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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : médiapart - Bastien Doudaine - 10/05/2023

À Mayotte, le système de santé ne parvient pas à répondre aux besoins de soins d’une population dont 77 % vit sous le seuil de pauvreté. Tout ou presque repose sur le Centre hospitalier de Mayotte, unique instance publique de santé du territoire, à l’étroit et en manque de personnel. La précarité est responsable de la majorité des problématiques de santé du territoire, entre difficultés d’accès à l’eau potable et alimentation carencée. En 2019, 45 % des plus de 15 ans déclaraient avoir dû renoncer à des soins. Un reportage réalisé en février dernier avant la mise en œuvre de l’« opération Wuambushu ».

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  • © Bastien Doudaine

    Mamoudzou, le 14 février 2023. Sur l’île, le système de santé est calqué sur celui de la métropole. Le Centre hospitalier de Mayotte (CHM) fait néanmoins figure d’exception. Il est le seul hôpital français encore financé par une dotation globale et non en fonction de son activité réelle. La situation évolue favorablement en termes d’équipements avec d’importantes augmentations de son budget, qui a crû de plus de 40 % entre 2016 et 2021. Le CHM a ainsi pu faire l’acquisition d’un hélicoptère dédié aux interventions d’urgence et d’un avion pour assurer le lien avec le CHU de La Réunion pour les spécialités et interventions non disponibles à Mayotte : chirurgie cardiaque, neurochirurgie, radiologie interventionnelle, voire ophtalmologie… Mais le problème principal reste le déficit de soignants.

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  • © Bastien Doudaine

    Mamoudzou, le 14 février 2023. L’équipe du Samu attend la barge qui relie Grande-Terre à Petite-Terre, les deux principales îles qui composent Mayotte, en mission pour transférer une patiente médicalement instable depuis l’hôpital de Pamandzi. Le 101e département français, ouvert sur l’océan, fait géographiquement partie de l’archipel des Comores, composé de trois autres îles. On devine parfois Anjouan à l’horizon, qui n’est qu’à 70 kilomètres des côtes mahoraises.

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  • © Bastien Doudaine

    Pamandzi, le 14 février 2023. Une femme mahoraise, sous oxygène, sort de l’hôpital de Pamandzi, en Petite-Terre, sur un brancard conduit par deux ambulanciers. Le Samu, basé à Mamoudzou, intervient sur toute l’île et permet les liaisons entre les différentes structures qui composent le CHM. Ce sont plus de dix centres de consultations (anciennement dénommés dispensaires) qui assurent les soins de premiers recours, secondés par quatre centres médicaux de référence avec une permanence médicale 24h/24 et un plateau technique avec la majorité des spécialistes de l’île à Mamoudzou.

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  • © Bastien Doudaine

    Koungou, le 14 février 2023. Sur demande des pompiers et des forces de police, l’équipe du Smur intervient auprès d’une femme présentant des troubles psychiatriques. À Mayotte, les forces de police sont très présentes, toujours visibles et en vigilance constante, qu’il s’agisse du Groupe d’appui opérationnel (GAO) de la police aux frontières, de la police municipale ou de la gendarmerie. Fin 2022, les effectifs ont même été renforcés comme seule réponse à l’augmentation de l’insécurité et des agressions sur les routes.

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  • © Bastien Doudaine

    Mamoudzou, le 3 février 2023. Faharia*, 46 ans, est à nouveau hospitalisée à Mamoudzou à cause de son cancer. Dans le service où travaille le Dr Karim Abdelmoumen, les situations des patients sont « systématiquement complexes », médicalement et/ou socialement. Séparée d’une partie de sa famille, restée à Mohéli, aux Comores, Faharia pensait trouver un espoir de guérison à Mayotte, mais sa maladie était trop avancée. Sans papiers et sans ressources financières, elle a pu retourner sur son île auprès de ses enfants grâce à̀ une cagnotte mise en place par les soignants du service.

    (* : Nom modifié à la demande des personnes photographiées.)

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  • © Bastien Doudaine

    Mamoudzou, le 3 février 2023. Saïd*, arrivé dans un état relativement grave à l’hôpital, est décédé quelques jours après la prise de cette photographie. Les causes de mortalité à Mayotte sont classées « mal définies » par l’Insee dans près de 25 % des cas. L’accès à l’hôpital est difficile, notamment pour celles et ceux qui n’ont pas d’affiliation à la CSSM (66 % de la population) et qui doivent payer 10 euros pour une consultation de médecine générale ou 20 euros pour l’accès aux spécialistes. Ils sont nombreux à abandonner et à renoncer aux soins, ce qui, pour autant, n’améliore ni les finances ni les capacités de soins du CHM, et risque en définitive de majorer les coûts des prises en charge liés aux retards diagnostiques et aux décompensations de maladies chroniques.

    (* : Nom modifié à la demande des personnes photographiées)

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  • © Bastien Doudaine

    Mamoudzou, le 3 février 2023. Yannis* est hospitalisé pour l’aider à rééquilibrer son diabète. À l’hôpital, la plupart des maladies peuvent être gérées en coopération avec les soignants. En dehors, c’est plus compliqué : les soignants doivent faire des choix plus adaptés à la situation sociale qu’à la situation médicale. Chloé, l’interne chargée de son suivi, ne peut pas lui prescrire d’insuline en l’absence d’un accompagnement infirmier adapté. Elle en fait le constat : « En médecine générale, on nous apprend l’autonomie du patient. Ici, c’est désarmant, il devrait avoir besoin d’une infirmière en sortant, c’est impossible et c’est frustrant ! »

    (* : Nom modifié à la demande des personnes photographiées)

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  • © Bastien Doudaine

    Vahibé, le 21 février 2023. Cloé et Maïmounati, sage-femme et aide-soignante au service d’hospitalisation à domicile (HAD) périnatale du CHM, vont en visite chez des femmes enceintes. Elles se déplacent entre les tôles des bangas, l’appellation locale des bidonvilles, pour le suivi des femmes atteintes de maladie durant leur grossesse. Comme Cloé, la grande majorité des sages-femmes de l’île sont métropolitaines. Les aides-soignantes, elles, sont mahoraises et constamment sollicitées pour traduire le shimaoré, voire le shibushi, en plus de leurs compétences de soins, sans forcément avoir de formation dédiée ou de reconnaissance.

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  • © Bastien Doudaine

    Vahibé, le 21 février 2023. Cloé examine la grossesse de Binti, une femme atteinte de diabète gestationnel également suivie pour épilepsie. La sage-femme raconte qu’avec la barrière de la langue « les médecins l’avaient considérée comme incapable de se gérer seule ». Les deux soignantes font le constat d’une jeune femme qui, au contraire, gère plutôt bien. Néanmoins, de nombreuses femmes sont atteintes de ce type de diabète dont les règles alimentaires strictes sont difficiles à appliquer en raison des contraintes financières qui limitent les plus précaires à la consommation de Oubou, du riz bouilli.

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  • © Bastien Doudaine

    Vahibé, le 21 février 2023. Assise au sol, Maïmounati éclaire sa collègue en train de réaliser une prise de sang dans une maison relativement sombre. La fatigue gagne les soignants au fur et à mesure de la journée. Le rythme de vie est rendu particulièrement difficile par les bouchons sur les routes de l’île. Elle doit se lever tôt et partir avant 4 h 30 du matin du sud de l’île pour rejoindre l’hôpital de Mamoudzou. Les Mahorais assurent la relative stabilité du système de santé publique local. Ils sont confrontés à l’insécurité qui rend le département moins attractif pour les soignants de l’Hexagone.

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  • © Bastien Doudaine

    Mamoudzou, le 15 février 2023. Lors d’un accouchement à la maternité de Mamoudzou, une gynécologue accompagne la mise au monde du deuxième jumeau d’une patiente dans l’une des sept salles dédiées. La maternité de Mayotte est la première de France en nombre de naissances, approchant les 10 795 en 2022. La majorité des sages-femmes du service sortent de l’école. Venir travailler à Mayotte est un gage de formation et d’autonomisation important, en plus d’un salaire relativement intéressant (+ 40 % par rapport à la métropole). Elles restent quelques mois, parfois plus, et repartent en métropole avec de solides compétences car mises en autonomie plus rapidement.

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  • © Bastien Doudaine

    Mamoudzou, le 15 février 2023. Dans la quasi-totalité des chambres doubles de la maternité de Mamoudzou, les femmes sont au nombre de trois avec leurs nourrissons. Les compétences médicales sont là, les compétences humaines sont présentes, mais les soignants « poussent les murs ». Les locaux sont trop exigus pour le flux de femmes enceintes. Un processus de « délestage » des patientes est organisé. Dès qu’elles ont accouché, elles sont pour la majorité transférées vers l’un des quatre centres de référence ouverts 24h/24 et disposant de quelques salles d’accouchement et de lits d’hospitalisation.

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    Mamoudzou, à l’extérieur de la maternité, le 18 février 2023. À Mayotte, l’idéal familial est d’avoir environ cinq enfants, lié à l’importance culturelle de la cellule familiale. Si la tendance semble être à la baisse dans les familles mahoraises, l’accès à la contraception et les mentalités face au désir de grossesse évoluent très lentement, ce qui fait craindre une augmentation constante du nombre d’accouchements malgré un taux de natalité déjà record. Avec la réforme du droit du sol de 2018, un enfant né à Mayotte de parents étrangers n’aura la possibilité d’acquérir la nationalité française à sa majorité que si l’un de ses parents résidait depuis plus de trois mois avant sa naissance sur le territoire français.

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    Longoni, le 16 février 2023. Des jeunes hommes jouent aux cartes à Longoni, sur un territoire où intervient Médecins du Monde. La moitié de la population de Mayotte a moins de 18 ans, l’âge moyen sur le territoire est de 23 ans, contre 41 ans en métropole. Parmi celles et ceux que l’association accompagne, 15 % de personnes qui ont la nationalité française sont éloignés des problématiques de santé. La jeunesse se retrouve avec peu d’espoir de s’en sortir, le chômage touche près d’un actif sur trois, avec un taux d’emploi inférieur à 15 % chez les 15-29 ans. Une partie de la population se demande régulièrement si Mayotte est bien en France.

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    Dzoumogné, le 2 février 2023. C’est aux enfants, quand ils ne sont pas à l’école, qu’incombent les tâches ménagères comme la lessive ou la vaisselle faite dans la rivière. Véritable problématique de santé publique, les coupures d’eau régulières sont fréquentes sur tout le territoire, et les deux réserves collinaires de l’île sont quasiment vides en pleine saison des pluies. En 2017, 29 % des logements n’avaient pas d’accès intérieur à l’eau potable. Mayotte est le premier département français en termes de contamination à la leptospirose, une maladie grave transmise par les rats et les eaux de rivières, avec 131 cas répertoriés en 2022. Les hépatites virales et les diarrhées bactériennes sont aussi particulièrement fréquentes.

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    Dzoumogné, le 2 février 2023. Une femme de la commune venue consulter pour ses enfants auprès de la permanence de l’association Médecins du Monde. Mohammed (à gauche), un bénévole pair (qui vit ou qui a vécu une situation similaire aux bénéficiaires de l’association) d’origine comorienne traduit le shimaoré pour Fleur, superviseure santé à l’association. « Ici, on essaie de valoriser la démarche des parents qui ont besoin d’être rassurés dans leur rôle et on réoriente sur le système de soins public dès que c’est nécessaire. » Au CHM, les soins sont pourtant gratuits pour les enfants et les femmes enceintes, mais l’accès est difficile en raison d’un grand nombre de personnes en attente de consultation, et à cause de la police aux frontières, régulièrement postée aux ronds-points proches des structures de soins.

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    Dzoumogné, le 2 février 2023. Une mère et sa fille dans la pièce principale de leur logement. Touchée in utero par la varicelle, la petite fille est aujourd’hui handicapée. Suivie en pédiatrie, elle ne peut pas bénéficier de consultations ophtalmologiques sur le territoire. L’île n’a pas d’ophtalmologue permanent, affilié au CHM ou libéral. Cette enfant, née française et en dehors du circuit scolaire, ne s’éloigne pas de sa mère, qui est en situation administrative irrégulière. Son père a quitté le foyer familial pour rejoindre une vie meilleure à La Réunion.

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    Dzoumogné, le 2 février 2023. Les conditions de vie précaires de la population alertent les autorités qui, pour lutter contre l’habitat insalubre, envisagent d’expulser des familles et de détruire ces logements dans différentes communes. Les conditions d’habitation à Mayotte sont précaires avec 39 % des résidences principales recensées en tôle, alors que le taux d’habitat en dur n’a pas évolué depuis plus de vingt ans. En 2017, 95 % des familles vivant dans les cases en tôle ne bénéficiaient pas du confort sanitaire de base, malgré les loyers que certaines familles doivent payer pour conserver leur banga sur le terrain de propriétaires terriens.

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    Dzoumogné, le 2 février 2023. Mariamou, sur son lit médicalisé apporté par l’association Médecins du Monde afin d’améliorer, un peu, son confort alors qu’elle ne peut se déplacer car sa jambe droite a été amputée l’année dernière. Atteinte de diabète, elle souffre des complications de la maladie qui n’a pas pu être soignée aux Comores. Son suivi médical est pour l’instant compromis car le compagnon de sa petite-fille, le seul qui assurait les transports jusqu’à l’hôpital en la portant sur son dos sur les chemins escarpés de Dzoumogné, a été tout récemment interpellé et renvoyé aux Comores. Contrairement aux idées reçues, les étrangers présents sur le territoire ont moins accès aux soins qu’en métropole.

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© Bastien Doudaine

Dzoumogné, le 2 février 2023. Un enfant devant une carcasse de voiture abandonnée. De nombreux enfants se retrouvent isolés et descolarisés, notamment après que leurs parents ont été expulsés. Certains mineurs, isolés ou non, se regroupent en bandes avec d’autres jeunes plus âgés, et se retrouvent parfois responsables de faits de violences sur l’île. Particulièrement fragiles, près de 10 % des enfants de 4 à 10 ans sont touchés par la malnutrition. Et les dix-sept services de Protection maternelle et infantile du département, sous l’autorité du Conseil départemental, risquent de devoir exclure les migrants sans papiers de ses services. Si la mesure est actée, les enfants n’auront comme solution que le retour au CHM, déjà débordé…

 


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