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Source : médiapart - Cécile Debarge - 11/11/2022

L’arrivée à Toulon du navire de SOS Méditerranée intervient après plusieurs jours de bras de fer diplomatique entre la France et l’Italie. Elle a été saluée par la droite italienne, jusqu’à ce que le président français suspende les accords de relocalisation de 3 500 demandeurs d’asile.

C’est l’issue de plusieurs jours de tensions entre la France et l’Italie. L’Ocean Viking, le bateau de sauvetage de l’ONG SOS Méditerranée, pourra accoster dans le port de Toulon avec à son bord 234 migrant·es. Ainsi se conclut « la première crise des migrants du gouvernement de Giorgia Meloni », son « premier test sur les arrivées de bateaux », écrit le quotidien Il Fatto Quotidiano. Ces expressions résument bien le sentiment étrange des observateurs de la vie politique italienne, celui d’être dans un mauvais remake de l’été 2018.

À croire que c’est un rite initiatique pour les partis d’extrême droite italiens : lancer un bras de fer avec leurs voisins européens, à peine arrivés au gouvernement. Il y a quatre ans, c’était un autre navire, l’Aquarius qui était devenu le symbole de la rhétorique et de la politique anti-migrant·es de Matteo Salvini. Aujourd’hui, l’Ocean Viking est celui de la politique xénophobe de Giorgia Meloni.

ocean viking

Giorgia Meloni, le 10 novembre 2022 à Rome. © Riccardo de Luca / Anadolu Agency via AFP

Peu importe que l’Italie de l’été 2018 n’ait plus grand-chose à voir avec celle de l’automne 2022, le thème reste inchangé. « Le contexte aujourd’hui est celui de multiples crises internationales, de la renégociation des différents plans d’aide européens post-Covid et d’une fragmentation du leadership entre la France et l’Allemagne », analyse pour Mediapart le chercheur de l’Institut pour les études de politique internationale de Milan (ISPI) Aldo Liga.

« Le dossier migratoire ces trois dernières années a été relégué au second plan, y compris au sein de l’opinion publique, poursuit-il. Pourtant au premier bateau de migrants qui arrive, Giorgia Meloni décide d’amorcer une crise, alors même que son gouvernement tente de se rendre crédible aux yeux des partenaires européens qui n’ont pas caché leur méfiance, ce n’est pas anodin. » 

Surtout, en quatre ans, l’Union européenne « a montré, avec le conflit en Ukraine, qu’elle était capable d’accueillir des milliers de réfugiés, sans que cela ne bouleverse ses équilibres politiques », analyse la professeure à l’université de droit de Palerme, Alessandra Sciurba.

La coalition n’a pas de stratégie commune

En Italie, les lectures de ce coup de force diplomatique sont loin d’être unanimes. Certes, le centre-droit, l’alliance de gouvernement, ne cache pas sa satisfaction. « La décision d’Emmanuel Macron montre que les choses bougent et nous lui en sommes reconnaissants, a commenté le ministre des affaires étrangères Antonio Tajani. La fermeté paie ». « C’est bien comme ça, le vent tourne », s’est félicité de son côté le chef de la Ligue Matteo Salvini, actuel ministre des transports. Il « exulte », titre Il Fatto Quotidiano.

Giorgia Meloni, elle, fanfaronne beaucoup moins. Elle explique que son gouvernement est celui de la « légalité » et qu’elle « continue à avancer vers ses objectifs ». « Les citoyens nous ont demandé de défendre les frontières italiennes et ce gouvernement ne trahira pas sa parole », résume-t-elle sobrement sur ses réseaux sociaux. Elle sait aussi que sur les quatre navires de sauvetage d’ONG bloqués en mer depuis plusieurs jours, trois ont finalement accosté dans des ports italiens.

« Je ne m’attendais pas à ce que ce gouvernement à peine élu puisse se montrer aussi rude, car cette partie contre les ONG a déjà été perdue par l’ancien ministre de l’intérieur, rappelle l’universitaire Alessandra Sciurba. L’écrasante majorité des procédures pénales contre elles n’ont pas donné matière à procès et c’est le ministre qui s’est retrouvé sur le banc des accusés. » « Même d’un point de vue rhétorique, Matteo Salvini a polarisé l’opinion publique de manière si extrême qu’au final tout le monde est désormais d’accord pour dire que personne ne doit être abandonné en mer et y mourir », explique-t-elle.

La campagne électorale l’avait laissé présager. Les deux alliés de gouvernement, la Ligue et Fratelli d’Italia, n’ont pas vraiment de stratégie commune sur les questions migratoires. Giorgia Meloni avait évoqué la possibilité d’un « blocus naval », sans vraiment en détailler les modalités. Elle avait ensuite préféré miser sur l’installation de « hotspots » (des centres de tri) dans les pays de départ. Aujourd’hui, elle est bloquée entre « Paris, Berlin et les pièges de Salvini », commente Stefano Folli dans les pages du quotidien La Repubblica.

« La tenaille dans laquelle est prise Giorgia Meloni est dure à supporter, écrit-il. La dernière chose à faire en ce moment où les problèmes du pacte de stabilité et du plan de relance ne sont pas résolus, c’était d’aller au conflit sur les migrants avec la France, et donc de manière indirecte, avec le reste de l’Union européenne. »

L’accueil des demandeurs d’asile suspendu par la France 

Si la décision du président français de permettre à l’Ocean Viking d’amarrer dans un port français a plutôt fait consensus, celle de suspendre l’accueil prévu de 3 500 demandeurs d’asile qui se trouvent actuellement en Italie a fait l’effet d’une douche froide. Plus encore lorsqu’il a appelé l’Allemagne à faire de même.

L’analyse est cinglante dans les colonnes du journal en ligne Domani qui titre sur l’« anatomie d’un flop » : « Le mandat de Meloni commence par une rencontre avec Macron [le premier dirigeant étranger à l’avoir rencontrée à Rome – ndlr] et une opportunité tactique : les désaccords entre France et Allemagne. En quelques jours, elle a anéanti cet avantage. Sur le plan international, elle a déjà fait des désastres et même un miracle : ses gaffes sont telles qu’elles ont même fini par réconcilier la France et l’Allemagne. »

Même le très conservateur quotidien Il Foglio n’est pas convaincu par la stratégie de la première ministre : « Au premier test sur les migrations, le gouvernement Meloni a réussi à se mettre à dos ses meilleurs alliés pour gérer les arrivées de bateaux de migrants. »

Chez les politiques de centre-droit, la faute est surtout française. La réaction de Paris est « disproportionnée », selon le ministre des affaires étrangères Antonio Tajani, tandis que Matteo Salvini ironise sur la « solidarité européenne ». Le ministre de l’intérieur Matteo Piantedosi dénonce quant à lui une « réaction complètement incompréhensible […], mais cela montre aussi que, face à l’immigration illégale, les autres nations ont une posture ferme et déterminée ».

« Ces relocalisations acceptées par l’Italie sont une arnaque. Rien que du vent, s’emporte un autre titre très conservateur, le quotidien Il Giornale. Alors que 90 000 migrants sont arrivés en Italie, seuls treize pays européens s’étaient engagés à en prendre 8 000. Au 10 novembre, ils n’étaient encore que 117 à avoir quitté l’Italie par cette voie dont à peine 38 en France. Vous m’expliquez les leçons que la France peut nous donner ? »

La « relocalisation » des migrant·es est prévue depuis 2019 par l’accord de Malte sur le mécanisme de redistribution des demandeurs d’asile entre tous les membres de l’Union européenne. Ses modalités changent régulièrement, notamment quant au nombre de personnes prises en charge. Au mois de juin, la France s’était engagée à en accueillir 3 500. Or la mise en œuvre de cet accord en est encore à ses balbutiements.

Du 22 octobre au 8 novembre, 10 935 personnes sont arrivées sur les côtes italiennes. Seules 243 d’entre elles ont été « relocalisées » dans un autre État membre, soit à peine 2 %. Face à ces chiffres, « le jeu en valait-il la chandelle ? », interroge le chercheur de l’ISPI spécialiste en data, Matteo Villa. Il souligne un deuxième aspect important : seul un migrant sur dix arrivé au cours de cette période a été secouru en mer par une ONG. 9 801 migrant·es sont arrivé·es de manière autonome, essentiellement via la route tunisienne qui traverse le canal de Sicile jusqu’à la petite île de Lampedusa ou plus au nord, sur les côtes proches d’Agrigente.

On est bien loin du fameux « appel d’air créé par les ONG de sauvetage en mer », encore récemment dénoncé par le centre-droit. Bien loin aussi du « blocus naval » promis par la candidate Meloni lors de sa campagne électorale.

 


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