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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : InfoMigrants - Julia Dumont Bahar Makooi Charlotte Oberti - 24/02/2023

Au moment de l'invasion russe en Ukraine, nombre d'étudiants étrangers, et notamment africains, se sont rabattus sur la France pour poursuivre leurs études dans un contexte sûr. Mais un an plus tard, certains sont partis, découragés par les difficultés administratives pour obtenir un titre de séjour étudiant et l'impossibilité de s'inscrire dans des universités. Une sentiment de désillusion partagé par ceux qui ont pu mettre leur statut en règle.

Lorsque Firuzeh (le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée) est arrivée en France après avoir quitté l'Ukraine en mars 2022, elle n'en a pas cru ses yeux. Après avoir été hébergée dans un premier temps dans un centre d'accueil d'urgence dans le sud de Paris, cette étudiante iranienne qui fuyait les bombardements sur Kiev s'est retrouvée dans un hôtel quatre étoiles près de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le Zenitude Relais & Spa. Piscine, chambres confortables, généreux chèques pour les dépenses alimentaires… Firuzeh, âgée alors de 32 ans, est choyée, au même titre que d'autres femmes autour d'elle, toutes ukrainiennes. "C'était super", se souvient-elle.

À l'époque, Firuzeh est vue par les autorités françaises comme une victime de la guerre qui vient d'éclater après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022. Mais au bout d'un mois, la Croix Rouge demande à la rencontrer. "On m'a dit que je ne remplissais pas les critères pour bénéficier du statut de protection [temporaire] et qu'il fallait que je me débrouille autrement", raconte l'Iranienne, qui partage désormais une chambre de 7m² dans un appartement en Normandie avec une autre personne.

>> À (re)lire : France : les étrangers venant d'Ukraine ne pourront pas obtenir la même protection que les Ukrainiens

Dès le mois de mars 2022, une protection temporaire inédite a été accordée en France (comme partout en Europe) aux Ukrainiens fuyant leur pays. Elle offre des aides au logement, des allocations mensuelles, un accès immédiat au marché du travail, aux services de santé, et à la scolarisation pour les déplacés ukrainiens (considérés comme "réfugiés"). La directive du 4 mars 2022, qui établit cette mesure, comprenait également un volet sur "les ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine", stipulant leur prise en charge s'ils pouvaient prouver "qu’ils résidaient légalement en Ukraine avant le 24 février 2022, sur la base d’un permis de séjour permanent en cours de validité délivré conformément au droit ukrainien". Une manière de prendre en compte, entre autres, les quelque 70 000 étudiants étrangers, et notamment africains, présents en Ukraine lors de l'éclatement du conflit. Avant la guerre, le pays était prisé pour ses coûts universitaires attractifs et sa souplesse en termes d'octroi de visas.

Dédale administratif

Mais, dans les faits, la distinction entre ces deux catégories de personnes a eu pour conséquence une différence de traitements qui n'a échappé à personne. "On a déroulé le tapis rouge aux Ukrainiens, mais pas aux étudiants étrangers", observe Abdelaziz Moundé, président de la Maison des Camerounais de France, association d'aide et de solidarité pour cette communauté africaine. Comme Firuzeh, des centaines d'étudiants arrivés en France ont été mis à l'écart du système de protection et ont dû entamer des démarches en préfecture pour régulariser leur situation par eux-mêmes et obtenir une Autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée d'un ou plusieurs mois.

 

Avant l'invasion russe, l'Ukraine comptait quelque 70 000 étudiants étrangers. Crédit : Attila Kisbenedek/Getty Images
Avant l'invasion russe, l'Ukraine comptait quelque 70 000 étudiants étrangers. Crédit : Attila Kisbenedek/Getty Images

 

En parallèle de l'obtention de l'APS, ces étudiants devaient justifier d'une inscription dans un établissement d'enseignement supérieur ukrainien à présenter à l'établissement français dans lequel ils souhaitaient poursuivre leurs études. Une fois inscrits dans un cursus, ils devaient faire des démarches auprès des autorités dans le but d'obtenir un titre de séjour étudiant (en France, il n'est pas nécessaire d'être régularisé pour s'inscrire dans un cursus d'études supérieures car les établissements ne demandent pas de preuve de séjour légal). Outre l'APS et l'inscription en fac ou autre école, un étudiant devait également justifier de ressources d'au moins 615 euros par mois, via notamment le recours à un garant, et d'un hébergement.

Un dédale administratif parfois difficile à comprendre pour des personnes perdues, qui viennent de fuir une zone de guerre. "En France, au début, je ne comprenais rien au système, j'étais déboussolée. La nuit, je pleurais tout le temps", explique Brucie Oma Atsan, une Camerounaise de 25 ans, ancienne habitante de Kiev, accueillie en urgence chez un cousin en 2022, en région parisienne.

De ces démarches tortueuses, Brucie tire une conclusion : elle n'est pas la bienvenue en France. Quelques mois après le début du conflit, les Obligations de quitter le territoire français (OQTF), première notification avant expulsion, tombent sur certains étudiants étrangers ne s'étant pas mis en règle. La jeune femme s'isole et devient méfiante. "Je restais à la maison. Je sortais uniquement pour aller faire le marché qui est tout proche. J'avais peur qu'on m'arrête."

"Lueur d'espoir"

C'est Abdelaziz Moundé qui est venu en aide à Brucie, comme à quelque 480 autres personnes via la Maison des Camerounais (qui, outre les ressortissants du Cameroun, accompagne Ivoiriens, Congolais, Sénégalais, Guinéens, Algériens, Marocains...). Il monte au créneau pour réclamer des autorités une meilleure prise en compte de ces cas particuliers.

Le 4 juillet, un moratoire sur les OQTF visant ces étudiants est adopté, jusqu'à la rentrée scolaire de 2022. L'État promet de ne pas en délivrer pendant cette période. "Cette dernière année, il a fallu se battre mais on a eu une lueur d'espoir", se souvient Abdelaziz Moundé. À ce moment-là, Brucie respire mieux et ose se rendre en préfecture. Elle s'inscrit dans la première formation qui veut bien d'elle, même si elle ne correspond pas à son précédent cursus, ni à ses ambitions de travailler dans le paramédical. Elle se retrouve étudiante en LEMA (Lettres, Édition, Médias, Audiovisuel) dans la faculté des lettres de Sorbonne Université, à Paris. Son APS ayant expiré juste avant la rentrée, Brucie commence les cours en tant que clandestine sur le sol français. "J'avais toujours mon APS dans la poche, même si elle était périmée, au cas où", dit-elle. En décembre, la jeune femme obtient un titre de séjour.

Mais les étudiants dans son cas sont une minorité. Sur les 480 personnes passées ces 12 derniers mois par la Maison des Camerounais, 225 ont jeté l'éponge et quitté la France. Elles sont allées au Portugal, en Espagne ou encore en Allemagne, pays qui ont fait le choix - dans un premier temps, du moins - d'accueillir toutes les personnes fuyant l'Ukraine, sans distinctions. Sur les 255 personnes restées en France, 102 seulement ont été régularisées, affirme Abdelaziz Moundé. Pour beaucoup à la fin de l'année 2022 ou début 2023, après des mois d'inquiétudes. Interrogé par InfoMigrants sur le nombre de titres de séjour donnés aux étudiants étrangers déplacés d'Ukraine, le ministère de l'Intérieur a déclaré qu'aucune donnée ne serait rendue publique à ce sujet.

>> À (re)lire : Allemagne : expiration de la protection pour de nombreux étrangers ayant fui l’Ukraine, "la fin de beaucoup d’espoirs"

Pour Pierre Henry, président de France Fraternités, association financée par l'État dans certaines régions pour l'accueil des réfugiés, il y a eu, en tout et pour tout, 200 titres de séjour étudiants délivrés. "C’est regrettable parce qu'en tout, le nombre d’étudiants étrangers qui se trouvaient dans une situation sérieuse, avec des études engagées, c’était moins de 500 personnes", assure-t-il. "C’est vraiment kafkaïen. Et les délivrances d'OQTF ne fonctionneront pas dans la majorité des cas car ces jeunes ne vont pas abandonner leurs rêves et leurs projets comme ça", dit-il, dénonçant une "mesure discriminatoire absurde".

"J'ai juste besoin d'étudier"

Sanogo Beh, Ivoirien de 28 ans, fait partie de ceux qui sont officiellement expulsables de France. Il a reçu son OQTF en décembre, quelques jours après s'être inscrit dans une université privée à Neuilly-sur-Seine. Trop tard. Ses démarches en préfecture n'ont pas eu le temps d'aboutir.

 

Un étudiant guinéen dans la gare de Lviv en Ukraine, fin février 2022, après avoir fui la ville de Kharkiv. Crédit : Mehdi Chebil
Un étudiant guinéen dans la gare de Lviv en Ukraine, fin février 2022, après avoir fui la ville de Kharkiv. Crédit : Mehdi Chebil

 

Pendant des mois, pourtant, il assure avoir cherché un établissement où continuer à apprendre l'électrotechnique, qu'il a étudié pendant près de trois ans en Ukraine, après une année passée à apprendre l'ukrainien. Il lui restait une année scolaire à compléter avant d'obtenir son diplôme quand la guerre a éclaté. En France, il est longtemps resté pendu au téléphone. "Les universités me disaient : 'On ne prend pas d'étudiants actuellement', ou alors 'On ne fait pas la formation que vous cherchez', explique Sanogo Beh. J'envoyais aussi des mails auxquels je n'avais jamais de réponse." Selon Abdelaziz Mounde, les principaux freins aux inscriptions en universités sont les critères propres à chacune d'elles, le nombre de places limitées, et les pièces manquantes dans les dossiers des étudiants.

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Malgré son statut, Sanogo Beh est encore hébergé par Coallia, une organisation mandatée par l'État, à Alençon, en Normandie. "Ça va bientôt faire un an que je suis en France et je suis si frustré par ma situation, témoigne-t-il. Je ne suis pas là pour les aides, comme on peut l'entendre. Je peux m'en sortir par moi même, je suis un battant. J'ai juste besoin d'étudier."

Firuzeh non plus n'a pas renoncé à son rêve de poursuivre ses études en France. Mais après avoir été délogée de l'hôtel quatre étoiles près de Paris, la jeune femme a été mal conseillée par une préfecture qui lui a donné deux options : quitter la France ou demander l'asile, sans évoquer l'option du titre de séjour étudiant. Firuzeh a donc déposé sa demande d'asile au printemps, a passé un entretien en juin, a été recalée en décembre. Elle a fait appel de cette décision. En parallèle de cette procédure et malgré sa situation irrégulière, elle suit des cours dans le cadre de ses études en dentaire, sans savoir de quoi demain sera fait.

Cette situation lui a fait perdre pied. En janvier, Firuzeh a été hospitalisée pendant 10 jours en psychiatrie. On lui a diagnostiqué une dépression, dit-elle. Pour aller mieux, l'Iranienne aurait besoin d'un endroit où se sentir en sécurité. Mais nulle part elle n'a trouvé du répit : "Mon pays est sans dessus dessous, ma vie en Ukraine a disparu, et la France me rejette."

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