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Source : InfoMigrants - Anupam Deb Kanunjna - 28/10/2022

La Roumanie est devenue cette année une destination privilégiée pour les travailleurs bangladais. Si la plupart des migrants arrivent avec un visa et un permis de travail, une fois sur place, la réalité pousse nombre d'entre eux à poursuivre leur voyage illégalement vers l’ouest de l’Europe.

"Nous savions que la Roumanie était un pays européen. Le salaire mensuel était annoncé à 650 dollars, ce qui est plutôt bien. Le logement est gratuit et on nous a dit qu'on nous fournirait un appartement pour trois ou quatre personnes. La journée de travail durerait huit heures et les heures supplémentaires seraient payées. Nous avons pensé que, faisant partie de l’Europe, les droits des travailleurs seraient respectés en Roumanie. Alors nous avons accepté de nous lancer." Ahmed*, un Bangladais, est arrivé cette année en Roumanie pour tenter sa chance. Il fait partie des quelque 7 000 travailleurs venus du Bangladesh à avoir posé le pied sur le sol roumain en 2022, selon des données obtenues auprès de l'ambassade du Bangladesh en Roumanie.

Le gouvernement roumain a en effet doublé les quotas de visas attribués aux travailleurs bangladais, pour passer de 50 000 en 2021 à 100 000 en 2022. La Roumanie, pays membre de l’Union européenne, est ainsi devenue l’une des destinations privilégiées pour des centaines de milliers de ressortissants du Bangladesh en quête d’une vie meilleure.

Dans l'ensemble, les processus de recrutement semblent se faire dans les règles. Certains Bangladais font toutefois part de leur déception et rapportent des cas d’abus de la part des agences de recrutement et des entreprises locales.

Ils ont accepté de se confier à InfoMigrants.

Promesses de recrutement

Une fois arrivés en Roumanie, certains racontent avoir déchanté, en se rendant compte que le poste qui leur avait été promis n'existait pas. Par conséquent, plusieurs milliers de travailleurs bangladais se retrouvent sur la route des Balkans dans l'espoir d'entrer sans papiers dans l'espace Schengen, à la recherche d'opportunités économiques.

De manière générale, les agences de recrutement bangladaises recueillent les candidatures au nom d'entreprises roumaines pour occuper divers emplois, de plombier à électricien, en passant par soudeur ou encore charpentier. Ces agences approuvées par le gouvernement du Bangladesh font notamment de la publicité dans les médias nationaux afin de renforcer leur légitimité et leur crédibilité auprès des intéressés.

>> À (re)lire : "Si je te revois, je te tue", aux frontières nord de la Serbie, les migrants victimes d'une violence toujours plus intense

Ahmed a été recruté par l’une de ces agences, l’Asia Continental Group, qui avait été officiellement autorisée à faire partir quelque 200 travailleurs en Roumanie, en leur délivrant les permis de travail et les visas nécessaires.

Selon Ahmed, l’agence n’a cependant pas respecté les frais de dossier initialement prévus : elle lui a réclamé près de 7 000 euros au lieu des 4 300 euros convenus.

"J'ai emprunté de l'argent à mes proches", raconte Ahmed. "Je pensais qu'une fois que je toucherais mon salaire, je pourrais commencer à rembourser."

 

Capture d'écran d'une vidéo montrant les conditions de vie de certains migrants bangladais en Roumanie. Crédit : InfoMigrants
Capture d'écran d'une vidéo montrant les conditions de vie de certains migrants bangladais en Roumanie. Crédit : InfoMigrants
Une entreprise roumaine "revend des travailleurs"

À leur arrivée, Ahmed et 73 autres travailleurs bangladais ont été emmenés à Sibiu, une ville du centre de la Roumanie, située à environ 300 kilomètres de la capitale Bucarest. Les migrants accusent la société de construction roumaine de les avoir alors revendus à d'autres entreprises.

Ahmed affirme avoir été vendu à une entreprise italienne au bout de quelques jours. Au lieu d’occuper un poste d’électricien, il a été chargé de laver des voitures et de nettoyer des jardins. "Un jour, ils nous ont demandé de nettoyer les toilettes. Nous avons protesté en leur disant qu'il y avait des personnes dont le travail consistait à faire ce genre de tâche. Puis nous avons appris qu’ils avaient déjà demandé au personnel de nettoyage de ne plus venir travailler."

Au bout d’un mois, raconte Ahmed, "nous avons appris que tout le monde dans l'entreprise était payé, sauf nous". Le groupe s’est plaint, mais leurs responsables hiérarchiques auraient décliné toute responsabilité. "Ils nous ont dit qu’on était pas leurs travailleurs, que la société qui nous avait emmenés était chargée de nous payer."

Le groupe a alors contacté l'entreprise de construction roumaine qui les avait recrutés. Selon Ahmed, l’entreprise a expliqué que le logement et la nourriture fournis n'étaient pas gratuits et avaient été déduits de leurs salaires.

Les promesses ne correspondent pas à la réalité

Selon les règles fixées par le ministère bangladais des Expatriés, qui est responsable de l'envoi de travailleurs à l'étranger, exige que "les travailleurs recrutés occupent un emploi dans les entreprises stipulées dans le contrat" et que "chaque travailleur reçoive le salaire, le logement et les autres avantages promis".

Jahangir* vit à Olt, à 150 kilomètres de Bucarest. Cet électricien détient également un permis de travail en Roumanie. Lui aussi a assuré à InfoMigrants que l’entreprise qui l’avait recruté l'a revendu à une autre société à son arrivée.

 

De nombreux travailleurs bangladais se retrouvent "revendus" à d'autres entreprises en Roumanie. Crédit : InfoMigrants
De nombreux travailleurs bangladais se retrouvent "revendus" à d'autres entreprises en Roumanie. Crédit : InfoMigrants
Des conditions "inhumaines"

Jahangir estime que les conditions dans lesquelles on lui a demandé de travailler et de vivre sont "inhumaines".

"Au lieu de huit heures, nous sommes obligés de travailler pendant douze à treize heures. Le logement fourni par l'entreprise ne comporte qu'une seule salle de bain pour 14 personnes. Il est impossible d'arriver au travail à l'heure si tout le monde veut faire sa toilette au réveil. Il n'y a pas de cuisine, et nous n'avons touché aucun salaire le premier mois.''

>> À (re)lire : Sitôt arrivés au Royaume-Uni, des migrants contraints de travailler dans des fermes de cannabis

D’autres migrants ont envoyé des vidéos à InfoMigrants pour montrer leurs conditions de travail difficiles et les logements insalubres dans lesquels ils vivent. Par craintes de représailles, ces personnes ont demandé à InfoMigrants de ne pas publier ces images.

L’une des vidéos montre des dizaines de travailleurs logés sur un terrain de basket abandonné. On entend certains travailleurs exprimer leurs ressentiments à l'égard des agences de recrutement bangladaises.

Tous les migrants interrogés affirment qu'on leur a demandé des milliers d'euros pour obtenir leurs autorisations de travail et un visa, mais la plupart d'entre eux attendent toujours d'obtenir un permis de séjour temporaire en Roumanie**. 

Beaucoup disent craindre des répercussions s’ils dénoncent publiquement les pratiques de leur entreprise, comme l’annulation de leur contrat.

InfoMigrants a contacté Asia Continental Group, l’agence de recrutement bangladaise responsable du dossier d’Ahmed. Abdus Salam, le directeur de l'organisation, assure que les plaintes d’Ahmed ne sont pas fondées. Il explique que la concurrence pousse certaines agences à répandre de fausses rumeurs pour nuire à leur concurrents.

Il assure aussi que son agence n’a pas réclamé de frais supplémentaires à ceux fixés par le gouvernement bangladais, mais reconnaît ne pas avoir le contrôle sur ce que des sous-traitants pourraient éventuellement réclamer.

Il admet par ailleurs avoir reçu des plaintes concernant les conditions de travail en Roumanie. L’entreprise roumaine en question aurait déjà été contactée et son agence se dit disposée à fournir une assistance juridique aux travailleurs.

L'entreprise roumaine de construction d’Ahmed n’a, en revanche, pas répondu aux questions d'InfoMigrants.

L'ambassade est "impuissante"

Les migrants interrogés disent aussi avoir peur de déposer leurs plaintes auprès de l'ambassade du Bangladesh à Bucarest.

L’ambassadeur, Daud Ali, explique ainsi être au courant de ces allégations, mais être impuissant tant que personne ne dépose de plaintes officielles. "Lorsque nous leur demandons de nommer les coupables, ils répondent qu’il ne peuvent rien dire au risque de se mettre en danger. Nous avons essayé de trouver une solution, mais jusqu'à présent, pas un seul travailleur n'a voulu s'exprimer et donner des noms", a-t-il affirmé.

Selon l’ambassadeur, "il y a probablement près de 1 600 agences enregistrées au Bangladesh. Toutes ne sont pas mauvaises. Si nous n'obtenons pas d'informations précises, contre qui voulez-vous prendre des mesures ?"

Selon les conditions fixées par le gouvernement bangladais, les agences de recrutement sont tenues de soumettre un rapport au ministère des Expatriés, au Bureau de la main d’oeuvre, de l’emploi et de la formation (BMET) et à l'ambassade du Bangladesh après l'arrivée de chaque groupe de travailleurs en Roumanie. L’ambassadeur Daud Ali concède toutefois qu'aucune des agences concernées ne respecte cette condition.

*Des pseudonymes ont été utilisés pour protéger leur identité.

**Dans un premier temps, tous les travailleurs migrants obtiennent un visa roumain de trois mois et un permis de travail. Pour rester en Roumanie, ils doivent ensuite demander, par l'intermédiaire de l'entreprise, un permis de séjour temporaire - TRC - avant l'expiration du visa de trois mois. Mais beaucoup sont obligés de choisir une autre voie, car ils n'obtiennent pas le permis de séjour à temps.

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