Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Nejma Brahim - 23/12/2022

Elles luttent depuis des mois pour que les exilés de toutes les nationalités puissent être hébergés au centre d’accueil réservé aux Ukrainiens à Paris, où une centaine de places restent vides chaque soir. Les associations Utopia 56 et Médecins du Monde ont été déboutées devant le Conseil d’État.

« En refusant l’accès aux dispositifs Ukraine à toutes les personnes, le Conseil d’État confirme une politique d’accueil différenciée entre les Ukrainiens et les autres exilés à la rue. »

C’est le constat que fait l’association d’aide aux exilé·es Utopia 56, au lendemain de la décision tombée lundi 19 décembre, dans laquelle le Conseil d’État rejette le recours de plusieurs associations (dont Médecins du Monde). Ces dernières réclamaient depuis des mois l’ouverture du centre d’accueil « Ukraine », porte de la Villette à Paris, à tous les exilés sans distinction de nationalité.

« Alors que la saturation des dispositifs d’hébergement de droit commun n’est pas contestée, la dégradation des conditions climatiques, se traduisant notamment par des températures nocturnes très basses, contribue à rendre la situation des personnes dépourvues de solution d’hébergement extrêmement difficile et à aggraver les risques et dangers auxquels elles sont exposées. La concomitance avec des places vacantes dans le dispositif [Ukraine] en est rendue encore plus regrettable », reconnaît le juge des référés dans l’ordonnance du Conseil d’État.

S’il reconnaît que les flux de personnes arrivant en provenance d’Ukraine ont diminué, il estime que le centre doit pouvoir conserver sa « capacité opérationnelle » et répondre à « certains afflux soudains », dans un contexte où un cinquième des arrivées se ferait entre minuit et 6 heures du matin en moyenne en décembre. Autrement dit, des ressortissants ukrainiens qui arriveraient au centre en pleine nuit se retrouveraient sans solution d’hébergement si les places vacantes avaient déjà été attribuées.

Manifestation, le 9 juillet 2022, à l'appel d'ONG pour que les centres d'hébergement dédiés aux réfugiés ukrainiens soient accessibles a tous. © Photo Riccardo Milani / Hans Lucas via AFP

Le 19 décembre pourtant, Olivier Klein, ministre du logement, créait la surprise et annonçait avoir réquisitionné ce même centre la veille, pour permettre la mise à l’abri de familles repérées en maraude. « Le gouvernement s’était engagé à ce qu’il y ait zéro enfant à la rue, cette promesse est tenue ! »

Ce soir-là, Utopia 56 soulignait que 108 personnes en famille se présentaient à ses équipes, comme chaque soir place de l’Hôtel-de-Ville à Paris, parce qu’elles n’avaient aucune solution d’hébergement. « L’ouverture de ces places aurait permis la mise à l’abri immédiate de la grande majorité d’entre elles », pointe l’association.

Une centaine de places disponibles chaque soir en moyenne

« Le fait que le ministre du logement ait décidé d’ouvrir le centre pour la mise à l’abri d’autres personnes est quand même une bonne nouvelle », commente une travailleuse du centre, implanté dans le « Paris Event Center », dans le XIXe arrondissement. Elle observe et dénonce, depuis des mois, un « accueil à deux vitesses » entre les ressortissant·es d’Ukraine et les autres personnes exilées.

« Des choix ont été faits. Voir des places vides tous les soirs, c’est tout de même problématique quand on sait qu’on laisse d’autres personnes à la rue », constate celle qui milite pour une « inconditionnalité de l’accueil ». Et d’ajouter : « L’idée n’est pas de niveler l’accueil par le bas ou de dénoncer le dispositif d’accueil pour les Ukrainiens, mais bien que cela devienne la norme pour tout le monde. »

Selon les derniers chiffres que Mediapart a pu obtenir, 90 personnes occupaient cette semaine l’espace réservé aux Ukrainiens – sous un chapiteau –, pour une capacité totale de 250 places. La partie du centre actuellement ouverte pour les mises à l’abri du Samu social (un hall distinct du chapiteau) permet d’accueillir jusqu’à 200 personnes en situation de rue, tous profils confondus. « C’est non négligeable », poursuit cette travailleuse. Mais cette réquisition devrait être temporaire.

« Les inégalités ne concernent pas que l’hébergement, pointe un autre travailleur du centre, qui compte une centaine de places disponibles chaque soir en moyenne. Il y a aussi la question de l’accessibilité au droit de manière générale, puisque pour les Ukrainiens, tout est à disposition à leur arrivée ici. » Les réfugié·es d’Ukraine obtiendraient, poursuit-il, leur couverture maladie et autres droits « en deux semaines ».

« On observe une politique de “fast-pass” quand on nous a toujours dit qu’il était impossible de donner un titre de séjour et d’ouvrir les droits à la Sécurité sociale pour tout le monde. »

L’employé dénonce également des températures très basses sous le chapiteau réservé aux Ukrainiens, qui auraient déjà conduit à réorienter des personnes vers d’autres structures d’hébergement. « On s’échine à chauffer un centre qui est très mal isolé. C’est évidemment mieux que la rue mais certaines nuits, ça reste compliqué à cause du froid. Sans compter les dépenses d’énergie inutiles dans le contexte que l’on connaît. »

Selon nos informations, du « gaspillage alimentaire » aurait aussi été observé, notamment le week-end, lorsque le centre est géré par l’association Coallia. En semaine, les surplus de nourriture seraient « redistribués » à des associations parisiennes pour éviter de « jeter », ont confirmé plusieurs sources. « De manière générale, tout gâchis alimentaire est dommageable. Ça l’est encore plus quand la structure accueillante est à moitié pleine », déplore l’une d’elles.

« Les inégalités de traitement sont toujours là »

« Vouloir laisser des places disponibles pour un public qui n’est pas là est grotesque », réagit Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement, de l’hébergement d’urgence et la protection des réfugiés.

Il se souvient avoir écrit au préfet de région l’été dernier, lorsqu’une action visant à occuper le parvis de l’Hôtel de Ville à Paris était organisée par Utopia 56 pour réclamer des solutions d’hébergement pour des exilés. « On peinait à trouver des places pour les mettre à l’abri, on avait donc demandé l’ouverture du centre d’accueil réservé aux Ukrainiens. »

On pourrait utiliser la totalité des places en se référant aux listes des familles sans hébergement dressées par les mairies d’arrondissement.
Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris.

Le 17 juillet, le collectif La Chapelle debout ainsi que les habitants de l’Ambassade des immigré·es avaient d’ailleurs investi l’ancien centre d’accueil, situé porte de Versailles, laissant entrevoir des dortoirs quasi vides. Entre-temps, « faute d’affluence », appuie Ian Brossat, le centre a déménagé à la Villette et dispose désormais d’une capacité d’accueil moins importante.

Si les autorités ont fini par ouvrir le centre de la Villette à d’autres publics, a priori jusqu’à la fin des vacances d’hiver, l’élu regrette la façon dont c’est organisé : « À l’heure actuelle, 80 places sur les 200 disponibles pour la mise à l’abri sont occupées, car les personnes sont uniquement orientées via les maraudes. On pourrait utiliser la totalité des places en se référant aux listes des familles sans hébergement dressées par les mairies d’arrondissement. »

Pour Me Samy Djemaoun, le revirement opéré par le ministère du logement n’est pas un simple hasard de calendrier. « Il conviendrait de préciser que ces 200 places au GL Center ont été ouvertes le lendemain de l’audience au Conseil d’État où mes clients Médecins du Monde et Utopia 56 demandaient justement l’ouverture des places vacantes. Vous avez voulu jouer le non-lieu », a-t-il réagi sur Twitter.

« On demandait à ce que le surplus de places soit utilisé pour d’autres une fois que les Ukrainiens sont tous hébergés, ce qui aurait permis de désengorger le dispositif du 115 », poursuit-il auprès de Mediapart.

L’avocat, qui a également défendu ces deux associations au tribunal administratif pour la même requête début décembre – que le juge a aussi rejetée – regrette la position adoptée par la préfecture de région en audience. « Elle-même reconnaît la vacance des places, mais défend deux systèmes imperméables, bien que des enfants et familles restent à la rue dans le même temps », s’étonne celui qui dit obtenir des injonctions du tribunal administratif « à la chaîne », lorsqu’il s’agit de situations individuelles, pour l’hébergement de familles vulnérables laissées à la rue en région parisienne.

« L’ouverture de places est positive, conclut Paul Alauzy, chargé de projet à Médecins du Monde. Une partie de notre plaidoyer a servi et poussé l’État à réagir. Mais le double standard et les inégalités de traitement sont toujours là : un Ukrainien arrivant à Paris sera accueilli dignement et efficacement, quand un Afghan sera désorienté, ira à La Chapelle et sera peut-être embarqué par la police. »

Une allusion à l’interpellation d’une quarantaine d’exilés afghans survenue mercredi soir, à Paris, alors qu’ils bloquaient la route pour obtenir des solutions d’hébergement. Plusieurs d’entre eux se sont vu délivrer une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter