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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Nejma Brahim - 22/12/2022

C’est l’une des mesures phares du futur projet de loi sur l’immigration. Le titre de séjour « métiers en tension » devrait permettre de régulariser des travailleurs sans papiers déjà présents sur le territoire français et répondant à certains critères. Qu’en est-il vraiment ?

La globalité du texte n’a pas encore été dévoilée que le ministre de l’intérieur, qui porte le futur projet de loi « asile et immigration », a pris soin d’arroser le débat public de premières annonces concernant les mesures phares, souvent accompagnées de « petites phrases » dont l’objectif est clairement affiché : distinguer les « bons » des « mauvais » étrangers, ceux que l’on est prêts à accueillir et ceux dont on se passerait bien, ceux qui « bossent » et non pas ceux qui « rapinent ».

Alors que l’avant-projet de loi doit être envoyé au Conseil d’État avant la fin de l’année et présenté en conseil des ministres en janvier, une version plus consolidée du texte a fuité (voir cet article du Figaro), mardi 20 décembre, laissant entrevoir le détail du volet « intégration » du projet de loi, qui repose essentiellement sur la création d’un titre de séjour « métiers en tension ». Il consacre aussi un volet plus sécuritaire que beaucoup redoutaient, visant à expulser plus rapidement et plus facilement, à refuser ou à retirer un titre en cas de rejet des principes de la République ou à réhabiliter la « double peine ».

Pour nombre d’acteurs experts en droit des étrangers ou en droit pénal (voir notre émission), l’accent mis par Gérald Darmanin sur les délinquants dits « étrangers » au cours des derniers mois est démesuré. Il répond en fait à un besoin « d’équilibre » pour le gouvernement, dans une politique migratoire qui assume de mêler « humanité et fermeté », à l’heure où l’immigration est instrumentalisée par la droite et l’extrême droite, qu’il faut aussi convaincre pour espérer voir le texte passer au printemps sans avoir recours au 49-3.

Un nouveau titre de séjour métiers en tension devrait être créé en 2023. © Photo d'illustration Mediapart.

Le titre de séjour « métiers en tension », annoncé début novembre par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, ministres de l’intérieur et du travail, dans un entretien au Monde, s’inscrit directement dans cette ligne en faveur d’un entre-deux : il devrait permettre aux sans-papiers ayant prouvé leur « bonne intégration » d’être régularisés lorsqu’ils travaillent dans un secteur d’activité où la main-d’œuvre manque particulièrement.

Mais dans le même temps, les procédures d’éloignement pour les étrangers perçus comme indésirables devraient s’intensifier, a promis Gérald Darmanin, qui a déjà enjoint aux préfets de « rendre la vie impossible » aux personnes étrangères faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), en leur demandant, dans une instruction datée du 17 novembre, « d’appliquer la méthode employée pour le suivi des étrangers délinquants » à tous les étrangers sous OQTF.

Une mesure déjà adoptée par nos voisins européens

Si l’idée de régulariser un certain nombre de sans-papiers en France paraît louable – aucun chiffre précis n’a encore été donné par l’exécutif quant au nombre de personnes concernées –, le manque d’informations autour de cette mesure, et le décor planté par Gérald Darmanin laissant craindre un volet sécuritaire trop prégnant (criminalisation des étrangers en situation irrégulière, augmentation des expulsions, retour de la double peine), laissent planer un doute sur les bonnes intentions du gouvernement en matière d’immigration.

« Le Rassemblement national ne pourra pas nous faire le coup du travail volé aux Français, car on est sur des postes qui sont déjà occupés par des travailleurs en situation irrégulière justement parce qu’ils restent vacants. L’objectif, c’est bien que l’immigration économique reste une façon subsidiaire de répondre aux besoins », avait tenté de « rassurer » Olivier Dussopt.

Sur ce point, la France arrive avec un léger retard comparé à ses voisins européens. En début d’été, l’Allemagne décidait déjà de régulariser des dizaines de milliers d’étrangers ayant été déboutés de leur demande d’asile pour leur permettre de travailler dans des secteurs en tension, grâce à un permis de séjour d’un an pouvant ensuite déboucher sur un titre permanent. L’Espagne a suivi, en fin d’été, annonçant régulariser plusieurs milliers de sans-papiers présents sur son territoire depuis plus de deux ans, en vue de les intégrer au marché du travail.

Mais en France, les critères qui entourent cette mesure restent encore flous. Dans son propos lors du débat sans vote sur l’immigration à l’Assemblée nationale le 6 décembre, Olivier Dussopt évoquait la création d’un titre temporaire, d’une durée d’un an, renouvelable, pour « sortir de l’absurde jeu perdant-perdant qui concerne les étrangers en situation irrégulière dans les métiers qui manquent cruellement de main-d’œuvre ». La restauration ou la propreté étaient citées en exemples pour justifier la révision de la liste des métiers en tension, sur laquelle ces deux secteurs n’apparaissent pas alors que la main-d’œuvre étrangère y est « surreprésentée ».

La dernière version du texte, que Mediapart a pu consulter, indique qu’il faut avoir déjà exercé une « activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement » pour pouvoir en bénéficier. Ce nouveau titre concernerait les personnes résidant en France sans interruption depuis au moins trois ans et travaillant depuis au moins huit mois dans des secteurs en tension, sans qu’on ne sache encore quels métiers seront pris en compte.

Tel que c’est écrit dans le texte, cela ne concerne que la catégorie des personnes en séjour régulier ou avec un visa long séjour.
Me Morade Zouine, avocat spécialiste du droit des étrangers

Le caractère temporaire du titre, bien qu’il soit renouvelable, a d’abord inquiété l’opposition de gauche, les associations d’aide aux étrangers, syndicats ou collectifs de sans-papiers, qui dénoncent l’aspect « utilitariste » d’une mesure qui ne servirait qu’à boucher des trous sur une période donnée en se servant d’une main-d’œuvre disponible et volontaire, sans vraiment la sortir de la précarité. Selon la dernière version du texte, seuls les détenteurs de la carte « métiers en tension » durant une année continue, « sous couvert d’un contrat à durée indéterminée », pourraient solliciter une carte pluriannuelle « salarié » par la suite.

Olivier Dussopt a refroidi, aussi, lorsqu’il a déclaré sur France Info que la mesure concernerait « entre quelques milliers et quelques dizaines de milliers » de personnes et que les titres seraient délivrés « au cas par cas », alors que l’on estime le nombre de sans-papiers en France à environ 300 000 (selon les chiffres de l’aide médicale d’État). Le ministre l’a dit et redit, il ne s’agit pas d’un « plan de régularisation massive ».

Pour l’heure, la promesse initiale n’est pas tenue

Mais avec de tels chiffres et une politique du « cas par cas », le risque d’un tri parmi les demandes de régularisation pourrait créer de fortes inégalités parmi les étrangers qui voudraient prétendre à ce titre. Pour Morade Zouine, avocat spécialiste du droit des étrangers, le contenu du texte découvert mardi se résume même à une « entourloupe ».

« Tout le monde a cru qu’on allait permettre à des personnes sans droit au séjour d’accéder à ces métiers, pour valoriser leur ancienneté et leur expérience dans ces domaines. Mais tel que c’est écrit dans le texte, cela ne concerne que la catégorie des personnes en séjour régulier ou avec un visa long séjour », nuance-t-il, expliquant que le cas des personnes en situation irrégulière aurait dû être mentionné « noir sur blanc ».

Et d’ajouter : « C’est une bonne nouvelle pour les gens qui ont toujours été dans la régularité, parce qu’ils accèdent à ce titre de plein droit, sans avoir besoin de l’employeur. Mais c’est vraiment un luxe. Je n’ai jamais vu autant de personnes perdre leur droit au séjour. » L’avocat, également membre du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti), se sent « franchement trahi ».

Après avoir participé, en tant qu’avocat, à la phase de concertation lancée par le gouvernement avec les associations en novembre, il observe que les débats n’ont finalement « pas beaucoup pesé ». « Gérald Darmanin a affirmé plusieurs fois que ce titre bénéficierait aux personnes en situation irrégulière. Ça avait donné beaucoup d’espoir à mes clients, qui voyaient là une chance de pouvoir être régularisés. Mais là, on a juste l’impression qu’on crée un nouveau titre salarié. »

La droite d’Éric Ciotti, qui vient tout juste de remporter le congrès du parti Les Républicains, aurait peut-être changé la donne et réussi à peser dans les arbitrages. « Je ne vois pas comment le texte peut évoluer favorablement dans les prochains mois. Darmanin cherche à rassurer la droite dure », estime l’avocat.

Que se passe-t-il, par ailleurs, pour les étrangers qui bénéficieraient de ce titre et qui, du jour au lendemain, perdraient leur emploi ou verraient le secteur dans lequel ils travaillent sortir de la liste des métiers en tension ? « Le préfet peut très bien retirer le titre. En pratique, c’est compliqué, car cela signifie qu’il doit surveiller tout le monde, mais le risque de tomber dans un volet purement utilitariste subsiste », alerte MZouine. Pour l’heure, aucun de ces scénarios n’est évoqué dans l’avant-projet de loi, alors qu’ils permettraient de protéger les salariés concernés.

« Après lecture de l’avant-projet de loi, je salue la volonté positive du gouvernement d’inscrire dans la loi, le plein droit, la régularisation des travailleurs exerçant dans les métiers en tension et cela sans lien de dépendance à l’employeur », a déclaré de son côté Marilyne Poulain, ancienne figure de la lutte syndicale (CGT) pour la défense des droits des travailleurs migrants en France, sur Twitter.

projet de loi Darmanin

Passage de l'avant-projet de loi dans lequel les apprentis, étudiants ou demandeurs d'asile sont exclus de la mesure titre de séjour « métiers en tension ». © Capture d'écran Mediapart

Mais elle alerte sur « la nécessité d’un titre de séjour pérenne non soumis aux aléas de l’économie et d’une liste de métiers à géométrie variable », au risque de sortir de la « logique d’inclusion sociale ». « On ne peut demander à des employeurs de former si ensuite leurs salariés risquent de perdre titre et emploi. »

Une autre inquiétude concerne le profil des salariés concernés par le titre, car les étrangers en apprentissage, en poursuite d’études ou en demande d’asile pourraient être exclus de cette mesure, tout comme l’obligation d’avoir un CDI se heurte à des réalités intrinsèques à certains secteurs, comme le BTP, la propreté ou la logistique, et dans lesquels, bien souvent, l’intérim et les CDD priment. Le critère du CDI « exclut quand même beaucoup de monde », souligne MZouine.

Le texte fait enfin état d’une autre mesure, encore inconnue du grand public : un titre de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie », d’une durée maximale de treize mois, pouvant donner lieu à une carte pluriannuelle de quatre ans si la personne étrangère réussit ses épreuves de « vérification des connaissances ».

Une prise de conscience relative du gouvernement, sans doute, quant au rôle crucial des médecins et personnels de santé étrangers durant la crise du Covid-19 ; mais qui laisse là aussi transparaître un objectif utilitariste. « C’est un peu dans la même logique que le titre “métiers en tension”. On voit bien que l’on est capable de pérenniser le droit au séjour quand on a besoin des étrangers », conclut l’avocat.

 


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