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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : courrier international - Middle East Eye - 26/09/2022

C’est un phénomène qui touche tout le Maghreb, celui de la fuite d’une jeunesse qui ne rêve que d’Europe. Dans la ville marocaine de Taghazout, paradis touristique du surf, une nouvelle route de l’exil est empruntée par les jeunes Marocains : celle qui, à travers l’Atlantique, raconte “Middle East Eye”, ouvre la voie de l’Europe par les îles Canaries.

“Avant de venir ici, je pensais que Taghazout, c’était le paradis. Le paradis des surfeurs, mais aussi des jeunes comme moi qui veulent se faire beaucoup d’argent en peu de temps. Je me disais que, en travaillant avec les touristes, ce serait facile de sortir ma famille de la misère, et qu’enfin mes rêves d’exil cesseraient.”

Ilyas a 18 ans. Originaire de la banlieue pauvre d’Agadir (côte sud du Maroc), il a arrêté l’école tôt pour soutenir sa famille financièrement : mécanicien, peintre, ouvrier, couturier, moniteur de jet-ski, “il n’y a aucun métier que je n’aie pas fait”, résume-t-il à Middle East Eye (MEE).

“Harraguisme” 2.0

Mais depuis un an qu’il travaille à la gestion d’appartements destinés aux vacanciers, une idée l’obsède : tenter la traversée de l’océan Atlantique. “Quand j’avais 15 ans, je me suis rendu seul à Nador [nord-est du Maroc] et je me suis jeté dans la Méditerranée. Je voulais nager jusqu’à Melilla [enclave espagnole dans le nord du Maroc]. Mais un policier m’a vu et m’a ramené au rivage. À cause des contrôles renforcés, rejoindre Ceuta [autre enclave espagnole] et Melilla n’est plus aussi facile qu’avant. Il faut passer par le sud.

Pendant son temps libre, il étudie minutieusement les différents itinéraires possibles et se prépare à un périple qui devrait durer trois jours. Google Maps à la main, il explique qu’il compte faire la première partie du chemin en jet-ski, avant de continuer de nuit à bord d’un canot pneumatique. Au 31 mai 2022, 8 268 migrants avaient réussi à atteindre les îles Canaries depuis le Maroc, soit deux fois plus qu’en 2021 à la même période.

De plus, comme Ilyas, au Maroc, plus d’un candidat à l’émigration sur cinq est âgé de moins de 19 ans, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

“En Europe, tu peux accomplir tes rêves dix fois plus vite qu’au Maroc. Ici, tu t’épuises à travailler douze heures par jour pour un salaire dérisoire. Cela fait quelques années que les autorités financent la construction d’hôtels de luxe à Taghazout, pendant que nous, les jeunes, on reste dans la misère”, confie à MEE Sofiane, autre candidat à l’exil de 17 ans, qui travaille dans un magasin de surf et n’a pas été payé par son patron depuis trois mois.

Dans le cadre du plan Azur [Plan de développement du tourisme], inauguré en 2001, les autorités marocaines annonçaient la création de six stations balnéaires à travers le pays.

Boom touristique sans ruissellement

Au total, ce sont plus de 1 million d’euros qui ont été investis dans le village de surfeurs Taghazout Bay dans l’optique de créer 20 000 emplois et plusieurs dizaines de milliers de lits pour les vacanciers. Les chaînes d’hôtel de luxe Hilton, Hyatt et Marriott, notamment, ont choisi de s’y installer.

Parallèlement, le plan d’aménagement urbain d’Agadir, lancé en 2020, prévoit de redynamiser la deuxième ville touristique du Maroc, située à peine à une dizaine de kilomètres de Taghazout, avec la création d’infrastructures dans les domaines sportif, touristique, éducatif et sanitaire.

Face à ce boom économico-touristique, certains, comme Rayan, 28 ans, ont choisi de reconsidérer leurs plans d’avenir. “Moi aussi, comme beaucoup, j’ai longtemps pensé que je n’avais pas d’avenir dans ce pays. Il y a quelques années, je me suis rendu en Grèce illégalement après avoir atterri en Turquie. J’ai pu y travailler quelques mois, avant de me faire contrôler par la police et de me faire expulser”, témoigne-t-il à MEE.

Au début de cette année, Rayan a décidé d’ouvrir sa propre auberge de jeunesse sur les hauteurs de Taghazout. “Être un harraga [un immigré clandestin], ça ne m’intéresse plus. C’est une vie de galère. On vit dans la peur permanente. Non, je préfère essayer de faire fleurir mon business dans mon pays et tenter d’immigrer plus tard, légalement cette fois.”

Parmi les raisons les plus invoquées par ceux communément appelés les “harragas” – terme qui signifie “brûleurs”, de papiers et de frontières, dans les dialectes maghrébins –, on retrouve le manque de perspectives économiques.

Malgré un taux de croissance annuel de 7,4 % en 2021, près d’un Marocain sur deux se considère “pauvre”, selon une étude menée par l’Observatoire national du développement humain (ONDH) et publiée l’an dernier.

Par ailleurs, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), 80 % des actifs marocains travaillent dans l’emploi informel, tandis que 31,8 % des 15-24 ans sont au chômage.

En 2019, une étude menée par l’ONG Oxfam évaluait que le royaume chérifien était le pays le plus inégalitaire d’Afrique du Nord.

Exil à tout prix

Ces dernières années, au vu des contrôles de sécurité renforcés financés par l’Union européenne, atteindre l’Europe par voie terrestre ou en traversant la Méditerranée est devenu de plus en plus difficile, ce qui a poussé les candidats à l’émigration à trouver des routes alternatives.

Ainsi, les embarcations en provenance du Maroc sont de plus en plus nombreuses à s’élancer sur les flots de l’océan Atlantique vers des recoins plus éloignés des îles Canaries, afin de réduire les risques de se faire repérer par les garde-côtes.

Des associations dénoncent l’extrême dangerosité de ces nouveaux itinéraires, comme l’ONG Caminando Fronteras, qui avait recensé en 2021 près de 4 400 personnes mortes ou disparues sur les routes maritimes vers l’Espagne, dont 90 % en direction des îles Canaries.

Néanmoins, le phénomène des “harragas 2.0” ne cesse de se développer, et des vidéos postées sur la Toile indiquent en dialecte local la marche à suivre pour atteindre l’Europe depuis différentes régions du Maroc, dont celle du Souss, où se situent Taghazout et Agadir.

Sofiane l’assure, il y a de nombreux points de partance depuis les côtes marocaines : “Je peux vous citer au moins trois ou quatre villages depuis lesquels des jeunes Marocains montent sur des embarcations la nuit, en plus de ceux qui tentent de se cacher dans des paquebots du port d’Agadir.”

Leurs amis partis avant eux leur montrent la voie à suivre : “Ça marche par le bouche-à-oreille. Untel qui connaît untel qui connaît quelqu’un qui a réussi à traverser et qui lui explique comment faire. Ceux qui sont arrivés en Europe, ils ont l’air d’être heureux. Tu les vois bien habillés, en train de sourire sur les photos, ils se font en une semaine l’argent que je me fais en un an.”

Dangereux mirage européen

Mais cette réussite apparente cache souvent une autre façade, celle de l’exclusion sociale, du racisme, des difficultés socio-économiques et de la peur constante de l’expulsion.

De fait, comme l’expliquait le chef de la police des îles Canaries, Rafael Martínez, lors d’une conférence sur l’immigration en mai, les migrants sont, pour certains, expulsés très rapidement, “en moins de soixante-douze heures”.

De plus, toujours selon Martínez, depuis le dégel en mars 2022 des relations diplomatiques entre Madrid et Rabat, suspendues un an plus tôt, les contrôles policiers ont repris de plus belle, avec une baisse drastique du nombre d’arrivées entre janvier – 3 194 migrants avaient débarqué sur les îles Canaries – et mars, où ce chiffre était tombé à 375.

Pourtant, pour Rayan, rien ne suffira à arrêter les candidats à l’exil. “Ils sont persuadés qu’en Europe, c’est mieux qu’ici. Certains n’ont pas peur d’y laisser leur vie. Bien sûr, ils ont tort, parce que là-bas, ils seront confrontés au racisme, à la barrière de la langue, aux gens qui profiteront de leur misère. Mais quand je leur dis ça, ils ne me croient pas”, constate-t-il.

“Ils veulent voir la misère européenne de leurs propres yeux, comme si, ailleurs, la misère était plus belle.”


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