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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le Monde - Julia Pascual - 10/2/2023

Dans cette petite commune du Val-d’Oise, les habitants, avec l’appui du maire, ont fait fuir les occupants d’un bidonville. La préfecture condamne cette action et la justice est saisie.

 

La dernière fois qu’on avait parlé de Villeron dans les médias nationaux, c’était il y a douze ans. La petite commune du Val-d’Oise avait été « coupée du monde » trois jours durant à cause de chutes de neige. Si Villeron a vu de nouveau débarquer la presse, ces derniers jours, c’est pour raconter cette fois comment certains de ses habitants ont chassé, dimanche 5 février, les occupants d’un campement installé depuis l’automne 2022 dans le bois qui borde le village, non loin des ruines d’un château du XVIIIe siècle.

Une centaine de Roms avaient constitué un bidonville fait de cabanes en bois dans cette commune où Marine Le Pen est arrivée en tête de l’élection présidentielle et que dirige, depuis 2014, Dominique Kudla (sans étiquette). L’édile est aujourd’hui pointé du doigt pour avoir soutenu et accompagné le rassemblement qui a mené à l’expulsion et à la destruction du bidonville. « Le maire a pour mission d’être le garant de l’Etat de droit. Nous désapprouvons totalement et sans ambiguïté ce qui s’est passé », déclare le préfet Philippe Court. Une enquête a été ouverte pour préciser, notamment, « s’il y a eu ou non des violences aux personnes ainsi que des dégradations de biens », annonce le parquet de Pontoise.

Parallèlement, trois des anciens occupants du bidonville ont déposé une plainte le 7 février pour « violence commise en réunion ». D’après les procès-verbaux consultés par Le Monde, ils expliquent que le 5 février, environ 200 personnes ont manifesté devant le campement, dont une quarantaine ont invectivé ses occupants, leur ont jeté des bouteilles de verre et les ont fait fuir en laissant derrière eux la plupart de leurs effets personnels.

M. Kudla refuse désormais de parler à la presse. Il y a un an, dans le journal de l’agglomération de Roissy-Pays-de-France, ce retraité de 72 ans était décrit par « son franc-parler et son énergie ». Il disait avoir pour modèles Jean Jaurès et Louis Pasteur, et pour devise « rester droit dans ses bottes ». Il fait désormais profil bas. Dans la gazette de sa commune, il avait vilipendé « les dérives du nomadisme destructeur de la communauté rom » ou encore une « population sans foi ni loi », dont l’errance est encouragée par « l’Europe ». « Rien que d’évoquer leur nom, mes poils se hérissent », écrivait-il encore.

« C’est une commune qui accueille »

A Villeron, la mauvaise publicité faite à la ville dérange, mais l’édile garde ses soutiens. Une employée de la mairie, qui souhaite conserver son anonymat, estime que M. Kudla est « vraiment un bon maire », qui a porté la transformation de la commune, passée de 700 à 2 000 habitants en une poignée d’années.

Entourée de champs de pommes de terre, de betteraves sucrières, de blé ou de colza, Villeron est située à dix kilomètres de Roissy. Jouissant du rayonnement de la zone aéroportuaire et de l’arrivée prochaine et à proximité de lignes de tramway et de métro, des programmes immobiliers ont fleuri. « Il y a de l’accession à la propriété, mais aussi du logement social, poursuit la fonctionnaire. C’est une commune qui accueille. Il y a de tout. Il y a une mixité. » Les habitants du bidonville ? « Ils se promenaient avec des couteaux, pétaient la borne à incendie pour avoir de l’eau et chiaient dans la glacière du château. C’était devenu ingérable, assure-t-elle. C’est même pas du racisme, mais on ne peut pas laisser des gens dans un tel marasme. »

Lire l’archive (2012) : Aux côtés des Roms

Dans sa gazette, le maire dénonçait la lenteur de la justice, alors qu’une procédure d’expulsion avait été lancée. Persuadé qu’elle n’aboutirait pas rapidement, il disait à ses administrés : « On se paie littéralement notre tête. » De quoi les inciter à se faire justice eux-mêmes ? Sur Facebook, au sein du groupe « Tu sais que tu viens de Villeron quand », des habitants et autres internautes se sont mis à poster de plus en plus de photos du bidonville à partir de fin janvier. Ils y parlent du « saccage » du bois ou de la « barbarie » de ses « intrus ».

Concomitamment, une pétition est lancée sur le site Change.org – qui récoltera un millier de signatures – en faveur de l’« éviction du camp ». Des « habitants de Villeron » se présentent comme étant à son initiative. « Nous ne pouvons plus supporter leur Déchetterie à ciel ouvert, la dégradation de notre bois, les nuisances sonores et l’insécurité », justifient-ils.

« On n’a jamais eu de souci »

Le 29 janvier, un premier rassemblement de « mécontentement » est organisé. L’infirmière du village, qui fait partie des habitants les plus mobilisés, s’en souvient. Elle a gardé des vidéos sur son téléphone. Sur l’une d’elles, on entend un des occupants s’engager auprès des manifestants à quitter les lieux. L’ultimatum est fixé au 5 février. « Toute la semaine, on a fait des rondes pour montrer qu’on était là », rapporte-t-elle. Le jour venu, « il n’y a pas eu de violence, d’ailleurs il n’y a eu aucune interpellation », rappelle l’infirmière, alors qu’une trentaine de gendarmes étaient présents pour sécuriser le rassemblement.

Un Villeronais de 33 ans, également mobilisé contre le camp, appuie : « On n’a pas été violents. On voulait rentrer prendre des photos, soutient-il, sous le couvert de l’anonymat. Ils ont eu peur, ils sont partis. »

Tous deux s’affairaient, jeudi 9 février, avec quelques autres habitants, à nettoyer le site de l’ancien bidonville, aidés par une pelleteuse et un camion benne de 25 mètres cubes. Le terrain était encore jonché de résidus de câbles, de pare-chocs, de planches de bois, de bouteilles en verre, de pneus, de moquettes ou encore de matelas. Tout en se défendant d’être « des vilains antitziganes », un des bénévoles fustige « des gens qui sont sales », et dont certains se seraient « servis dans les jardins des gens ». « Je travaille à la RATP, on sait de quoi ils vivent », dit-il en évoquant des vols de touristes. La préfecture conteste pour sa part toute hausse de la délinquance constatée.

A Villeron, au-delà des personnes mobilisées, tous les discours ne sont pas radicaux, et parfois même compréhensifs. « On n’a jamais eu de souci, témoigne ainsi la boulangère du village. Ils nous achetaient du café et du pain et on leur donnait nos invendus. Même si la forêt a été détruite, ce sont des gens qui sont dans la misère. »

« L’expulsion illégale de ce bidonville à Villeron nous rappelle la persistance d’un antitziganisme très puissant en France et en Europe », ont dénoncé, dans un communiqué le 8 février, plusieurs associations, dont la Ligue des droits de l’homme et le Collectif national droits de l’homme Romeurope.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En France, de plus en plus de non-Européens dans les bidonvilles

Liliana Hristache, présidente de l’association Rom réussite, connaît depuis des années certaines des familles chassées de Villeron. « Elles ont été expulsées de plusieurs bidonvilles en 2022 et ont plusieurs fois été hébergées à l’hôtel, mais quelques jours seulement. »

Mugurel a 40 ans. Ce Rom roumain, père de cinq enfants, a passé la journée à construire des cabanes dans un nouveau bidonville. Il est découragé : « J’ai perdu deux voitures sur le terrain de Villeron, tous mes habits et ceux de mes enfants. J’ai aussi perdu une gazinière, une télé, un frigo et un lave-linge que je voulais envoyer en Roumanie », énumère-t-il. En France, comme chiffonnier ferrailleur, il peut gagner autour de 600 euros en un mois. Daniel, lui, a aussi laissé à Villeron tous ses outils de travail. Egalement en France depuis quinze ans, il a déjà connu des expulsions, « mais pas comme ça ». La vie en bidonville, « ce n’est pas un choix », rappelle cet homme. « On aimerait avoir un lieu stable, être soigné et lavé et que les enfants soient au chaud », appuie Mugurel. Sa femme Magdalena confie avoir eu peur « que ça dégénère en tragédie ». « C’est pour ça qu’on est parti. »

Selon les chiffres de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, plus de 11 000 ressortissants européens vivaient en bidonville en janvier.

 

 


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