets et précis, laissant la communication ministérielle sélectionner ses propres données.

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Le quartier connaît incontestablement une hausse significative des vols et des agressions. « Depuis quatre ou cinq ans, c’est devenu très préoccupant, les vols à la tire se multiplient, il est risqué de se promener avec une chaîne autour du cou. Les femmes sont harcelées. Les auteurs viennent dans leur immense majorité de la population de jeunes migrants. Ils sont agressifs, livrés à eux-mêmes, souvent drogués. Ils entraînent un phénomène de vols de subsistance », décrit un commissaire de police lyonnais, observateur averti de la délinquance lyonnaise.

Ce constat s’est doublé d’une interrogation sur la part des mineurs sollicitant le dispositif de protection de l’enfance pour les mineurs non accompagnés. « De moins en moins d’auteurs interpellés se prétendent mineurs, car la coopération policière s’est renforcée avec plusieurs pays. Lorsque nous nous interrogeons sur l’âge d’un auteur, environ 90 % des réponses nous informent qu’il est majeur », indique le commissaire lyonnais.

« La Guilln’est pas à vendre »

Selon une source judiciaire, 490 étrangers ont été comptabilisés parmi les 836 suspects mis en cause dans des délits de cambriolage et de vols avec violences, commis dans l’agglomération lyonnaise, entre janvier et août. Les étrangers représentent donc près de 59 % des auteurs présumés de ces délits. Et, parmi eux, plus de 220 étrangers sont en situation irrégulière, ce qui représente plus du quart des auteurs présumés, selon ces chiffres inédits recueillis par Le Monde.

Une association de riverains a dénoncé la dégradation de la situation, la droite locale a vilipendé l’exécutif écologiste sur le sujet, dès le début de son mandat. L’extrême droite s’est elle aussi emparée du sujet. Le 24 novembre 2021, Jordan Bardella, président par intérim du Rassemblement national, est intervenu en direct depuis la place Gabriel-Péri, épicentre du quartier de la Guillotière, dans l’émission « Face à la rue » de Jean-Marc Morandini, diffusée par la chaîne CNews. Ce jour-là, des militants antifascistes ont contourné l’imposant service d’ordre et déroulé une banderole depuis un toit, proclamant : « CNews, flics, bobos… la Guill’n’est pas à vendre. » Une manière de dénoncer la récupération politique d’une situation sécuritaire critique, tout en pointant la perspective d’une spéculation immobilière qui pourrait chasser les plus pauvres du quartier.

Grégory Doucet (Europe Ecologie-Les Verts, EELV), maire de Lyon, avait boycotté la visite de Gérald Darmanin à Lyon, le 30 juillet, se justifiant par un tweet : « Ce n’est pas de ministre dont nous avons besoin mais de plus d’effectifs. » Pour la visite ministérielle de ce vendredi, l’élu écologiste a invité le ministre à l’hôtel de ville, mais n’entend pas participer à son déplacement, pour ne pas « servir de caution », selon son entourage. Entre le maire et le ministre, le duel politique est soigneusement entretenu, de part et d’autre.

L’embarras des écologistes lyonnais sur la vidéosurveillance

Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Pascal Mailhos, réclame depuis plusieurs mois une convention pour prévoir le déport des caméras de vidéosurveillance de la ville de Lyon dans la salle de commandement de la police nationale. Mis en place dans la commune voisine de Villeurbanne (Rhône), ce dispositif permet à la police de prendre le contrôle des caméras municipales en cas d’événements graves. Les élus écologistes s’y refusent, prétextant un audit pour « évaluer la question des usages ».

La ville de Lyon dispose de 571 caméras de surveillance, avec un centre de supervision municipal. La majorité écologiste a ajouté six caméras nomades et annonce faire l’acquisition de six autres dans les mois à venir, mais elle n’entend pas aller plus loin. « La Cour des comptes nous demande d’évaluer les politiques publiques, nous nous inscrivons dans les pas de la Cour des comptes », a justifié Grégory Doucet, maire de la ville, le 6 juillet, en préambule d’un conseil municipal consacré à la revalorisation de la police municipale.

Vu de la préfecture, l’audit sur l’utilisation des caméras ressemble à un prétexte, destiné à repousser le développement de la vidéosurveillance. « Nous assumons une vision très claire et pragmatique en matière de sécurité. Je fais de la tranquillité publique une priorité », a pourtant assuré Grégory Doucet, lors du conseil municipal. Le maire écologiste dit prendre sa part, tout en rappelant que la sécurité relève principalement de la mission régalienne de l’Etat. « Il y a une interrogation sur la garantie de l’équilibre entre la sécurité et le respect des libertés publiques. Nous ne voulons pas remplacer les moyens humains par des caméras », reconnaît Mohamed Chihi, adjoint à la sécurité de la ville de Lyon, lors d’une conversation en marge du conseil. L’exécutif municipal reste dans une inconfortable ambivalence sur la question des caméras de vidéoprotection, tiraillé entre sa version officielle sur la bonne gestion des équipements et sa réticence de principe à la surveillance généralisée, sans l’assumer ouvertement.

A l’occasion d’un déplacement à Rillieux-la-Pape (Rhône), à la suite de violences urbaines fin 2020, le ministre de l’intérieur avait annoncé le renfort de 300 policiers supplémentaires en trois ans dans l’agglomération lyonnaise. Une centaine est arrivée en 2021. Le solde de cette année reste incertain, compte tenu d’une quarantaine de départs à la retraite et de mises en disponibilité. Grégory Doucet a insisté, début août, en pressant le ministre de tenir ses promesses, précisant sur Twitter : « Je ne nourris pas d’ambitions personnelles, je défends ma ville. »

  • Stratégie policière inédite

Soucieux d’entretenir le clivage, Gérald Darmanin a fait de l’exécutif écologiste lyonnais sa cible politique prioritaire, dénonçant les menus des cantines dès le début du mandat municipal – un menu unique sans viande avait été instauré durant la crise sanitaire – aussi bien que sa présumée légèreté en matière de sécurité, dont la Guillotière serait le symbole parlant. « Nous avons voté une enveloppe de 150 000 euros pour soutenir de multiples initiatives en faveur du quartier de la Guillotière. Nous ne nous contentons pas d’une approche uniquement sécuritaire, même si l’action policière est indispensable », dit Fanny Dubot (EELV), maire du 7e arrondissement.

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Lieu de crispation politique, la Guillotière est en même temps devenue le laboratoire d’une stratégie policière inédite à Lyon. Une guerre d’usure, qui consiste à exercer une pression permanente sur la délinquance, par la présence massive d’effectifs dans les rues. Outre la mobilisation de deux compagnies de CRS, une brigade spécialisée de terrain a été mise en place en février, entièrement vouée à la traque des méfaits commis sur la voie publique. Actuellement constituée de 23 policiers, cette unité doit compter 31 agents d’ici à la fin décembre. Le volume d’activité est impressionnant : la police a effectué 7 000 contrôles dans le quartier de la Guillotière depuis le passage du ministre de l’intérieur, fin juillet. Ce qui a donné lieu à 470 interpellations.

Le parquet a par ailleurs créé en janvier 2021 un groupe local de traitement de la délinquance, complètement consacré au quartier. Réuni tous les trois mois, ce dispositif permet de coordonner les actions de la justice et de la police, en partenariat avec les services municipaux. Depuis la création de ce groupe, 95 personnes ont été placées en détention pour des violences sur personnes perpétrées dans le secteur du quartier de la Guillotière.

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Combien d’autres condamnations ? Le parquet ne fournit aucun autre indicateur. « La situation s’est sensiblement améliorée. Le noyau dur de la délinquance du quartier est traité. Les actions concernent la voie publique, aussi bien que les filières de trafics avec l’intervention des douanes et de la police judiciaire. Nous progressons avec la méthode qui nous a permis d’endiguer le phénomène des rodéos dans le centre-ville », relate Nicolas Jacquet, procureur de la République de Lyon.

« Miroir du monde »

La brigade spécialisée de terrain a réalisé 832 flagrants délits. Et son périmètre d’action vient d’être élargi jusqu’à la gare de la Part-Dieu, située à quelques stations de tram ou de métro. Car la police est confrontée à un nouveau défi : chassée de la Guillotière, la délinquance se déplace dans d’autres quartiers de Lyon. « Les chiffres baissent à la Guillotière. Le marché clandestin, près de l’arrêt de tram, a disparu. Les vendeurs de cigarettes de contrebande se font plus rares. Mais on observe une hausse des vols plus loin. La part des délinquants de la Guillotière dans la délinquance globale à Lyon est de plus en plus importante », confie un policier de terrain.

« Nous travaillons au rétablissement de la paix publique dans ce quartier dans tous les domaines, de la voie publique aux commerces illégaux, et nous anticipons le phénomène de report de la délinquance », précise Nelson Bouard, directeur départemental de la sécurité publique du Rhône. « Nous effectuons des surveillances pédestres, à la fois pour arrêter les délinquants et pour rassurer la population. Nous avons de quinze à vingt patrouilles en action tous les soirs », expose le patron de la police lyonnaise.

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« Le traitement policier est impératif pour que le calme revienne », reconnaît Azouz Begag. L’ancien ministre à l’égalité des chances de Jacques Chirac habite la Guillotière depuis quarante ans. « La violence fait fuir, moi je reste ici parce que j’ai une histoire avec ce quartier. Mon père m’amenait à l’arrière de son vélo pour y vendre de la coriandre », dit-il. Azouz Begag a écrit un livre sur la Guillotière, Lyon, place du pont, la place des hommes debout… (Editions lyonnaises d’art et d’histoire, 2011), où il explique comment ce quartier a été de tout temps un refuge pour les voyageurs et les plus démunis, dérangeant et délaissé, à la frontière de Lyon.

Au Moyen Age, les voyageurs d’Italie ou d’Espagne étaient stoppés là, avant de franchir le Rhône, et taxés rue de la Barre, rive droite. Des migrations se sont agrégées au fil des siècles. Nord-africaines, subsahariennes, asiatiques, réparties par rues, avec leurs propres commerces. Un immeuble de verre, érigé place Gabriel-Péri dans les années 1990, n’a pas dissuadé les chibanis de tenir assemblée permanente sur la place réhabilitée.

Et puis, de sa fenêtre du cours Gambetta, Azouz Begag a vu passer ces dernières années les vagues des harraga, les « brûleurs » de frontières, des migrants originaires du Maghreb. Des jeunes gens pauvres, sans foi ni loi, livrés à l’exil. « Ici, c’est le miroir du monde. La paupérisation grandissante, planétaire. Nous avons les mêmes dans d’autres quartiers, à Rio, Mexico », se désole Azouz Begag, qui espère que, une fois passée la crise, la Guillotière retrouvera l’esprit des lieux, cosmopolite et non violent.

L’embarras des écologistes lyonnais sur la vidéosurveillance

Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Pascal Mailhos, réclame depuis plusieurs mois une convention pour prévoir le déport des caméras de vidéosurveillance de la ville de Lyon dans la salle de commandement de la police nationale. Mis en place dans la commune voisine de Villeurbanne (Rhône), ce dispositif permet à la police de prendre le contrôle des caméras municipales en cas d’événements graves. Les élus écologistes s’y refusent, prétextant un audit pour « évaluer la question des usages ».

La ville de Lyon dispose de 571 caméras de surveillance, avec un centre de supervision municipal. La majorité écologiste a ajouté six caméras nomades et annonce faire l’acquisition de six autres dans les mois à venir, mais elle n’entend pas aller plus loin. « La Cour des comptes nous demande d’évaluer les politiques publiques, nous nous inscrivons dans les pas de la Cour des comptes », a justifié Grégory Doucet, maire de la ville, le 6 juillet, en préambule d’un conseil municipal consacré à la revalorisation de la police municipale.

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