Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Marlène Panara - 26/01/2023

Pendant plusieurs jours, un groupe de 18 migrants, âgés de 16 à 25 ans, ont été enfermés dans un local de la police aux frontières de Menton, dans le sud de la France. En cause, d'après les autorités : la saturation du réseau d'accueil dans le département, débordé par les arrivées d'exilés en provenance d'Italie. Les associations, de leur côté, dénoncent "une atteinte manifeste aux droits de l'Homme", dans une région frontalière de plus en plus militarisée.

Ils patientaient enfermés dans un local de 25 mètres carrés. Dix-huit migrants, âgés de 16 à 25 ans ont finalement été pris en charge par le département des Alpes-Maritimes, mercredi 25 janvier, après plusieurs jours passés dans une petite pièce appartenant à la police aux frontières (PAF) de Menton, à la frontière franco-italienne.

Samedi 21 janvier, d'après France Bleu, ils ont reçu la visite d'une équipe du Samu et des pompiers. Selon Nice Matin, ces exilés avaient été conduits là après avoir été interpellés en tentant de franchir la frontière. Mais à ce jour, ni la préfecture des Alpes-Maritimes, ni le département concerné, ni la PAF de Menton n’ont souhaité fournir plus de détails à InfoMigrants. "Il y a une complète opacité sur cette affaire : on ne sait pas où ils ont été emmenés, ou combien de temps encore ils ont passé dans ce local", déplore auprès d'InfoMigrants David Nakache, président de l'association "Tous citoyens".

En enfermant des migrants plusieurs jours dans ce local, qui n'est "ni un lieu prévu pour des garde-à-vue, ni une structure d'enfermement réservée aux étrangers et donc qui ne dispose pas des obligations légales qui incombent à ce type d'endroits", les autorités commettent "une atteinte manifeste aux droits de l'Homme", dénonce le militant.

 

Ce local composé de trois Algécos disposés en U sert d'ordinaire à "mettre à l'abri" les exilés entrés de manière irrégulière sur le territoire, le temps que les autorités françaises finalisent les démarches en vue de leur renvoi en Italie. Ce processus, "qui peut parfois prendre de 4 à 13 heures, a été validé par le Conseil d’Etat et permet une reconduite à la frontière des étrangers [...] sans passer par le biais d’une procédure administrative et/ou judiciaire plus complexe", explique le bâtonnier de Nice dans un rapport publié après une visite sur place, le 26 juillet 2022. Les migrants ne peuvent donc par avoir recours à un avocat.

 

 

Une photo du local de la PAF prise par le bâtonnier de Nice lors d'une visite du lieu, le 26 juillet 2022. Crédit : DR
Une photo du local de la PAF prise par le bâtonnier de Nice lors d'une visite du lieu, le 26 juillet 2022. Crédit : DR

 

À l'intérieur, "trois WC type chantier", "une très petite cour intérieure surmontée d’un filet", et "un point d'eau avec un robinet". "À l’intérieur de chaque Algéco, sont présents une climatisation, des bancs et un plancher en métal inox", poursuit le batônnier. "Ils sont d’un état général propres" mais "il n’a pas été constaté de matelas qui seraient mis à disposition des personnes ainsi 'mises à l’abri'. Il nous a été précisé qu’aucun matelas ni couverture n’était prévu."

Plus de 4 900 mineurs "mis à l'abri" en 2022

La cause de cette affaire, selon les autorités ? La saturation totale du réseau d’accueil des migrants dans le département, notamment celui dédié à la prise en charge des mineurs non accompagnés. D’après la préfecture des Alpes-Maritimes, "quelque 690 mineurs non accompagnés (MNA) sont actuellement pris en charge par le Conseil départemental. "Un niveau jamais atteint", a-t-elle précisé à l’AFP, confirmant une information de Nice Matin.

Sur ces 690 jeunes, seuls 286 sont hébergés dans des infrastructures dédiées du département. Les autres sont temporairement placés dans des hôtels. D'après Tous Citoyens, à Nice, plus de 100 mineurs sont actuellement logés dans des infrastructures hôtelières de la ville.

Et tout au long de l’année 2022, 4 909 mineurs non accompagnés, essentiellement d'origine africaine, ont été "mis à l'abri", à savoir hébergés en urgence à leur arrivée pour quelques jours, le temps d'évaluer leur minorité, contre 4 049 en 2021. Dans le même temps, 617 MNA ont été pris en charge en hébergement de longue durée. En 2021, ils étaient 442. "En huit ans, l'explosion des flux migratoires a amené le département à une prise en charge des MNA multipliée par 28", a indiqué à l'AFP le département, qui peut faire appel à la solidarité des départements voisins.

Sur les ondes de France Bleu, Charles-Ange Ginésy, président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes en a appelé au gouvernement. "Il faut nous aider", a-t-il déclaré. "ll faut que l'on puisse aller plus vite et que la solidarité entre départements soit plus grande."

>> À (re)lire : À Nice, un campement au cœur d'un "jeu politicien"

Les arrivées étant croissantes chaque année, les associations de la région estiment que cette situation aurait pu être évitée. "Nous dénonçons le manque d'anticipation du département face à cette crise humanitaire", fustige David Nakache, qui suggère la construction "de deux nouveaux foyers d’accueil, un pour la mise à l'abri, l'autre pour l'hébergement prolongé" au lieu de "vouloir régler la situation avec des bouts de ficelle". "C'est toute la politique d'accueil qui est à revoir. Cette mauvaise gestion et ses conséquences avalisent le fantasme d'une vague de migrants, d'une submersion d'exilés."

Près de 40 000 interpellations

Pour les autorités, la saturation du réseau d’accueil dans le département est due à l’augmentation des passages de migrants à la frontière en provenance d’Italie. "Depuis le début de l’année, plus de 3 800 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes, soit dix fois plus qu’en 2022 (386)", a déclaré Benoît Huber à Nice Matin.

Dans une interview donnée à BFM Côte d’Azur le 12 janvier, le préfet des Alpes-Maritimes Bernard Gonzalez déplorait lui aussi des "flux importants" et "des arrivées massives en Italie". En 2022, "près de 40 000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière" ont ainsi été menées à la frontière avec la France. Sur ces 40 000 personnes "on a en remis 33 000 aux Italiens", a-t-il ajouté.

Des chiffres conséquents, "destinés uniquement à servir la communication" des autorités, dénonce David Nakache auprès d’InfoMigrants. "Ces données sont là pour rassurer la droite et l’extrême-droite locales, qui dénoncent constamment un prétendu laxisme des autorités face à l’immigration irrégulière, et une frontière passoire."

 

Vintimille n'est qu'à une dizaine de kilomètres de Menton. À pieds, il faut compter environ deux heures et demi. Crédit : InfoMigrants
Vintimille n'est qu'à une dizaine de kilomètres de Menton. À pieds, il faut compter environ deux heures et demi. Crédit : InfoMigrants

 

D’après le président de Tous Citoyens, c’est même tout le contraire qui s’opère à cet endroit. Depuis 2015, la frontière entre l’Italie et la France est bel et bien fermée. D’abord pour cause d’état d’urgence après les attentats, puis à partir de 2020, pour raisons sanitaires. En novembre 2022, les contrôles ont été encore intensifiés après l’affaire de l’Ocean Viking, qui avait opposé Paris et Rome sur l’accueil du navire humanitaire. Quelque 500 agents supplémentaires avaient été envoyés sur plus d'une dizaine de points de passages terrestres avec l'Italie pour empêcher les migrants de traverser la frontière vers la France.

À la frontière, la police nationale et la gendarmerie, coordonnées par la PAF, sont déployées sur des points de passage autoroutiers, mais aussi dans les gares et les tronçons de montagne.

>> À (re)lire : La France a renforcé ses contrôles aux frontières avec l'Italie après l'affaire de l'Ocean Viking

D’après David Nakache, ces contrôles s’opèrent aussi sur le tronçon de route qui relie le poste-frontière à la ville de Nice, d’une longueur de 32 kilomètres. À cet endroit s'applique "une entrave permanente au droit d’asile", dénonce le militant. "Les exilés sont interpellés et ramenés manu militari côté italien. Ils ne peuvent donc pas matériellement faire une demande d’asile. Ce qui, au regard de la convention de Genève, est totalement illégal." Les migrants "sont donc ballotés entre l’Italie et la France", et tentent "quatre à cinq fois en moyenne de traverser la frontière" avant d’atteindre définitivement la Côte d’’Azur.

Une fois à Nice, il leur faut ensuite prendre une navette, et effectuer un trajet de 45 minutes pour arriver au Spada

 

de la ville géré par Forum Réfugiés, route de Canta Galet. C'est là, dans "cet endroit où il n'y a rien autour", et après un long périple, que les exilés peuvent déposer leur demande d'asile. "Ce n'est plus ni moins qu'une politique d'usure : à la frontière comme après, on cherche à décourager les migrants", dénonce David Nakache.

Mort électrocuté sur le train

David, un jeune Guinéen de 17 ans, a affirmé avoir été arrêté trois fois par la police française. "Je leur ai dit : ‘Je suis mineur pas majeur’. Mais ils m’ont dit : ‘Non, non’, et ils m’ont fait retourner en Italie", a-t-il raconté aux caméras de BFM Côte d’Azur. "Sur le refus (d’entrée) qu’ils m’ont donné [un document de la police qui stipule son arrestation, ndlr], il y a marqué 18 ans, puis 21 ans et puis encore 18 ans."

"Des pratiques habituelles" ces derniers mois, regrette David Nakache. "Les jeunes nous disent que des policiers écrivent de fausses dates de naissance pour qu’ils ne soient pas pris en charge ensuite. Certains déchirent même les papiers d’identité des exilés."

 

Des contrôles de police dans le TER qui relie Vintimille à Menton. Crédit : Picture alliance
Des contrôles de police dans le TER qui relie Vintimille à Menton. Crédit : Picture alliance

 

Ce déploiement policier, qui "permet de faire du chiffre", pousse par ailleurs les migrants à trouver d’autres moyens d’entrer en France. Pour ne pas se faire repérer, ils se cachent, quitte à y risquer leur vie. Le 9 janvier, un homme d’une trentaine d’années, "très vraisemblablement migrant", selon la préfecture, est mort électrocuté sur le toit d’un train dans la gare de Menton. Le TER, parti de Vintimille, en Italie, devait relier la ville de Nice.

Selon l’association Roya citoyenne, plus de 50 personnes, qui cherchaient "seulement une vie meilleure", ont péri "à cette frontière meurtrière".

Et aussi

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter