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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Louis Chahuneau - 18/05/2023

Dans un arrêt publié mercredi, la cour d'appel du tribunal de Mamoudzou a autorisé la destruction du bidonville "Talus 2", suspendue un mois plus tôt. Bien que retardée, l'opération Wuambushu devrait pouvoir reprendre, tout comme les expulsions de sans-papiers vers les Comores.

L'opération de destruction de bidonvilles et d'expulsions "Wuambushu" à Mayotte va pouvoir reprendre. Dans un arrêt consulté par l'AFP, la chambre d'appel du tribunal judiciaire de Mamoudzou a donné raison, mercredi 17 mai, à l'État dans sa volonté de démolir l'habitat insalubre de "Talus 2", un bidonville de la commune de Koungou (nord-est) où vivent une centaine de familles. L'opération, initiée par le ministère de l'Intérieur en avril dernier, avait été compromise avant même son départ quand le juge des référés avait annulé l'ordonnance pour "voie de fait".

La préfecture de Mayotte a finalement obtenu gain de cause dans le litige l’opposant à vingt familles du bidonville qui contestaient la destruction de leurs habitations. La chambre d'appel de Mayotte a estimé mercredi qu'"en dehors de leur statut d'occupant", les requérants n'avaient "justifié d'aucun élément qui permette d'établir la réalité du droit de propriété qu'ils estiment atteint". La chambre estime également que ce litige est de la compétence du tribunal administratif, qui avait déjà donné raison le 13 mai à la préfecture.

Une décision qui pourrait faire jurisprudence

Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, s'est félicité jeudi de cette victoire judiciaire qui ouvre la porte à la destruction de "Talus 2" dans les prochains jours. "Notre action déterminée de destruction de l’habitat indigne à Mayotte va donc pouvoir reprendre", a-t-il déclaré sur Twitter. De son côté, Marjane Ghaem, avocate en droit des étrangers au barreau de Mayotte assure que "les habitants sont très inquiets".

D'autant que cette décision de justice ouvre la porte à d'autres destructions. "Pour l’instant seul l’arrêt concernant 'Magicavo Talus 2' peut rentrer en exécution, mais on a déjà 5 arrêtés publiés et l’ordonnance du juge administratif va faire sa jurisprudence, s'inquiète l'avocate. Le sort de Barakani sera connu après l'audience du 5 juin, donc il n'y aura pas de démolition jusque-là. Jusqu'ici on a gagné un peu de temps, mais l’État a désormais un boulevard devant lui". Selon le journal Le Monde, une quinzaine d’autres opérations de "décasage" sont programmées dans les prochaines semaines.

 

Exemple de banga, une petite maison construite en tôle, dans la banlieue de Mamoudzou, à Mayotte. Crédit : InfoMigrants
Exemple de banga, une petite maison construite en tôle, dans la banlieue de Mamoudzou, à Mayotte. Crédit : InfoMigrants

 

Ces opérations de destruction posent à nouveau la question du relogement des habitants de bidonvilles. Dans son arrêt, le tribunal administratif a estimé que la préfecture avait apporté des "éléments nouveaux" concernant le relogement des futurs habitants expulsés, notamment dans le cadre de la loi ELAN. Mais pour l'avocate Marjane Ghaem qui a étudié le dossier, ces garanties sont largement insuffisantes : "La préfecture a bien versé des contrats de bail, mais nous avons prouvé dans au moins deux cas qu'on avait mis deux familles dans un même appartement. L’absurdité du système c’est aussi que les villages relais de 'Coallia' ne prennent que des personnes en situation régulière", alors que les principaux concernés sont majoritairement clandestins.

>> À (re)lire : Dans les bidonvilles de Mayotte, la "délinquance de survie" des mineurs étrangers

Pour l'avocate, cette réalité illustre l'hypocrisie de l'opération Wuambushu : "Il y a une volonté de résorber les bidonvilles sauf qu’il y a 150 000 personnes qui habitent dans les logements informels à Mayotte. Vouloir déloger ces gens sans alternative, cela crée de la précarité, de la violence et de la déscolarisation." Coordinateur de la Ligue des Droits de l'homme (LDH) à Mayotte, Daniel Gros approuve : "Quarante pour cent de la population habite dans les bidonvilles ici, on ne va pas détruire 40 % de la surface sans rien reconstruire !" Selon lui, lors des opérations d'expulsion de 2021, seules 148 personnes avaient été relogées sur 8 000 expulsions.

Les centres de soins bloqués par les pro-Wuambushu

Ces dernières semaines, un faux climat de trêve régnait sur cette île de 300 000 habitants. Alors que les 1 800 membres des forces de l'ordre restaient suspendues aux décisions de justice, des collectifs d'habitants de l'île se sont mobilisés pour demander la poursuite de l'opération Wuambushu, initiée pour réduire la délinquance et expulser une partie des sans-papiers venus des Comores, à une centaine de kilomètres seulement.

Plusieurs affrontements ont eu lieu entre les forces de l'ordre et des jeunes habitants des bidonvilles tandis que des collectifs de Mahorais ont bloqué l'accès à des centres de soins. Le 4 mai le dispensaire de Jacaranda, à Mamoudzou, a été bloqué par le collectif des citoyens de Mayotte, un groupe favorable à l'opération Wuambushu. L'opération visait à empêcher les sans-papiers, qui n'ont pas les moyens de se rendre aux urgences, d'accéder au soin.

L'avocate Marjane Ghaem défend justement le cas d'une femme dont l'accès au centre de soins a été refusé : "Elle était partie récemment à La Réunion pour se faire poser un pacemaker, et devait donc être suivie de près à son retour à Mayotte. Le 11 mai, lorsqu'elle s'est présentée à l’hôpital de Mamoudzou (CHM), on lui a demandé ses papiers, sa nationalité, et les membres du collectif ne l’ont pas laissée rentrer. Elle a dû attendre 5 jours pour faire renouveler son ordonnance d’IRM. Lorsqu'elle a enfin pu voir un médecin, ce dernier a constaté une aggravation de son état de santé." 

Ces filtrages illégaux ont d'ailleurs créé des scènes d'émeute sur l'île. Le 12 mai, la direction du CHM a décidé de déclencher "le plan blanc" à la suite de l’intrusion de jeunes "délinquants" au sein du centre médical de référence (CMR) de Dzoumogné.

Les expulsions vers les Comores reprennent

L'arrêt de la chambre d'appel de Mamoudzou intervient le jour de la reprise, très attendue par les autorités françaises, de la liaison maritime entre Mayotte et les Comores. Après plus de trois semaines de suspension, un accord a été trouvé en début de semaine. Pour la première fois depuis le 24 avril, le ferry Maria Galanta a effectué une traversée de Mayotte à Anjouan avec, à son bord, une vingtaine de personnes, dont des candidats volontaires au départ. Selon le gouvernement de l'Union des Comores, seuls les refoulés "volontaires" seront admis à Anjouan. Mais d'après des médias locaux, des clandestins expulsés faisaient également partie de la traversée.

Ces informations contradictoires s'expliquent par la tension diplomatique entre le gouvernement comorien et l'État français. De passage à Paris début mai, où il a rencontré Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, le président comorien Azali Assoumani s'est expliqué dans une interview au journal Le Monde. "Alors qu’on entre en campagne [présidentielle], comment puis-je justifier devant mes compatriotes le fait que j’accepte les bateaux qui renvoient des Comoriens de Mayotte ?", a-t-il interrogé.

>> À (re)lire : Mayotte : des droits particuliers pour les étrangers

La brouille n'est pas nouvelle et remonte à 1995 avec la création du "visa Balladur". Depuis cette date, les habitants des trois îles des Comores (Anjouan, Grande Comore et Mohéli) ont besoin d'un visa pour se rendre sur Mayotte alors que les Mahorais n'en ont pas besoin pour se rendre aux Comores. Des dispositions qui ont favorisé la création de filières d'immigration clandestine. Pour Daniel Gros de la LDH, ces expulsions relèvent surtout de la communication : "On renvoie les gens mais ils reviennent, évidemment. Ils ont toute leur vie professionnelle et familiale à Mayotte".

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