Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : libération - Charles Delouche-Bertolasi - 18/12/2022

France 3 a pu consulter l’enregistrement d’un entretien entre un agent de l’Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et une demandeuse d’asile. Souffrante des séquelles d’un AVC et enceinte, la jeune femme, pressée de raconter un viol par l’officier, a vu sa demande rejetée.

Cinquante minutes d’entretien, des questions insistantes, pressantes et une demande d’asile finalement rejetée après un huis clos brisé. France 3 Côte d’Azur a pu consulter l’enregistrement d’un entretien entre un agent de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et Rose*, une jeune femme en demande d’asile. Cette audition qui s’est déroulée avant l’été, relatée vendredi 16 décembre par France 3, est particulièrement choquante.

L’affaire remonte au 22 mai 2022. Rose, qui réside à Nice, se rend à l’Ofpra, où elle doit être entendue dans le cadre de sa demande d’asile. Elle a alors 28 ans et est enceinte de huit mois. Comme le veut la loi, cet entretien avec l’agent de l’Ofpra est enregistré. La conversation dure cinquante minutes. Le premier quart d’heure est consacré au parcours migratoire de la jeune femme. Partie du Cameroun, elle affirme être passée par la Côte d’Ivoire, puis remontée vers le Niger et enfin la Libye. Elle reste trois ans dans le pays et y subit même en 2019 un accident vasculaire cérébral. Depuis, elle souffre de «troubles de la parole». Ce n’est qu’après son arrivée en France en décembre 2020 que la jeune femme est prise en charge et soignée. Une particularité précisée dans son formulaire d’asile : «Madame éprouve des difficultés à parler et à comprendre. Elle a besoin de temps et ne saisit pas toujours la teneur des propos, des suites de son AVC.» Une précision dont ne tient pas compte l’officier de protection chargé de l’audition de Rose.

Alors qu’on en est à l’examen des motifs de la demande d’asile déposée par Rose, la jeune femme est en difficulté. Elle peine à formuler une phrase complète et ne comprend pas toujours les questions. Elle raconte avoir «fui un mariage forcé» au Cameroun. L’officier s’impatiente, souffle, soupire et tape du poing sur la table. Après une demi-heure d’entretien, Rose montre un signe de défaillance. «Ça va ?» lui demande le fonctionnaire de l’Ofpra. La jeune femme répond difficilement : «Oui… ça va.» L’homme rétorque, à bout de patience : «Vous êtes sûre ? Vous n’allez pas accoucher ici ?» Il hausse le ton, s’emporte par moments et ne cesse de couper son interlocutrice, même quand l’échange porte sur les potentielles violences conjugales, physiques et sexuelles, que l’ex-mari de Rose lui aurait fait subir au Cameroun.

«Ça s’est bien passé ou pas Madame ?»

«Comment s’est passée la vie conjugale ? Pendant quatre mois ça s’est bien passé ?» l’interroge-t-il. «Ça s’est… Quand il me dit…», bégaie Rose. L’officier l’interrompt, tranchant : «Ca s’est bien passé ou pas Madame ?» Elle lui répond d’une voix lasse : «Non ça ne s’est pas bien passé.» L’agent enchaîne, de plus en plus irrité par les hésitations de Rose qui a du mal à décortiquer les moments passés au sein de ce mariage forcé. Il l’interrompt à nouveau : «Qu’est-ce qu’il vous a fait ?» Rose reprend son souffle et tente de formuler une phrase. «Bon… Quand j’étais là-bas, chez lui, je devais faire tout le ménage», commence-t-elle. Avant d’être coupée une nouvelle fois par l’officier. «Oui, d’accord, le ménage, OK. Mais c’est pas une persécution madame de faire le ménage, alors ? Vous avez été persécutée ou pas madame ?» Rose parvient à ânonner quelques mots. «Alors qu’est-ce qu’il vous a fait ? Il vous a maltraitée ? […] Vous avez eu des rapports sexuels avec lui ? […] Alors, ça s’est bien passé, ça s’est pas bien passé ?», insiste l’officier. «Ça s’est pas bien passé parce que… je… c’est lui qui voulait…» répond Rose.

L’officier s’exclame alors : «Voilà ! Il vous a forcée à coucher. C’est ça qu’il fallait dire.» Avant de consigner, à voix haute et en martelant son clavier d’ordinateur, ces mots qui ne sont pas ceux de Rose : «Il m’a forcée à avoir des relations sexuelles.» De ces deux minutes d’interrogatoire, ponctuées de onze interruptions de la part de l’office de protection de l’Ofpra, ne subsisteront que deux phrases dans le rapport final : «Cela ne s’est pas bien passé. [Mon ex-conjoint] m’a maltraitée. […] Il m’a forcé à avoir des relations sexuelles.» L’entretien se poursuit mais l’état de santé de Rose se détériore. «Vous allez demander une ambulance, hein ? Là, ça ne va pas, madame. Vous auriez pas dû venir, vous vous rendez compte ?» lui demande l’officier, avant d’assurer que Rose aurait été «reconvoquée».

Une demande d’asile rejetée

Rose n’a jamais été convoquée de nouveau, malgré cet échange réalisé à quelques semaines de son accouchement. Sa demande d’asile a été rejetée au motif que ses déclarations «n’ont pas permis d’établir les faits allégués et les craintes énoncées en cas de retour». «Tout d’abord l’intéressée a décrit de façon assez peu personnalisée et peu spontanée le profil de l’homme qu’elle était contrainte d’épouser, se cantonnant à fournir quelques informations liminaires à son sujet, estime même l’office. Ensuite, elle a décrit de façon sommaire et convenue les violences conjugales dont elle a fait l’objet sans contextualisation, sans éléments circonstanciés et sans détails tangibles. Un entretien «contraire à la dignité humaine», selon Pauline Soubié-Ninet, l’avocate de Rose. Elle dénonce la «violence institutionnelle» subie par sa cliente et insiste sur son «parcours traumatique» de Rose, qui raconte avoir été réduite «en esclavage» par un homme «polygame», dont «elle était la quatrième épouse». «On connaît l’importance du récit pour les demandeurs d’asile qui, la plupart du temps, n’ont pas de preuves matérielles de leur vécu. L’audition par l’Ofpra devait justement favoriser la verbalisation», souligne l’avocate.

Contacté par France 3 le directeur général de l’Ofpra, Julien Boucher, estime que «si un entretien s’est déroulé dans les conditions que vous décrivez, qui ne sont nullement représentatives de la pratique de l’Office, je le regrette profondément ; une telle façon de procéder n’est pas admissible et toutes les conséquences devraient en être tirées». L’avocate de Rose a annoncé avoir saisi la Cour nationale du droit d’asile afin de faire réexaminer la demande de sa cliente.

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter