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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Julia Pascual - 24/02/2023

A la boulangerie, à l’Ehpad, dans les supermarchés, à l’usine… Les employeurs ont sollicité depuis leur arrivée les réfugiés qui ont fui la guerre pour pallier des difficultés de recrutement, majoritairement sur des postes peu qualifiés. Mais la non-maîtrise de la langue et le manque de logement restent des obstacles à leur quête d’autonomie.

« Cette année-là, on avait beaucoup de mal à recruter des saisonniers au service espaces verts et propreté » ; « Nos employés démissionnaient pour aller travailler dans les stations de ski » ; « Ça faisait plus d’un an qu’on cherchait un pâtissier » ; « On n’arrive pas à cédéiser nos intérimaires »… Partout, le même constat. A la mairie, au supermarché, à la boulangerie, à l’usine. A Thônes (Haute-Savoie), capitale du reblochon, située à quelques kilomètres d’Annecy, proche de la Suisse et passage obligé vers les stations de ski de La Clusaz et du Grand-Bornand, les pénuries de main-d’œuvre sont légion.

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Volodymyr Arutiunian, 35 ans, est logé avec sa famille à La Présente, un centre d’hébergement de la Croix-Rouge qui accueille des Ukrainiens. Sans emploi, il était menuisier en Ukraine en banlieue de Kiev. A Thônes (Haute-Savoie), le 21 février 2023.

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Dans les couloirs de La Présente, un centre d’hébergement de la Croix-Rouge qui accueille des réfugiés ukrainiens, à Thônes (Haute-Savoie), le 20 février 2023.

« On est dans une région très attractive où le taux de chômage a toujours été inférieur aux moyennes nationales et la volatilité de l’emploi importante », explique Laurence Tible, directrice des ressources humaines du fabricant de cuisines et de salles de bains Fournier, qui produit notamment les marques Mobalpa, et qui a son siège social et son principal site de production à l’entrée de la ville.

Quand, en avril 2022, la Croix-Rouge a ouvert, dans la commune de 7 000 habitants, le plus gros centre d’hébergement du département pour réfugiés ukrainiens, les acteurs locaux se sont vite tournés vers ses bénéficiaires. Pierre Levigneron, directeur adjoint de l’établissement, se souvient que des entreprises appelaient directement le site pour se renseigner. « Il y a beaucoup de demandes sur des postes peu qualifiés », observe-t-il. Sur les 133 personnes hébergées aujourd’hui par la Croix-Rouge, dans un ancien Ehpad, la structure compte quatre-vingt-dix adultes. Parmi la cinquantaine en âge de travailler, les deux tiers sont en emploi. « Souvent, ceux qui ne travaillent pas sont des femmes qui ont des problèmes de garde d’enfants », souligne Noémie Dufournet, de la Croix-Rouge.

« La seule difficulté, c’est la langue »

Certains ont été recrutés dans l’industrie. « Les postes de manutention en deux-huit sont difficiles à pourvoir », précise Laurence Tible, du groupe Fournier. Depuis novembre 2022, cinq Ukrainiens travaillent en intérim comme agents de quai ayant pour mission l’organisation du chargement des semi-remorques, à l’image d’Oleksandr Cherniakov, 18 ans, qui était entraîneur de boxe thaïe et charpentier dans la région de Kharkiv avant de se réfugier en France

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Oleksandr Cherniakov, 18 ans, est en CDI au sein du groupe Fournier, fabricant de cuisine. Il était champion et entraîneur de boxe thaïe en Ukraine. A Thônes (Haute-Savoie), le 21 février 2023.

« C’est un travail physique où on soulève 19 tonnes par jour et on marche 14 kilomètres », explique Xavier Redon, son chef d’équipe, content d’avoir pu intégrer des réfugiés dans ses effectifs – y compris deux Afghans et un Algérien. « L’adaptation n’a pas été simple parce qu’il y a un rendement à donner, mais on a réussi à traduire le dossier sécurité avec le logiciel Deepl, ils ont fait énormément d’efforts en français et puis j’ai une équipe bien soudée », souligne-t-il. La direction, elle, se dit déterminée à proposer des embauches durables à tous.

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Au magasin Lidl de Thônes, quatre Ukrainiennes ont déjà signé des CDI. Chargées de la mise en rayon, de l’encaissement et du nettoyage, « elles sont très consciencieuses. La seule difficulté qu’on a, c’est la langue. On utilise Google Traduction », rapporte Emilie Longo, la responsable de magasin, âgée de 25 ans. Dans les rayons de l’enseigne, Tatiana Prodskaïa renfloue les étals de fruits et légumes. Pour cette Ukrainienne de 53 ans, originaire de Marioupol, travailler était une nécessité. C’est la raison pour laquelle elle a dû renoncer aux cours de français qu’une bénévole dispensait dans le centre de la Croix-Rouge jusqu’au début de l’année.

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Tatiana Prodskaïa, 53 ans, est employée en CDD dans un magasin Lidl, à Thônes (Haute-Savoie), le 21 février 2023.

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Serhii Korniychuk (au centre), travaille pour l'entretien des espaces verts dans un chantier d'insertion, à Thônes (Haute-Savoie), le 21 février 2023.

Au chantier d’insertion Aravis Lac, de la communauté de communes des vallées de Thônes, on reconnaît que les priorités sont difficiles à conjuguer. « Le problème des cours de langue, notamment ceux dispensés à Annecy par l’OFII [Office français d’immigration et d’intégration], c’est que ça dure trois mois et, à cause des horaires, ça les empêche de venir travailler. Or, ils souhaitent avoir un emploi durable pour être autonomes », témoigne Céline Matcharadzé, accompagnatrice socioprofessionnelle de la structure. Quatre Ukrainiens y sont en contrat d’insertion. Parmi eux, Dmytro Deykun, 69 ans, se remet à la soudure, Serhii Korniychuk, 66 ans, dégage des chemins de randonnée pédestre, tandis que Juliia Demchenko, 38 ans, rénove le bureau d’une secrétaire de mairie.

« J’aimerais retrouver mon statut »

Tetiana et Anton Hubarenko, 39 ans et 41 ans, se verraient bien s’installer durablement à Thônes, avec leurs enfants. Respectivement professeurs de danse et de sport en Ukraine, Tetiana enchaîne depuis septembre les CDD à l’Ehpad de la commune, tandis que son mari embauche à 3 heures à la boulangerie des Aravis, la plus grosse de la ville, pour préparer les pétrins. Comme il se débrouille bien, le boulanger lui laisse aussi façonner les pâtes des flûtes et des baguettes. « Ce sont des bosseurs, souligne Yannick Rossetti, responsable en pâtisserie. Je préfère ça que des gens qui vivent sur le dos de la société. »

« Ils ont toujours le sourire malgré ce qui se passe dans leur pays. Ça remet en place nos salariés, ça fait du bien à tout le monde », considère, à son tour, Sylvie Bonnet, la patronne de l’hôtel-restaurant L’Hermitage, qui embauche actuellement deux Ukrainiennes. Parmi elles, Iryna Korniychuk, 43 ans. Aujourd’hui commis de cuisine en CDD et en horaires décalés, elle était manager dans une entreprise d’implants intraoculaires en Ukraine. « J’aimerais retrouver mon statut », confie-t-elle.

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Tetiana Hubarenko, elle aussi, préférerait travailler dans une crèche ou une école, au contact des enfants, plutôt qu’à l’Ehpad : « Tant que je ne parle pas français, ce n’est pas possible », pense-t-elle. De même qu’elle et son mari aimeraient se loger en dehors du centre de la Croix-Rouge, où ils partagent une chambre avec leurs trois – et bientôt quatre – enfants. « Mais mon CDD se termine fin mars et, comme je suis enceinte, je ne sais pas quand je vais travailler à nouveau. »

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Tetiana Hubarenko, 39 ans, était professeure de danse à Dnipro en Ukraine. Elle travaille aujourd'hui dans un Ehpad. A Thônes (Haute-Savoie), le 20 février 2023.

Marché locatif tendu

A Thônes, le marché locatif est tendu – Annecy est l’une des villes les plus chères de France. « C’est un vrai souci. On a 300 demandes en attente pour un parc d’environ 300 logements sociaux », explique Michelle Favre d’Anne, adjointe au maire (divers droite) de la commune, chargée des affaires sociales.

« Le gros défi en 2023, c’est l’autonomisation des personnes, souligne, à son tour, Pierre Levigneron. Seules quatre familles ont, pour l’instant, quitté le centre pour intégrer un logement dans le département. » Parmi elles, les Zinchenko. La famille, originaire du Louhansk, loue un appartement depuis le 1er février à une conseillère municipale de Thônes et professeure à la retraite, Christine Ruffon. Cette dernière y voit une forme de « solidarité ». « Ici, il y a beaucoup de locations saisonnières, dit-elle. Et ça aurait été très facile de louer à d’autres, tant on est sollicités. Mais ça a été un choix de mon mari et moi. On a voulu leur donner un coup de main. »

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Tatiyana et son mari Roman, parents de quatre enfants, étaient exploitants céréaliers en Ukraine. Ils ont tout perdu. En France, elle fait des ménages. Lui travaille dans le tri des déchets pour la communauté de communes. Leur fille aînée est partie étudier le français à Toulouse ; leur fils, Kyrylo, et sa petite amie, Kseniia, travaillent, eux, à Carrefour Market, tout en poursuivant leurs études universitaires à distance, en finances et en management. La petite dernière, Kamilla, a intégré l’école maternelle de Thônes. Dès qu’on l’interroge sur d’éventuels projets, Tatiyana pleure : « Nous ne construisons pas de plan à long terme, car nous ne savons pas ce qui se passera demain. »

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 Juliia Demchenko travaille dans le bâtiment dans un chantier d'insertion, à Thônes (Haute-Savoie), le 21 février 2023.

 


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