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Source : médiapart - Tomas Statius - 16/12/2022

La patronne par intérim de l’agence européenne de gardes-frontières était bien placée pour être confirmée à son poste le 20 décembre. D’après nos informations, la Lettone est cependant concernée par des investigations de l’OLAF. Et son nom est associé au « dossier Baltic Tours », du nom d’une agence de voyage utilisée par Frontex dans des conditions ayant suscité des critiques en interne.

C’est l’histoire d’une institution qui n’apprend jamais de ses erreurs. Où une crise semble devoir succéder à une autre. Pour Frontex, l’agence européenne de gardes-côtes et de gardes-frontières, la date du 20 décembre devait marquer le début d’une nouvelle ère, après la démission de son directeur exécutif, le Français Fabrice Leggeri, en avril dernier, plombé par des révélations médiatiques sur sa gestion et une enquête du gendarme anti-fraude de l’Union européenne, l’OLAF. Or l’élection de sa successeure « naturelle » à la tête de Frontex, la Lettone Aija Kalnaja, censée advenir dans cinq jours, a désormais du plomb dans l’aile.

D’après des informations recueillies par Mediapart, le média à but non lucratif Lighthouse Reports et Der Spiegel, l’OLAF l’aurait à son tour dans son viseur. Contactée par Mediapart, Aija Kalnaja confirme : « J’ai été notifiée par l’OLAF que j’étais concernée par une enquête. » L’office anti-fraude, lui, précise que plusieurs « enquêtes sont en cours à Frontex », mais rechigne à livrer plus de détails, en raison de « la confidentialité » des procédures. Estimant n’avoir commis aucune faute ni aucun délit, Aija Kalnaja nous précise maintenir sa candidature à la tête de Frontex.

Cette haute fonctionnaire, qui assure déjà l’intérim depuis huit mois, se présentait jusqu’ici comme l’antipode de Fabrice Leggeri, devenu le visage de la lutte contre l’immigration irrégulière depuis sa nomination en 2014, et surtout l’incarnation d’une ligne dure et de la cécité de l’Europe face aux violations des droits de l’homme commises à ses frontières, notamment en Grèce.

La directrice exécutive adjointe de Frontex, Aija Kalnaja à Prague, le 11 juillet 2022. © Photo Ondrej Deml / CTK / AP via Sipa

Ancienne directrice adjointe de la police lettone, en poste au sein de Frontex depuis près de dix ans, Aija Kalnaja s’affichait comme plus sensible aux questions des droits de l’homme et avait promis de faire le ménage. En concurrence avec un Néerlandais et un Croate pour l’élection du 20 décembre, elle espérait être confirmée sans difficulté à l’occasion du scrutin qui sera organisé au sein du conseil d’administration de Frontex (composé des représentants des 30 pays signataires de l’accord de Schengen, de l’Irlande et de la Commission européenne, avec le soutien présumé de cette dernière).

Mais en coulisses, son nom se retrouve associé au « dossier Baltic Tours », du nom d’une agence de voyage ayant travaillé avec Frontex, et sur lequel une demi-douzaine d’agents de l’institution ont accepté de s’exprimer (sous couvert d’anonymat). Il est impossible d’affirmer pour le moment que le dossier ferait partie du spectre de l’enquête menée par l’OLAF, mais il contribue, a minima, à diffuser l’inquiétude.

Entreprise estonienne, Baltic Tours a remporté un appel d’offres en décembre 2021 pour organiser les déplacements de tous les agents de Frontex à l’étranger. À cette époque, comme directrice adjointe, Aija Kalnaja supervise le dossier. Mais le contrat de Baltic Tours est suspendu en février 2022 à la demande de plusieurs responsables de l’agence, dont Aija Kalnaja, assurent trois témoins. Le hic ? Frontex n’a pas réglé toute son ardoise. « Toutes les décisions que j’ai prises ont été discutées au préalable », précise d’emblée Aija Kalnaja (lire l’intégralité de ses réponses dans les annexes).

Plusieurs centaines d’employé·es sont alors logé·es via Baltic Tours, ou grâce à des prestataires avec lesquels l’entreprise travaille. Et l’imbroglio donne lieu à des situations plutôt cocasses. En mars 2022, au Monténégro, trois agents de Frontex sont ainsi menacés d’être mis en garde à vue par la police locale parce que personne, ni leur employeur ni son prestataire, n’a payé pour leur logement, d’après des échanges de mails consultés par Mediapart. Expulsés en pleine nuit, les agents n’auraient pas pu récupérer leurs affaires, ni accéder à leur ancienne chambre.

Montant de l’ardoise ? 9 000 euros, annonce le chef de la police locale à la direction de Frontex, dans un message daté du 24 mars 2022. « Nous vous demandons de régler la situation urgemment pour que la réputation de Frontex et de la direction de la police du Monténégro ne soit pas mise en danger sans raison », écrit ce dernier.

Des propriétaires ont dû batailler des mois pour récupérer leur dû

À l’époque, la réponse d’Aija Kalnaja, par mail, est cinglante, et elle appelle son interlocuteur à « modérer ses propos ». Elle explique que l’agence paiera la facture, « mais à titre exceptionnel ». Et elle écrit qu’aucun « lien ne peut être fait entre l’hôtelier et les membres de l’agence ». Officiellement, l’agence de gardes-côtes et de gardes-frontières n’a de lien contractuel avec aucun hôtel, ni avec aucun des prestataires de Baltic Tours.

En attendant, propriétaires d’appartements et entreprises prestataires ont dû batailler de longs mois pour que la super-agence leur verse leur dû. Un propriétaire, qui travaillait avec Baltic Tours, assure avoir dû vendre l’un de ses biens pour éponger les dettes.

Même situation pour une agence de voyage qui estimait l’ardoise à un peu plus d’un million d’euros au plus haut de la crise. « Il y a un moment où je ne venais plus au bureau à cause de tous les propriétaires qui venaient se plaindre de ne pas être payés », se souvient son patron.

Contactés par Mediapart et ses partenaires, la société estonienne n’a pas répondu à nos demandes d’interview. Interrogé sur le montant de factures restant aujourd’hui à payer, le service presse de Frontex se contente de répondre : « Frontex a réglé toutes les factures qui ont été suffisamment documentées, pour les prestations rendues avant la suspension du contrat. » Et invoque la responsabilité de son ancien prestataire dans les délais.

C’est quand même de l’argent européen. On avait l’impression que personne ne faisait de vérification.
Un employé de Frontex

Pour comprendre l’origine de la crise, il faut revenir au début de l’année 2022. C’est à cette époque que plusieurs policiers, déployés par Frontex à l’étranger, font part de leur malaise à propos du partenaire maison : ils suspectent Baltic Tours de surfacturation, en raison du nombre d’intermédiaires que l’entreprise sollicite. Ils le font savoir à leur direction. « C’est quand même de l’argent européen. On avait l’impression que personne ne faisait de vérification », souffle un employé de Frontex.

Faute d’un carnet d’adresses suffisant, Baltic Tours sollicite en effet d’autres agences de voyage pour louer des appartements. Ces dernières facturent leur service, ce qui fait gonfler la note. Un grief qui revenait souvent.

Face à ces remontées d’informations, jusqu’au bureau d’Aija Kalnaja, « la directrice adjointe a eu peur de se faire éclabousser », se souvient un employé de l’agence, qui accepte de témoigner sous couvert d’anonymat. « Elle a complètement paniqué et ça a foutu le bordel. » « Frontex n’avait pas d’autre choix que de suspendre et de mettre fin au contrat », affirme de son côté son service presse.

Aujourd’hui, Frontex n’a toujours pas de prestataire pour le logement de ses agents à l’étranger. Un comble pour l’agence la plus riche de l’UE, dont certain·es employé·es sont obligé·es d’avancer leur frais de déplacement. Ou de demander une avance. « Nous sommes en train de préparer un nouvel appel d’offres [pour une nouvelle agence de voyage – ndlr] », indique le service presse.

Pour Aija Kalnaja, cela pourrait être l’épilogue de plusieurs mois chaotiques. Depuis sa nomination au poste de directrice par intérim, l’ancienne policière est fréquemment décriée en interne. « Frontex, c’est comme un club de foot qui est passé de régional 1 à la Ligue des champions tout en gardant les mêmes dirigeants. Mais désormais avec un budget énorme », raille un ancien employé.

Des eurodéputés dans le noir

Fin novembre, c’est devant le Parlement européen que la Lettonne a dû défendre son bilan et sa gestion : un passage obligé avant le vote du conseil d’administration de Frontex (même si l’avis des parlementaires sur les élections au sein de Frontex n’est que consultatif). « On m’a fait confiance pour diriger l’agence dans ses heures les plus sombres », explique alors l’ancienne policière à la tribune, avant de promettre de la rendre plus « transparente ».

Elle est suivie de ses deux concurrents : le Néerlandais Hans Leijtens et la Croate Terezija Gras (secrétaire d’État rattachée au ministère de l’intérieur, récemment mise en cause pour des violences commises par les forces de l’ordre croates sur des réfugiés). Lors de ce grand oral, les parlementaires ne sont aucunement mis dans la confidence de l’enquête en cours à l’OLAF.

La nouvelle a pourtant été ébruitée une semaine plus tôt au cours d’un conseil d’administration de Frontex. Mais personne, ni la Commission ni les représentants des États membres, n’a jugé bon de prévenir les élu·es européen·nes. « Je suis choquée, s’insurge la parlementaire néerlandaise Tineke Strik, en pointe sur les questions liées à Frontex. Cette information aurait été pertinente pour nous. Le fait que ni la Commission ni le conseil d’administration n’ait pris la peine de nous informer me pousse à m’interroger sur le crédit qu’ils accordent à nos recommandations pour le poste de directeur exécutif de Frontex. »

Contactée par Mediapart et ses partenaires, la Commission européenne n’a pas répondu sur ce point.

Après l’audition des trois prétendant·es, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen a exprimé sa préférence pour le candidat néerlandais. La balle est désormais dans le camp du conseil d’administration de Frontex.


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