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Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Nejma Brahim- 06/04/2023

Elle survit comme elle peut grâce à l’entraide et à l’acharnement de son assistante sociale, qui lui a permis d’obtenir l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Mais elle refuse de voir les femmes et les hommes immigrés « trimer jusqu’au cimetière », estimant qu’ils sont les « grands oubliés » de la réforme des retraites.

Elle avance d’un pas lent mais sûr et s’échine à répéter que « ça va ». Mariama, 66 ans, trimballe une vie de labeur derrière elle : elle a fait tous les métiers ou presque, de couturière à femme de ménage, en passant par nounou, masseuse ou encore animatrice en Ehpad. Mais le poste qui l’a brisée est celui d’aide à domicile, un métier qui lui correspondait et qu’elle aimait pourtant.

« Même chez moi, je ne tiens pas en place. J’aime m’occuper des gens, cuisiner, entretenir la maison », sourit-elle lorsque nous la rencontrons mardi 4 avril à l’occasion d’une réunion organisée par le « réseau pour la grève générale », dans le cadre de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites.

« On oublie trop souvent les étrangers et les sans-papiers quand on parle de cette réforme, poursuit Mariama. Mais la retraite, ça nous concerne aussi, tôt ou tard, qu’on ait des papiers ou pas. » Cette Sénégalaise, mère de six enfants dont cinq sont « au pays », en sait quelque chose.

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Mariama porte encore les traces de la maladie professionnelle qu'elle a développée au niveau de ses mains. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

Lorsqu’elle se décide à prendre sa retraite, en 2022, elle n’imagine pas un instant la somme qui va lui être proposée en guise de pension : 83 euros et des poussières, pour un peu plus de dix ans de travail déclaré. « J’ai reçu le courrier, je n’arrivais pas à y croire. Mon premier réflexe a été de leur dire de se les garder, les 83 euros », peste-t-elle, avant de se décider à aller voir une assistante sociale.

Huit années de travail non déclarées

La retraitée sénégalaise, qui renouvelle tous les deux ans son titre de séjour « vie privée et familiale » sans avoir encore pu demander une carte de résident de dix ans, est consciente d’avoir perdu huit années de travail non déclarées, alors qu’elle était encore sans papiers à Paris. Mais qu’ont-ils fait des années 2011 et 2012 par exemple, qui ont, selon elle, disparu des comptes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse ?

Arrivée en France en 2002 pour soigner un fibrome, après que son mari parti pour la France l’a abandonnée avec ses enfants au Sénégal, Mariama finit par rester. À 47 ans, elle est d’abord hébergée par sa mère, une guérisseuse reconnue au sein de la communauté.

« J’ai ensuite rencontré mon compagnon avec qui j’ai vécu 17 ans. Lui était en règle, mais je ne voulais pas être régularisée par l’intermédiaire de quelqu’un, être dépendante de ça. » Elle rejoint, dès 2006, la Coordination des sans-papiers de Paris (CSP75). Puis occupe, aux côtés de plusieurs milliers de personnes exilées, un bâtiment vide de la Caisse primaire d’assurance maladie, situé rue Baudelique, dans le XVIIIe arrondissement de Paris.

Ils le baptisent « ministère de la régularisation des sans-papiers » et luttent auprès des autorités pour obtenir gain de cause. Le collectif finit par obtenir 300 convocations à la préfecture : « Il restait une dernière place, Anzoumane Sissoko [aujourd’hui porte-parole de la CSP75 – ndlr] a voté pour moi. »

Régularisée, elle fait le choix de quitter son poste de vendeuse dans un magasin commercialisant des produits africains. « J’ai travaillé là-bas pendant quatre ans sans être déclarée. Je ne pouvais pas rester comme ça, surtout après voir eu mes papiers. » Après deux intérims, elle décroche un CDI en décembre 2016 en tant qu’aide-soignante à domicile. Elle travaille « dur », décrivant un métier pénible, jusqu’au jour de l’« accident ».

Ça a été tellement compliqué jusqu’à la retraite, j’en ai bavé.
Mariama, aide à domicile à la retraite et ancienne sans-papiers

« J’ai mis des gants pour faire le ménage que j’ai gardés quatre heures. Le soir en rentrant chez moi, j’avais les mains en feu. Ça me démangeait tellement que je grattais avec un couteau. Puis ça me brûlait, j’avais la chair à vif. »

Mariama ouvre ses mains et laisse entrevoir les cicatrices sur ses paumes. Elle dit avoir continué de travailler durant plusieurs années, malgré ses blessures qu’elle ne s’explique toujours pas, avant de se décider à consulter la médecine du travail. « Quand le médecin m’a vue, elle m’a engueulée. Elle m’a fait faire un test pour voir si je pouvais écrire, je n’arrivais même pas à tenir un stylo Bic correctement. Il y avait des traces de sang sur la feuille blanche. » En arrêt maladie, elle n’est payée que six mois sur un an, malgré un loyer et des courses à payer.

La « débrouille »

Elle ignore comment réclamer son dû, ne sait pas quels documents fournir. Son problème aux mains est reconnu comme maladie professionnelle mais elle ne perçoit pas les indemnités correspondantes. « Si tu relèves un truc qui ne va pas, on te sort autre chose pour te retirer des droits. Mieux vaut ne pas trop creuser pour s’éviter des problèmes, vu qu’on nous considère comme des étrangers. » Et d’ajouter : « Ça a été tellement compliqué jusqu’à la retraite, j’en ai bavé. »

Mariama ne supporte pas l’idée de dépendre des autres. Elle refuse que sa fille, qui habite en région parisienne, l’aide financièrement : elle a elle-même un loyer à payer et un fils à nourrir. C’est une amie de la CSP75, où Mariama poursuit son engagement en faveur des droits des sans-papiers, qui alerte sur sa situation. « Je lui en ai voulu. Mais il y a beaucoup d’entraide au sein du collectif. Il y a une caisse de solidarité, des paniers alimentaires ou des repas distribués chaque vendredi… »

L’assistance sociale qu’elle consulte bataille pour lui obtenir l’allocation de solidarité aux personnes âgées. « Avec les 83 euros de la retraite, j’atteins environ 790 euros. Je me débrouille. »

Entre-temps, à l’été 2022, son conjoint décède brutalement. Elle doit déménager et quitter le logement social qu’ils occupaient, pour trouver un studio dans un parc social du XIXe arrondissement de Paris. Elle paie une partie de son loyer, d’un montant de 600 euros, avec l’aide personnalisée au logement (APL) et une aide de la Ville de Paris. « Le reste, je me débrouille, certains de mes amis me prêtent un peu d’argent. »

Elle a aussi pris l’habitude de ne faire que deux repas par jour en sautant le déjeuner. « Ça me va bien comme ça, dit-elle avec fierté. Déjà, quand je travaillais, je n’avais pas le temps de manger à midi, car je devais faire plusieurs maisons par jour. » Aujourd’hui, son assistante sociale tente de faire reconnaître les années de travail post-régularisation.

Elle devrait aussi l’aider à atteindre un peu plus de 1 000 euros par mois grâce à d’autres aides complémentaires. Le pire, ajoute-t-elle, « c’est qu’on m’a aussi demandé, au moment de la retraite, si je voulais rester ici ou rentrer au pays. C’est ça qui m’a poussée à aller manifester ». La vie et la lutte continuent. Les manifestations permettent aux personnes immigrées d’« arracher » leurs droits, après des décennies de présence en France sans être reconnues. « On a trop souvent l’impression d’être les grands oubliés. Même si on crie, personne ne nous entend. »

Impossible, conclut Mariama, de travailler pendant 43 ans quand on a été régularisé à l’âge de 30 ou 40 ans. « Ils veulent nous faire trimer jusqu’au cimetière. C’est une réforme injuste pour tout le monde. Pour les femmes, les hommes, et les étrangers. »

 


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