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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Nejma Brahim - 14/05/2023

De Jacaranda à Dzoumogné, en passant par le centre hospitalier de Mayotte, des habitantes de l’île bloquent plusieurs points d’accès aux soins pour protester contre le bras de fer imposé par les Comores, qui refusent de reprendre leurs ressortissants expulsables dans le cadre de l’opération voulue par Gérald Darmanin.

Il y a d’abord eu le centre de soins de Jacaranda, à Mamoudzou (la capitale de Mayotte, située à Grande-Terre), qui dès le 4 mai a été bloqué par des groupes de femmes en faveur de l’opération « Wuambushu », lancée le 24 avril par le gouvernement en vue de démanteler une partie des bidonvilles de l’île et de renvoyer vers les Comores les personnes en situation irrégulière.

Mécontents du blocage des expulsions – les Comores ont annoncé refuser de reprendre les personnes expulsées –, des collectifs pro-Wuambushu, en majorité composés de femmes, se sont organisés pour bloquer l’accès au dispensaire en guise de protestation.

Le centre de soins, connu pour accueillir un public vulnérable, sans accès à la Sécurité sociale, et notamment des femmes en suivi de grossesse, a donc décidé de fermer ses portes. « On espère que les Comoriens se rendront compte que c’est de la faute de leurs dirigeants si on en est là », a déclaré Safina Soula, porte-parole du collectif des citoyens de Mayotte au quotidien local Mayotte Hebdo.

 

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Dès le 4 mai, des collectifs de citoyens ont bloqué l’entrée du dispensaire de Jacaranda, à Mamoudzou. © Photo Louis Witter

 

« Je suis allé à Jacaranda vendredi 12 mai, car ma femme souffrait d’une très forte douleur à la hanche, raconte à Mediapart Ali*, habitant de Kawéni et infirmier de profession. On a trouvé le centre de soins fermé, avec des banderoles en lien avec Wuambushu. Ils peuvent manifester, mais c’est un scandale de bloquer des points d’accès aux soins. »

Le centre hospitalier de Mayotte lui aussi bloqué

D’habitude, dit-il, lui et ses proches vont là-bas parce que « c’est un lieu ouvert à tous ». « On ne paie que 10 euros du lundi au vendredi (20 euros pour un spécialiste), alors qu’aux urgences, c’est 30 euros. C’est réservé aux plus vulnérables, et même les personnes sans papiers peuvent donc s’y rendre pour recevoir des soins. »

Selon lui, les mêmes collectifs ont tenté de bloquer le centre de protection maternelle et infantile (PMI) de Kawéni, les 10 et 11 mai. Mais des jeunes du quartier, qui abrite le plus grand bidonville de Mayotte, ont protesté. « Les forces de l’ordre ont observé la scène et ont prévenu les collectifs de Mayotte qu’elles ne seraient pas responsables de ce qui arriverait s’ils allaient plus loin. La PMI a fermé jeudi, je ne sais pas si elle va rouvrir. »

L’île est fragile et en déprogrammant, on se tire une balle dans le pied.
Un médecin du CHM

Dans le même temps, ces mêmes collectifs se sont attaqués au centre hospitalier de Mayotte, toujours à Mamoudzou, surnommé « CHM » sur l’île. « Quand tu es patient à l’hôpital, soit tu as la Sécurité sociale et tu peux rentrer directement, soit tu ne l’as pas, parce que tu es étranger, et tu dois passer par le bureau des entrées, explique un médecin qui préfère garder l’anonymat. Le 5 mai, le personnel, composé de Mahorais, a décidé de ne pas venir travailler et de ne pas ouvrir le bureau des entrées, alors que des collectifs mahorais traînaient à l’entrée pour refouler les patients qui venaient. »

Selon cette même source, le blocage a suscité des tensions en interne, créant une division entre « les pro et les anti » au sein même de l’hôpital. « “À la guerre comme à la guerre”, disent certains. Ou “il y a toujours des victimes collatérales”… » Mais même en temps de guerre, poursuit ce médecin, « on maintient l’accès aux soins ». « Le fait de dire qu’on ne soigne que les Comoriens est faux. L’île est fragile et en déprogrammant, on se tire une balle dans le pied. »

« Des “collectifs de citoyens” sont postés à l’entrée et demandent leurs papiers aux gens qui se présentent aux urgences, tout ça au vu et au su de la direction de l’hôpital et de la police… C’est dramatique », commente, mercredi 10 mai, un autre membre du personnel soignant.

Des tensions à Dzoumogné

Vendredi 12 mai, la direction du CHM a décidé de déclencher « le plan blanc » à la suite de l’intrusion de jeunes « délinquants » au sein du centre médical de référence (CMR) de Dzoumogné, au nord de Grande-Terre, qui « ont agressé des usagers et commis des actes de vandalisme ».

Bien qu’on ne sache pas quelles étaient les motivations de ces jeunes, le dispensaire de Dzoumogné aurait lui aussi été bloqué par des collectifs pro-Wuambushu durant plusieurs jours. En lien avec l’Agence régionale de santé (ARS), la direction a fermé l’accès au centre « jusqu’à nouvel ordre » et transféré les soignant·es et les usagers et usagères vers le site de Mamoudzou. Elle appelle les usagers habitant le secteur à contacter le Samu en cas d’urgence.

« Dispensaire de Mtsangamouji fermé. CHM, Dzoumogné, Kahani, etc. Cette question s’adresse aux responsables de ces centres : étant donné que votre devoir est de garantir l’accès aux soins de la population, ne devriez-vous pas démissionner suite à vos décisions de ces derniers jours ? La santé est un droit essentiel et universel. C’est honteux », a réagi un habitant de l’île sur un groupe Facebook suivi par plus de 100 000 personnes, avant de se faire lyncher dans les commentaires par une majorité de membres en faveur du blocage et de l’opération Wuambushu.

De son côté, Ali espère que la situation reviendra « vite au calme ». « Aujourd’hui, tout est possible », souffle-t-il, en redoutant les pires scénarios. Sa mère, comme de nombreux autres, souffre d’une pathologie chronique qui nécessite un suivi médical constant et la prise d’un traitement régulier.

Elle bénéficie d’une autorisation provisoire de séjour pour raisons de santé. « Elle a une cardiopathie et souffre aussi de diabète et d’hypertension. Elle a fini tous ses médicaments. Je suis totalement bloqué et très inquiet. Mais on n’a pas le choix, on doit vivre avec ça. Ce qu’on subit est très grave. »

En octobre 2018, déjà, une dizaine de personnes s’étaient introduites dans le centre de soins de Jacaranda et avaient menacé les quelque 80 personnes venues pour se faire soigner, au point qu’il avait fallu les évacuer. Les associations la Cimade et Médecins du monde avaient dénoncé une « remise en question du droit à la santé » à Mayotte et avaient condamné ces agissements – qui avaient conduit à la fermeture temporaire du centre –, tout en réclamant une réponse de l’État.

Pour l’heure et dans le contexte tendu de l’opération Wuambushu, ni la préfecture de Mayotte ni le ministère de l’intérieur ne se sont exprimés.


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