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Source : médiapart - Ilyes Ramdani -10/11/2022

Le gouvernement a annoncé jeudi 10 novembre que l’« Ocean Viking » pourrait accoster à Toulon avec ses 234 personnes exilées à bord. Une décision saluée à gauche, critiquée à droite et à l’extrême droite, et qui remet la gestion des flux migratoires au cœur de la diplomatie européenne.

Après plusieurs jours de bras de fer diplomatique, le calvaire des 234 femmes, hommes et enfants secouru·es par l’Ocean Viking va prendre fin. La France a accepté d’accueillir le débarquement du navire, attendu vendredi matin au port de Toulon (Var). « La situation humanitaire appelle une action désormais immédiate, a expliqué le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à l’issue du conseil des ministres jeudi. Chaque heure de navigation fait désormais courir des risques très importants pour la vie de certains passagers. »

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© Mediapart

La veille au soir, la Commission européenne avait appelé à un « débarquement immédiat », rappelant « l’obligation légale de sauver les vies humaines en mer, claire et sans équivoque, quelles que soient les circonstances ». Le navire de l’association SOS Méditerranée, au bord duquel Mediapart avait passé plusieurs semaines en 2021, attendait depuis près de trois semaines de recevoir l’autorisation d’accoster sur les côtes européennes avec les personnes secourues en mer. 

Celles-ci se sont retrouvées au centre d’une crise diplomatique entre la France et l’Italie qui, en vertu des règles internationales, aurait dû accueillir le bateau. Depuis plusieurs jours, les pouvoirs publics européens tentent de faire pression sur Rome et sa nouvelle présidente du Conseil, Giorgia Meloni. En vain, tant la leader d’extrême droite a fait de l’Ocean Viking un des symboles de son début de mandat. « Nous apprécions vivement la décision de la France de partager la responsabilité de l’urgence migratoire, qui reposait jusqu’à présent sur les épaules de l’Italie et de quelques autres États méditerranéens », soulignait-elle dès mercredi, devançant la communication française.

« L’atmosphère a changé », s’est également félicité Matteo Salvini, vice-président du Conseil et leader de la Ligue, un parti d’extrême droite. En 2018, alors ministre de l’intérieur, il avait mené le même bras de fer avec la France pour l’accueil de l’Aquarius, un autre navire humanitaire en Méditerranée. À l’époque, Emmanuel Macron n’avait pas voulu céder et le bateau avait accosté à Valence, en Espagne, suscitant la « honte » d’une partie des soutiens du président de la République.

Macron ouvre un port

Un enfant à bord de l'« Ocean Viking », le 10 novembre 2022. © Photo Vicenzo Circosta / AFP

Quatre ans plus tard, Paris a pris une autre décision, pressé par l’urgence humanitaire. « La France a pris toutes ses responsabilités dès lors que le navire avait quitté les eaux italiennes, se félicite la députée européenne (Renaissance) Fabienne Keller. Je suis fière de mon pays. En donnant très rapidement un signal d’accueil, le gouvernement a fait ce qu’il devait faire. » « C’est la bonne décision qui a été prise, et elle est même courageuse en l’état du pays », salue Pascal Brice, directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) entre 2012 et 2018, aujourd’hui président de la Fédération des acteurs de solidarité.

La députée socialiste Christine Pirès Beaune, qui avait co-organisé une conférence de presse la veille pour appeler la France à cette décision, salue aussi une « bonne nouvelle pour ces 234 migrants, dont certains avaient un besoin urgent de prise en charge ». L’association SOS Méditerranée a exprimé, par la voix de Sophie Beau, sa directrice, un « soulagement teinté d’amertume parce que ces 234 personnes viennent de vivre un véritable calvaire ». « C’est vraiment un constat d’échec des politiques des États européens qui ont bafoué le droit maritime de manière inédite », a-t-elle dit à l’AFP.

S’ils seront mis à l’abri dès leur arrivée à Toulon, les exilé·es ne seront pas pour autant accueillis inconditionnellement sur le sol européen. Gérald Darmanin a déjà annoncé que des entretiens individuels seraient menés pour « examiner les demandes de séjour ou d’asile ». Les personnes éligibles à l’accueil seront accueillies par la France pour un tiers, l’Allemagne pour un deuxième tiers et d’autres pays européens que le ministre n’a pas nommés. Quant aux « personnes ne relevant pas d’un droit au séjour ou à l’asile », elles « feront l’objet de procédures d’éloignement sans délai », a insisté Gérald Darmanin. 

Paris prend des mesures de rétorsion

Les critiques sont principalement venues, sans surprise, de la droite et de l’extrême droite. « Le gouvernement se rend complice des passeurs », a tweeté Éric Ciotti, député Les Républicains (LR) des Alpes-Maritimes et candidat à la présidence de son parti. La cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, a accusé Emmanuel Macron sur le même réseau social de lancer « un signal dramatique de laxisme ». « Avec cette décision, il ne peut plus faire croire à personne qu’il souhaite mettre fin à l’immigration massive et anarchique ».

L’accueil d’un bateau de secours d’exilé·es est une première en France. En 2018, Emmanuel Macron avait justifié son refus d’ouvrir un port à l’Aquarius en faisant référence à la pression de l’extrême droite. « Les bons sentiments faciles […] sont sans lendemain et, si je suivais cette voie, elle ferait basculer le pays vers les extrêmes, avait-il dit. L’humanisme, ce n’est pas le bon sentiment. »

Plus explicite encore, le chef de l’État avait semblé lier son choix au contexte politique intérieur de l’époque. « Je suis conscient des tensions qui existent aussi dans notre pays, avait-il argué. Si je me mets à dire “la France devient le port d’accueil de tous les bateaux qui partent d’Afrique”, d’abord ça n’est pas une solution à laquelle je crois et ensuite ça n’est pas soutenable, même politiquement en France pour nos propres équilibres. »

Quatre ans plus tard, l’extrême droite a enregistré une troisième qualification au second tour de l’élection présidentielle et l’élection de 89 député·es à l’Assemblée nationale. Rendant le changement de pied de l’exécutif d’autant plus difficile à comprendre. « Encore hier, j’étais convaincu que Macron ne l’accepterait pas », souffle un haut fonctionnaire qui connaît bien le dossier. « Diplomatiquement, c’était différent en 2018, plaide Erwan Balanant, député Modem. Il y avait encore l’espoir, à l’époque, que l’Italie fasse ce qu’elle devait faire, donc la France voulait se montrer ferme. » Christine Pirès Beaune confirme que la donne a changé : « L’Italie n’aurait jamais revu sa position. »

Après quelques jours d’attente et de pressions diplomatiques, l’exécutif a fini par céder, tout en se montrant véhément à l’égard du pouvoir italien. Face à la presse jeudi midi, Gérald Darmanin a déploré « l’égoïsme » des dirigeants transalpins, leur « choix incompréhensible » de « ne pas se comporter comme un État européen responsable »

La France a par ailleurs annoncé plusieurs mesures de rétorsion, dont la suspension des « relocalisations » prévues (3 500 migrants qui devaient être accueillis après avoir accosté en Italie ne le seront pas) et le renforcement des contrôles à la frontière franco-italienne. « Les autres aspects de la relation bilatérale » seront prochainement affectés, a également prévenu le ministre. Son homologue a dénoncé, en réponse, une réaction « totalement incompréhensible », arguant que l’Italie a « jusqu’à présent affronté seule le problème [de l’immigration illégale – ndlr] ».

L’aveuglement coupable de Macron sur Meloni

Entre Paris et Rome, le ton était monté de la même manière en 2018. Emmanuel Macron avait dénoncé « la part de cynisme et d’irresponsabilité » du gouvernement italien, incarné en la matière par Matteo Salvini. Malgré ce précédent, le retour au pouvoir des partis d’extrême droite, fin septembre, n’avait pas semblé alerter l’exécutif.

Emmanuel Macron avait appelé les deux capitales à « continuer à œuvrer ensemble » et prôné, lors de sa première rencontre avec Giorgia Meloni, le « dialogue » et « l’ambition » entre deux « peuples amis ». Les premiers signaux pro-européens envoyés par Rome avaient fini de convaincre Paris que l’heure n’était pas si inquiétante. « Sur l’Ukraine et sur l’énergie, Meloni promet d’aller dans le même sens que Draghi, ce que nous entendons pour l’instant nous rassure », confiait déjà une ministre à la rentrée.

Obnubilé par la crise de l’énergie, l’exécutif a fait mine de ne pas voir l’éléphant au milieu de la pièce : le discours anti-migrants de la coalition au pouvoir et sa filiation xénophobe. La crise de l’Ocean Viking vient rappeler l’identité politique de l’extrême droite italienne et ouvrir une période de turbulences européennes sur les questions migratoires. « C’est le principal marqueur politique de Meloni et elle y tient particulièrement, redoute Fabienne Keller. Elle n’a rien fait de tonitruant sur les sujets économiques et financiers. En revanche, là-dessus, elle peut se différencier à moindre coût. » 

« C’est exactement la même situation qu’il y a quatre ans, relève Pascal Brice, qui dirigeait l’Ofpra à l’époque. Cette répétition est insupportable. Ni la France ni les autres pays européens n’ont su tirer profit des quatre années d’un gouvernement italien sans l’extrême droite pour trouver une solution pérenne. Et, sitôt qu’elle revient, l’extrême droite italienne refait le même chantage. Il ne reste plus que le rapport de force à l’Europe comme option. »

Active sur les problématiques migratoires, Fabienne Keller souligne quant à elle que la France a, durant sa présidence européenne début 2022, « fait des propositions pour que les mécanismes changent ». « Il faut qu’il y ait rapidement un mécanisme de répartition qui s’organise, élargi à plus d’États membres qu’actuellement », plaide l’élue du parti présidentiel. En plus de la France et de l’Allemagne, d’autres pays européens, dont la France n’a pas encore révélé l’identité, devraient contribuer à l’effort d’accueil des personnes secourues.

Sur la scène intérieure, la décision de l’exécutif pourrait laisser des traces. Alors que le gouvernement a mis à l’agenda un nouveau texte sur l’immigration et que l’Assemblée nationale a temporairement exclu un député RN pour une saillie raciste (déjà sur l’Ocean Viking), les sujets migratoires pourraient voler la vedette à la crise socio-économique. « Certains vont tirer profit de ce geste pour remettre de l’huile sur le feu », soupire déjà Christine Pirès Beaune. Son collègue MoDem, Erwan Balanant, appelle à une forme d’union sacrée : « Tous ceux qui ont des valeurs autour de l’Europe et de la démocratie, il faut qu’on fasse front face au risque de récupération du RN. »

 


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