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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Julia Pascual - 28/04/2023

Le gouvernement a promis la destruction de 1 000 maisons en tôle en deux mois, mais les opérations se heurtent à l’absence de solutions de relogement adaptées.

A Grande Comore, Zainaba Abdou ne vivait pas dans une maison en tôle. Mais, employée dans un petit restaurant, elle arrivait péniblement à réunir 50 euros par mois. Alors en 2016, à l’âge de 21 ans, elle a rejoint Mayotte et la commune de Chirongui, au sud de l’île de Grande-Terre. Là-bas, elle a pu multiplier par quatre son salaire comme femme de ménage chez des particuliers. Mais dans le 101e département français, où 40 % des habitations sont indignes, elle a aussi rejoint une maison en tôle.

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Zainaba Abdou a été expulsée de son habitat en taule de Mramadoudou, situé sur la commune de Chirongui, en 2021. Elle montre l’endroit où se situait sa maison avant sa destruction. A Mayotte, le 26 avril 2023.

Aujourd’hui, le bidonville du quartier de Mramadoudou, où elle vivait, a été rasé et recouvert par des plantations de manioc. Fin novembre 2021, Zainaba Abdou, son fils et la nièce qu’elle élève – aujourd’hui âgés de 6 et 4 ans – ont été expulsés, comme tous les autres occupants, au cours d’un des « décasages » dont l’Etat revendique aujourd’hui la montée en puissance. Dans le cadre de l’opération « Wuambushu », le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé que « 1 000 bangas [maisons de tôle] » seraient détruits « dans les deux mois », contre près de 500 sur toute l’année 2022 et 1 650 en 2021.

Une promesse qui suscite l’inquiétude des habitants de ces bidonvilles ainsi que des nombreuses associations qui les défendent. Leur crainte : que des solutions de relogement adaptées ne suivent pas. Le 27 février, le tribunal administratif de Mayotte a d’ailleurs suspendu la destruction des maisons de vingt familles du bidonville de Talus 2, dans la commune de Koungou, faute d’offres concrètes – ce qui a ensuite amené le tribunal judiciaire à suspendre l’opération dans sa globalité la veille de son lancement, le 25 avril. Jeudi 27 avril, une nouvelle requête, portée par dix-neuf autres familles de Talus 2 – des Comoriens et des Français –, devait être examinée par le tribunal administratif de Mayotte.

 

Ces procédures montrent les limites de la politique de lutte contre l’habitat insalubre à Mayotte. Fin 2021, Zainaba Abdou s’était vu proposer un relogement pour six mois, à Kangani, à une quarantaine de kilomètres de chez elle, au nord de Grande-Terre. « Je n’avais pas d’autre choix [que d’accepter], dit-elle. Je ne peux pas finir à la rue»

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Le bidonville de Talus 2, sur la commune de Koungou, à Mayotte, le 26 avril 2023.

Les difficultés sont vite apparues. Dans un département où il manque 850 classes supplémentaires en primaire (d’après un rapport de la Cour des comptes de juin 2022), il n’y avait pas de place à l’école de Kangani pour le fils de Zainaba Abdou. Pour ne pas le déscolariser, elle s’est mise à faire des allers-retours entre Chirongui et Kangani. « Je venais la semaine et je dormais à droite, à gauche. Parfois, je confiais mon fils à un ami et le vendredi, je le récupérais. Mais le trajet me coûtait 16 euros par semaine. » Et, en dehors d’une aide alimentaire mensuelle de 75 euros, la jeune femme, qui avait perdu son emploi de femme de ménage, ne percevait plus de ressources.

« Cet habitat est dangereux »

Titulaire d’un titre de séjour d’un an, qu’elle renouvelle depuis plusieurs années, Zainaba Abdou n’est pas non plus éligible au logement social, pas plus qu’aux minima sociaux. A Mayotte, le revenu de solidarité active (RSA) n’est pas accessible à la population étrangère régularisée depuis moins de quinze ans. En février, Zainaba Abdou est donc retournée à Mramadoudou. Et, de nouveau, elle loue une maison de tôle pour 50 euros par mois.

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Des familles discutent dans le bidonville de Talus 2, sur la commune de Koungou, à Mayotte, le 26 avril 2023.

Soifia Ibrahim, qui vit dans le bidonville de Talus 2, s’est vu elle aussi proposer un relogement pour six mois, cette fois à Tsimkoura, tout au sud-ouest de l’île de Grande-Terre. Mais cette Comorienne de 45 ans n’a pas voulu sacrifier, outre ses meubles et équipements, la vie qu’elle s’est bâtie à Mamoudzou, en acceptant de partir vivre à 40 kilomètres : elle a une place au marché de la ville pour vendre des fruits et légumes, et son fils Abdoul-Fattah – qui a la nationalité française – est scolarisé au collège en 4e. « J’ai 13,75 [de moyenne], dit-il crânement. Et je compte redoubler d’efforts pour m’améliorer. » Ses trois frères et sœurs ont déjà rejoint la métropole, l’un pour passer son bac à Marseille, un autre pour intégrer l’armée de terre, tandis que l’aînée suit un master de lettres modernes à Nîmes. Sur le sol de terre, à l’entrée de la maison de tôle, traîne encore un exemplaire d’un ouvrage de Gustave Flaubert.

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Soifia Ibrahim, 45 ans, vit avec son fils Abdul Fattah 13 ans, actuellement en 4e. Elle est arrivée des Comores en 1999. Sofia possède un titre de séjour mais elle a vécu en situation irrégulière jusqu’en 2013. Elle habite le bidonville Talus 2 depuis 2004. Mayotte, le 25 avril.
 
 

Absence d’alimentation en eau potable, de voirie et d’assainissement, raccordement informel au réseau électrique… « Cet habitat est dangereux pour les gens qui y vivent et pour leur santé », a défendu cette semaine le préfet du département, Thierry Suquet.

Malgré cela, les enfants du bidonville de Doujani, démantelé en janvier, disent regretter leur ancien quartier. « On veut aller à Doujani », ont-ils écrit à la hâte sur des feuilles de papier qu’une petite dizaine d’entre eux brandit aux journalistes venus, ce mercredi 26 avril, découvrir les « maisons » dans lesquelles des familles françaises ou en situation régulière ont été relogées pour six mois renouvelables, à Tsoundzou 2. L’endroit, un « village relais », est géré par l’association Coallia et est composé de structures en fer recouvertes d’un bardage en bois. Il est entouré d’un périmètre de sécurité et surveillé par un agent qui interdit les sorties après 20 heures.

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Un « village relais », géré par l’association Coallia. Des familles françaises ou en situation régulière y ont été relogées pour six mois renouvelables. A Mayotte, le 26 avril 2023.

Le taux de chômage s’élève à 30 %

Ce qui gêne le plus Yassimini Ibrahim, l’une des occupantes, c’est le fait de devoir tous les jours faire deux heures de marche pour pouvoir amener ses enfants à l’école à six heures du matin, à Doujani (le taxi lui coûterait 5 euros par jour). Et puis, elle a entendu que d’autres familles allaient arriver, au gré des opérations de décasage.

Sa voisine, Fatimati Ahamadi, de nationalité française, redoute de bientôt « devoir partager la cuisine et les sanitaires ». Surtout, qu’adviendra-t-il au bout des six mois ? Elle entame aujourd’hui une formation d’auxiliaire de vie mais elle est déjà titulaire d’un CAP petite enfance et, hormis une année où elle a été employée comme agente en école maternelle, elle ne trouve pas de travail qui lui permettrait de payer un loyer autre que celui d’une case en tôle. A Mayotte, le taux de chômage s’élève à 30 %.

 

Arudani Halifa, 52 ans, n’est pas beaucoup plus serein. Ce Mahorais est un ancien habitant du bidonville de Talus 2 et il a été relogé à Hamachaka, au nord de Mamoudzou, sur un site sécurisé par de hauts murs coiffés de barbelés et sur lesquels une jolie fresque murale dit « Ensemble, on va loin ». Une dizaine de familles du bidonville de Talus 2 vivent actuellement dans des logements préfabriqués. Propres et sommaires. « Les gens ont vocation à être accompagnés dans leur insertion socioprofessionnelle pour qu’ils puissent être éligibles à demander un logement social », explique Jocelyne Larue-Joachim, de l’association Mlezi Maore, qui gère le site pour le compte de l’Etat.

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Fatimati Ahamadi (en bleu), âgée de 30 ans et mère de trois enfants, est arrivée en janvier au « village relais » géré par l’association Coallia. A Mayotte, le 26 avril 2023.

Arudani Halifa se demande de quoi son avenir sera fait, au-delà de la période de logement qui lui a été garantie. Il travaillait au déchargement de marchandises de conteneurs mais il a arrêté il y a deux semaines. Le poste était trop physique. « Il y a du boulot dans la sécurité, comme cariste ou agent d’entretien », le rassure la travailleuse sociale du lieu. Il acquiesce. A Talus 2, il ne se sentait pas en sécurité. Il évoque des « jalousies » de son entourage et les « histoires de couches volées » qui ont ravivé les conflits avec sa belle-famille.

Sa femme de 39 ans, Zaraita Said, est d’origine comorienne et sans papiers, alors qu’elle vit à Mayotte depuis quinze ans. « Sa demande de titre de séjour a été refusée par ce qu’elle n’a pas fourni certains documents », explique son mari ; son passeport, qu’elle aurait dû aller faire aux Comores, ou une preuve de leur domiciliation, explique l’époux. Le couple élève huit enfants, la plupart français.

« Ils vont démolir »

Le bilan des opérations de relogement dans le cadre de « Wuambushu » sera scruté de près par ses contempteurs. D’après les données de la préfecture, 75 % des quelque 500 personnes du bidonville de Doujani, aujourd’hui détruit, n’ont pas été relogées.

Pourtant, Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l’habitat illégal auprès du préfet de Mayotte, se veut optimiste. « Pour toutes les opérations [de démantèlement de bidonvilles] en cours de préparation, on notifie des propositions de relogement. Il n’y a pas de sujet, insiste-t-elle. On a obtenu des moyens et on ouvre des places d’hébergement supplémentaires. » Elle souligne le quadruplement du parc d’hébergement en trois ans, passés de 500 à plus de 2 000 places à Mayotte. Parmi ces places, certaines ne sont toutefois prévues que pour des mises à l’abri de vingt et un jours.

 

Surtout, ces chiffres sont à mettre en regard avec l’objectif du gouvernement de détruire 1 000 habitats insalubres en deux mois, quand on sait qu’une famille se compose en moyenne de cinq personnes à Mayotte.

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Dans le bidonville Hamouro, les autorités ont marqué en vue d’une démolition la maison de cette famille d’origine comorienne. A Mayotte, le 26 avril 2023.

A Hamouro, dans un bidonville situé presque en bordure de mer dans l’est de Mayotte, les habitants ne savent pas quoi penser. Courant avril, des personnes sont venues taguer d’un chiffre chacune de leur maison, au marqueur rose. « Ils vont démolir », rapporte une jeune fille de 14 ans, qui vit là avec sa mère, sa grand-mère et ses cinq frères et sœurs. Mais elle ne sait pas davantage de quoi il retourne. Elle s’inquiète pour sa grand-mère, qui se déplace à l’aide d’une prothèse de jambe après une amputation. Et pour sa mère, dont on lui a dit qu’elle retournerait à Anjouan, aux Comores, si elle n’avait pas de papiers.

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