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Source : le monde - Louise Couvelaire - 11/10/2022

L’association Habitat et humanisme, qui dispose de 10 000 hébergements à vocation transitoire, en attendant l’octroi d’un logement social, a notamment mis au point une « école des locataires » pour accompagner ses résidents.

Fanta Coulibaly a des manières exquises, le maintien d’une première communiante, et des voisins qui s’accommodent mal de sa présence. La jeune femme de 34 ans, Ivoirienne, est accusée tour à tour de laisser traîner ses poubelles dans le couloir (ce ne sont pas les siennes), de parler trop fort au téléphone (c’est arrivé une fois), de permettre à ses filles – jugées bruyantes – de jouer dehors (comme tous les autres enfants de la résidence). « Nous sommes la seule famille noire de la résidence et je suis la seule à ne pas être propriétaire », commente-t-elle d’une voix posée.

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Fanta a trois enfants : Soumaïa, Aliya et Hicham. Ses deux filles vont à l'école, son fils est pris en charge par un hôpital des Hauts-de-Seine.

Assise très droite sur le canapé du salon de son trois-pièces de 62 mètres carrés situé au rez-de-chaussée d’un immeuble d’une résidence privée de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), elle raconte son départ d’Abidjan (Côte d’Ivoire) il y a quatre ans avec ses trois enfants pour soigner son fils polyhandicapé ; son arrivée à Paris, sans point de chute et sans appui familial ; ses années de galère en hébergement d’urgence. Jusqu’à ce qu’elle soit prise en charge par Habitat et humanisme, qui agit pour l’insertion par le logement.

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L’association, qui œuvre depuis plus de trente-cinq ans, lui a trouvé le toit qu’elle occupe depuis maintenant deux ans, mis à disposition par l’un de ses 4 315 « propriétaires solidaires » qui ont choisi de lui confier la gestion de leur bien immobilier.

Et c’est ici, dans l’une des villes les plus nanties de la région parisienne, que Fanta, autrefois gérante d’une officine de pharmacie dans son pays d’origine avant de devenir, en France, accompagnante d’élève en situation de handicap, puis d’être reçue au concours d’entrée pour suivre une formation d’éducatrice spécialisée, tente de se construire une nouvelle vie. Et de composer avec un environnement bourgeois parfois hostile.

Transmettre le « savoir-habiter en France »

« Mais je ne suis pas seule pour affronter tout ça, je suis avec Catherine, elle m’aide à réussir », dit-elle. « Catherine », c’est Catherine Métais, fringante retraitée de 69 ans qui habite à « sept minutes à pied », une habituée de l’Ouest parisien – elle y réside depuis trente ans – bénévole au sein de l’association Habitat et humanisme depuis plus de quatre ans.

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Catherine Métais, une retraitée, bénévole au sein de l’association Habitat et humanisme depuis plus de quatre ans, aide Fanta Coulibaly dans ses démarches. A Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), le 8 septembre 2022.

Sa mission : « accompagner et soutenir » les familles en logement diffus comme celle de Fanta dans leur installation, leur intégration dans leur nouveau quartier et leur immeuble, leur vie quotidienne… « L’idée est de ne pas laisser seule une personne qui vient d’arriver, de partager les bonnes adresses… A leur arrivée, les gens ne savent pas toujours bien habiter leur immeuble et la ville », explique-t-elle.

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Accompagner et transmettre le « savoir-habiter en France », deux impératifs dont dépend le succès de toute opération visant à favoriser la mixité sociale. C’est la conviction d’Habitat et humanisme, qui dispose de près de 10 000 logements à vocation transitoire (en attendant l’obtention d’un logement social) acquis en propre ou mobilisés auprès des propriétaires solidaires. L’association pense la cohabitation entre personnes issues d’horizons différents grâce à l’intervention et la médiation de « tiers garants », parmi les 2 000 salariés et 5 000 bénévoles que compte le mouvement.

Tout nouveau locataire est ainsi systématiquement épaulé par une équipe composée d’un travailleur social, d’un accompagnant bénévole (tel que Catherine Métais), d’un bricoleur bénévole (susceptible de réaliser les petits travaux du quotidien afin d’entretenir convenablement le logement) et d’un gestionnaire locatif adapté (qui aide à réaliser l’état des lieux, à comprendre les charges, les droits et les devoirs du locataire…). « La mixité sociale, ça peut marcher, mais ça se pense, se prépare et s’accompagne, professe Maud Lachaise, directrice des opérations immobilières et du patrimoine chez Habitat et humanisme. Abandonner une famille dans un environnement dont elle ignore tout – les règles de vie et les habitudes – conduit tout droit à l’échec. »

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La chambre des filles de Fanta Coulibaly, dans leur appartement de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), le 8 septembre 2022

L’association a également mis sur pied depuis une dizaine d’années une « école des locataires ». C’est ainsi que sont appelés les ateliers thématiques proposés aux nouveaux arrivants. Ils sont dispensés dans l’« appartement pédagogique », une salle de réunion située au siège de l’association, à Paris, avec faux compteur électrique, cuisine et salle de bains fictives, grand panneau éco-studio (pour apprendre les écogestes du quotidien comme diminuer sa consommation d’eau et de chauffage). Tout pour apprendre les bons gestes, les droits et les devoirs du locataire.

« Préparation essentielle »

Mme Ndao préfère taire son prénom. « Il est trop connu dans mon quartier du 20e arrondissement de Paris maintenant, je ne tiens pas à ce que tout le monde connaisse mon parcours », explique-t-elle. Mme Ndao, 47 ans, trois enfants – deux filles aînées qui ne sont jamais venues en France et un garçon de 19 ans – est originaire du Sénégal. Elle aussi a connu les hébergements d’urgence avant d’être logée par Habitat et humanisme. Une étape transitoire qui s’est prolongée pendant quatre années, le temps d’obtenir un logement social.

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Accompagnante d’élèves en situation de handicap dans une école élémentaire, elle n’a jamais raté un atelier de l’école du locataire. « Je n’avais jamais été indépendante, je n’avais jamais géré un logement ni un budget, jamais recherché de logement social, ni mis d’argent de côté pour les imprévus… Je me suis retrouvée toute seule d’un coup pour gérer tout ça dans un pays étranger, c’est très dur, on peut vite échouer, mais j’ai appris beaucoup de choses, ça a été une préparation essentielle. » Mme Ndao est si convaincue qu’elle a décidé de devenir à son tour bénévole au sein de l’école du locataire. Elle y anime désormais des ateliers.

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Fin de service pour deux agents de nettoyage de la résidence Beausoleil, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).

Des ateliers qui abordent également la question du savoir-vivre : éviter d’aller à la boulangerie en peignoir, d’envoyer ses enfants jeter les poubelles – trop lourdes, ils les lancent dans les escaliers, les sacs se déchirent et les détritus se répandent –, de cuisiner sans jamais aérer ou de crier fenêtres ouvertes. « Il y a souvent des problèmes de décibels et d’odeurs de cuisine », raconte Anne Liaigre, la directrice de l’école des locataires.

Même les enfants peuvent suivre une formation au sein de « l’école du petit locataire ». « Dans certains quartiers, l’arrivée d’une famille noire, ça peut être costaud, poursuit la directrice. Les réactions peuvent être virulentes : “on ne veut pas de punaises de lit dans l’immeuble”, “on ne veut pas de cafards”, “nous sommes un immeuble de gens bien”. Il est vrai que certaines habitudes peuvent être dérangeantes, mais il y a des façons correctes de dire les choses. »

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« Les gens râlent beaucoup autour de vous, soyez discrète, ne faites pas d’histoires », a récemment conseillé à Fanta Coulibaly l’un de ses voisins. Alors, le jour où celui du dessus, en pleins travaux, a causé une inondation dans sa cuisine, elle n’a rien dit. La fois où un autre l’a insultée pour avoir parlé un peu fort au téléphone – « Nous, on n’est pas comme vous, on ne fait pas de bruit, nous, on travaille ! » –, elle s’est excusée. Lorsqu’un monsieur, excédé par les jeux des enfants au pied de l’immeuble, a traité depuis sa fenêtre ses filles de « stupides », ces dernières sont rentrées sans un mot.

« Ça ne sert à rien de s’énerver, c’est comme ça, dit-elle. Surtout, les écoles ici sont d’un très très bon niveau, alors j’ai renouvelé ma demande de logement social pour rester dans le coin. » La mère de famille n’espère plus se faire des amis, elle vise l’indifférence polie.

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 Fanta Coulibaly se sent parfois isolée dans son quotidien : entre sa formation d’éducatrice spécialisée et son rôle de mère de famille, elle manque de temps libre pour voir ses amis et entretenir des liens sociaux.

 


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