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Source : Info Migranrs - Marlène Panara - 8/2/2023

Malgré les nombreux drames qui se jouent chaque année sur la route maritime menant des côtes algériennes à l'Espagne, celle-ci demeure "invisible", déplore Caminando Fronteras. Dans un rapport publié début février, après des mois d'enquête, l'ONG espagnole se propose de rétablir quelques vérités.

 

Mehdi, Youssouf, Farid, Ibrahim, Iskander, Tahar… Tous ont pris place, une nuit ou très tôt un matin, dans un petit zodiac à moteur, depuis la côte algérienne. La traversée pour l’Espagne, de l’autre côté de la mer Méditerranée, ne prend que quelques heures. Mais depuis leur départ, il y a plusieurs mois voire deux ou trois années, ces candidats à une vie meilleure en Europe n’ont plus jamais donné signe de vie. Leurs visages s’alignent désormais les uns derrière les autres sur la page du site de l’association espagnole Caminando Fronteras, dédiée aux disparus de la route vers l’Espagne.

 

Sur son site Internet, Caminando Fronteras répertorie les migrants disparus sur la route maritime qui mène à l'Espagne. Crédit : Caminando Fronteras
Sur son site Internet, Caminando Fronteras répertorie les migrants disparus sur la route maritime qui mène à l'Espagne. Crédit : Caminando Fronteras

 

Sur ce passage en Méditerranée, les drames se jouent tout au long de l’année : en 2022, au moins 464 personnes y sont mortes dans 43 naufrages, contre 191 en 2021. Et avec 1 583 morts entre 2018 et 2022, cette voie est même la deuxième voie migratoire vers l’Espagne la plus meurtrière de ces cinq dernières années, derrière celle des Canaries.

Malgré ce macabre décompte, cette route migratoire reste "invisible", déplore Caminando Fronteras dans son dernier rapport intitulé "Mur de l’indifférence, la route algérienne en Méditerranée occidentale". Surtout, elle n’est très souvent décrite que par le prisme d’une route pour "migrants économiques" dont les aspirations sont très mal connues. "En Espagne, on ne sait que très peu de choses sur l'Algérie. Et le peu que l’on connaît, ce sont des préjugés sur les personnes qui traversent la mer", indique le rapport. Basé sur des entretiens avec des familles de victimes, des exilés, des représentants d’administration et des travailleurs sociaux en Algérie, en Espagne et en France, le document rétablit quelques idées préconçues.

"Harga familiale"

D’abord sur le profil des candidats à l’exil. Sur cet itinéraire emprunté depuis des années, les "harragas" [littéralement "brûleurs de frontières"] sont majoritairement de jeunes hommes algériens âgés de moins de 30 ans. Mais "s’il est vrai que les hommes célibataires sont les plus représentés", les groupes de personnes qui prennent cette route sont en réalité "bien plus variés" : ces dernières années, les embarcations de fortune se remplissent, aussi, de familles entières. Une "harga [migration en français] familiale inédite", affirmait déjà en octobre 2021 à InfoMigrants Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), qui trouve racine dans la morosité économique plombant l’Algérie depuis 2014 et la chute du cours du pétrole.

Parmi ces familles fuyant chômage et en manque de perspectives économiques se massent aussi "beaucoup de mères célibataires", qui voyagent seules ou avec leurs enfants, écrit le rapport de Caminando Fronteras. Le 31 décembre 2021, c’est pour offrir une vie meilleure à ses deux enfants de 9 et 14 ans que Hizia, 39 ans, a pris la mer avec eux à Oran. "Elle ne travaillait pas. C’est difficile pour une femme divorcée avec deux enfants. Elle avait très peu de ressources alors avec la famille, on lui envoyait de l’argent, avait raconté sa sœur à InfoMigrants. Elle me disait souvent : ‘Je souffre, je n’ai rien. J’ai l’impression de vivre comme une esclave ici’. Mais jamais elle ne m'a dit qu’elle allait partir comme ça." Si le plus âgé des deux garçons a atteint l'Espagne, Hizia et son plus jeune fils n'ont jamais été retrouvés.

Parmi les autres causes qui poussent les femmes algériennes à prendre la mer figurent les violences sexistes, qui touchent toutes les catégories d’exilées, "des mineures aux mères divorcées". D’après l’ONG espagnole, "certaines présentent [à leur arrivée en Espagne] des cicatrices sur leur corps, et des séquelles psychologiques" qui s’expriment par "des peurs" et "des traumatismes".

>> À (re)lire : "Je le cherche 24 heures sur 24" : témoignage de Ryad, Algérien, dont le frère a disparu en mer

Le rapport constate aussi la présence régulière "d’adolescents qui voyagent seuls", et qui cherchent à rejoindre de la famille en Europe. "Pour beaucoup, en France", précise-t-on. "Je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucune solution pour moi en Algérie. J'avais étudié l'économie, mais avant de partir en mer je travaillais en tant que vendeur de fromage sur un marché, raconte un mineur algérien cité dans le rapport. Le gros problème, c'est qu’on fait des études, mais qu'il n'y a pas de travail et qu'il est impossible d'obtenir un visa […] Au fond, je ne voulais pas partir […] J'aurais aimé rester avec ma famille, car aujourd'hui la vie passe et je ne les vois pas."

Des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes non algériennes qui, après avoir transité par l’Algérie, prennent eux aussi la mer avec les harragas. Depuis fin 2021 en effet, "d'autres nationalités commencent à apparaître" dans les petits bateaux à moteur, à l’instar des ressortissants syriens, yéménites ou palestiniens. En 2022, des migrants originaires de pays d’Afrique de l’Ouest ont aussi été interceptés sur les plages du sud de l’Espagne, en provenance d’Algérie.

La route des Baléares plus empruntée

Ces exilés débarquent sur les côtes andalouses, mais "surtout sur les plages des îles Baléares". Et selon Caminando Fronteras, "l'année 2022 confirme la consolidation de cet itinéraire", qui débute le plus souvent dans la partie est de l’Algérie, depuis les villes d’Alger, de Tipaza, de Cherchell, de Béjaïa et de Jigel.

Désormais, les arrivées dans l’archipel ont lieu toute l’année. Entre le jour de Noël et le 28 décembre 2022 par exemple, 251 personnes sont arrivées aux Baléares. Un chiffre "important", avaient reconnu les autorités. Quelques mois plus tôt, pour la seule journée du samedi 10 septembre, 223 migrants avaient débarqué à Majorque, Formentera et Cabrera. Et la veille, 279 personnes, réparties sur 18 bateaux, avaient déjà débarqué dans l'archipel. "La plupart sont d'origine nord-africaine, mais il y a aussi quelques personnes originaires de pays subsahariens", avait alors indiqué la radio espagnole Cope.

En 2022, 2 637 personnes parties d’Algérie ont atteint les îles Baléares, contre 2 400 en 2021, 1 464 en 2020 et 507 en 2019.

"Les routes ne disparaissent pas, elles changent", expliquait il y a quelques mois Blanca Garcés, chercheuse en migration au Centre des affaires internationales de Barcelone (CIDOB), au journal Nius. "Il y a un effet clair de vases communicants : plus il y a de contrôles quelque part, plus il y a de départs depuis d'autres parties de l'Afrique."

 

Les routes maritimes à destination des îles Baléares débutent plus à l'est de l'Algérie. Crédit : Caminando Fronteras
Les routes maritimes à destination des îles Baléares débutent plus à l'est de l'Algérie. Crédit : Caminando Fronteras

 

Des moyens de secours "rarement activés"

Empruntées à plus large échelle depuis peu, la route qui mène vers l’archipel est, de fait, moins surveillée par les autorités. "Au cours de notre enquête, nous avons constaté que les moyens [de secours] nécessaires sont rarement activés pour répondre aux alertes dans la zone", regrette Caminando Fronteras, qui ajoute qu’en comparaison, "dans l'Atlantique, il existe des protocoles de recherche plus actifs". Un manque de moyens en mer qui rend cette route "plus dangereuse" pour les migrants, et "rend invisibles les décès" à cet endroit.

Le 9 juin 2022, trois personnes sont mortes au large de l’île de Formentura. Ce jour-là, les secours étaient déjà en intervention sur un autre sauvetage lorsque vers 12h30, ils ont aperçu un bateau sans moteur, sur le point de chavirer. Ils se sont alors dirigés vers lui mais, à leur arrivée, une personne gisait déjà dans l'embarcation. Deux autres, décédées pendant le voyage, avaient été jetées à l’eau, d’après les cinq autres passagers.

Un mois plus tôt, 19 personnes ont perdu la vie en quelques jours dans le naufrage de deux bateaux à moteur. Une des deux embarcations faisait route vers les îles Baléares. Des femmes et des enfants, disparus dans les naufrages, n’ont à ce jour toujours pas été retrouvés.

 

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