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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Thomas Schnee - 23/05/2023

Vieillissant, le pays n’a pas d’autre choix que d’ouvrir en grand ses portes aux travailleurs qualifiés venus de l’extérieur de l’Union européenne. Une nouvelle loi entend révolutionner leur accès au marché du travail. L’accueil des réfugiés, lui aussi, doit être facilité.

Berlin (Allemagne).– Ingo Weber, directeur général de l’entreprise berlinoise Elpro, serait parfaitement heureux si la pénurie de main-d’œuvre ne venait pas régulièrement contrecarrer ses plans. Les trois cents salarié·es de son entreprise produisent des stations électriques pour parcs solaires et éoliens, des panneaux de contrôle pour la production d’hydrogène ou encore des armoires électriques pour les chemins de fer.

« Les énergies renouvelables et les transports sont deux secteurs avec des perspectives de croissance énormes. Mais la pénurie de main-d’œuvre nous oblige à refuser bien des projets. Aujourd’hui, nous pourrions embaucher soixante-dix personnes tout de suite. Hélas, nous ne trouvons pas », regrette-t-il.

Les conséquences du vieillissement de la population et du taux élevé d’emplois à temps partiel sont toujours plus visibles, et pas seulement dans l’industrie. Les vitrines de magasins portant une offre d’emploi ou bien les restaurants à moitié fermés par manque de serveurs et de serveuses sont pléthore. La population active n’a jamais été aussi importante, avec 45,6 millions de personnes, le taux de chômage est descendu à 5,6 %. Ainsi n’est-il plus rare de devoir communiquer en anglais avec un infirmier ou un livreur venu d’un pays hors UE. Les Européen·nes sont déjà 2,5 millions à travailler en Allemagne.  

« Avec le nombre actuel de salariés, les tâches nécessaires pour la protection du climat, la transition énergétique et l’évolution de la mobilité seront difficiles à assumer et à réaliser », souligne aussi le président de la Confédération allemande de l’artisanat (ZDH), Hans Peter Wollseifer, qui parle de 250 000 artisans manquants.

 

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Dans le centre de formation pour apprentis de BMW à Leipzig en 2018. © Photo Jens Meyer / AP via Sipa

La situation ne va pas se détendre. L’Agence fédérale pour l’emploi (BA) attend en effet sept millions de départs en retraite d’ici à 2030. Elle évalue qu’il faudrait un apport durable de 400 000 travailleuses et travailleurs étrangers qualifiés par an pour assurer le développement de l’économie nationale. En 2022, pourtant année record, seulement 56 000 nouveaux permis de travail ont été distribués à des travailleurs et des travailleuses hors Union européenne. Il y a 351 000 personnes en tout à disposer de ce statut. Le pays est loin du compte. 

« 90 % des candidatures reçues pour nos places d’apprentissage et 40 % pour nos offres d’emploi sont le fait de candidats qui habitent hors de l’Union européenne. Recruter dans le lointain est une vraie alternative. Mais les obstacles juridiques et les lenteurs administratives rendent tout recrutement en direct long et compliqué. Ce que nous voulons avant tout, c’est de la rapidité », témoigne la cheffe du personnel d’Elpro, Christiane Wieseler, qui sait de quoi elle parle.

Environ soixante des trois cents salarié·es de son entreprise viennent d’Ukraine et de Russie, du Pakistan et d’Iran, de Tunisie et du Maroc. « Il y a ceux qui ont étudié en Allemagne. Avec eux, c’est facile. Et puis il y a ceux qui viennent pour la première fois. Nous les aidons à se loger à l’arrivée. Nous offrons trois niveaux de cours d’allemand dans l’entreprise et un système de parrainage entre salariés pour les intégrer. Enfin, nous avons installé une salle de prière par étage pour nos salariés musulmans », précise Ingo Weber, qui réfléchit désormais à acheter des appartements pour ses salarié·es.   

Notre objectif est d’avoir la législation sur l’immigration la plus moderne d’Europe.
Hubertus Heil, ministre de l’emploi

Malgré la création d’une greencard pour travailleuses et travailleurs hautement qualifiés dès 2000, l’accès au marché du travail allemand s’est peu ouvert à une main-d’œuvre qualifiée non européenne, bloqué par des débats identitaires, d’importants verrous administratifs et de complexes procédures d’équivalences de diplômes. « Mais aujourd’hui, on peut toujours s’asseoir et dire : nous ne voulons pas d’étrangers. Ça ne marche plus », expliquait il y a un an déjà le président de l’agence fédérale pour l’emploi, Detlef Scheele.

Jusqu’en 2010, son Service de placement à l’étranger (ZAV) travaillait à placer les Allemand·es hors du pays. « Depuis 2013, nous faisons l’inverse avec la signature de divers accords binationaux de formation et de placement avec la Tunisie, l’Inde ou le Mexique pour qu’ils nous envoient des aides-soignants, des mécaniciens ou des ingénieurs », explique Marcel Schmutzler, porte-parole du ZAV. 

Le ministre de l’emploi, Hubertus Heil, sait qu’il en faudra plus pour soutenir l’économie allemande. Il parle donc d’une petite révolution : « Notre objectif est d’avoir la législation sur l’immigration la plus moderne d’Europe, car nous sommes en concurrence avec de nombreux pays pour attirer des têtes pensantes et des mains secourables », reconnaît-il en présentant son projet de « loi sur l’immigration de la main-d’œuvre qualifiée ». Celle-ci doit, en principe, tout changer et se trouve déjà entre les mains des député·es pour un vote avant l’été.  

L’Allemagne veut un système de sélection à points à la canadienne, avec cinq critères : diplôme, expérience professionnelle, langues, âge inférieur à 35 ans et relations avec l’Allemagne. Si la moyenne est obtenue, une « carte de la chance » permettra alors à son détenteur de venir chercher du travail en Allemagne pendant un an, sans contrat de travail préalable. C’est la levée d’un obstacle majeur. Le ou la future travailleuse ne sera pas non plus obligé·e de chercher dans son domaine de qualification. Enfin, tout·e candidat·e pourra signer un « partenariat de reconnaissance » avec un employeur allemand, qui aura alors le droit de l’accueillir immédiatement, de lui proposer une formation et une régularisation au fur et à mesure. Du jamais-vu.   

Réforme du Code de la nationalité

À cela s’ajoute un accord important pour une réforme du Code de la nationalité, présenté vendredi 19 mai par les partis de la coalition gouvernementale (écologistes, libéraux et sociaux-démocrates). Les modifications attendues veulent offrir une solide perspective d’intégration sur le long terme.

Deux mesures particulièrement importantes émergent du projet de loi : l’acquisition accélérée de la nationalité allemande (en trois ou cinq ans au lieu de huit) ainsi que le droit de conserver sa nationalité d’origine. « Je m’attends à une demande importante parmi les personnes d’origine turque en Allemagne, en particulier celles de la deuxième génération », a commenté Gökay Sofuoğlu, président de la Communauté turque d’Allemagne, principale association faîtière des organisations turques laïques outre-Rhin.

Pendant des décennies, le monde politique allemand s’est déchiré sur la question de savoir si l’Allemagne était un pays d’immigration ou pas. Cela en dépit du fait que le nombre de personnes étrangères vivant en Allemagne est passé de 2,7 millions en 1970 à 13,4 millions en 2022 (16,1 % de la population), avec 6 millions d’arrivées de 2013 à 2022. Aujourd’hui, l’Allemagne a au moins cessé de nier cette réalité. Même le parti d’extrême droite AfD, qui a grandi en se nourrissant de la xénophobie, a pour l’instant délaissé le sujet : le matraquage des écologistes et de leur transition énergétique « démoniaque » rapporte plus.  

Cette évolution des mentalités et des structures se retrouve aussi dans la gestion des réfugié·es, une réserve de main-d’œuvre sur le long terme. Bien sûr, tout n’est pas rose. Mercredi 10 mai dernier, la bagarre entre l’État fédéral et les communes sur le financement de l’aide aux réfugié·es a ainsi été sèchement ajournée et repoussée à novembre prochain. L’État fédéral a finalement lâché un milliard d’euros pour que les communes, cheville ouvrière de l’intégration des personnes réfugiées, puissent faire face à l’explosion de leurs dépenses. La somme va s’ajouter aux 2,75 milliards d’euros budgétés pour 2023. Le chancelier Scholz a ainsi évité un débat sur une politique d’accueil allemande et européenne plus restrictive. Il ne s’y oppose pas frontalement, mais doit d’abord négocier avec ces alliés écologistes et libéraux. 

Des « classes de bienvenue » dans les écoles

Ce point mis à part, et en dépit des coûts et de la surcharge de travail qui écrasent toutes les administrations chargées des personnes venues de l’étranger, les choses se passent étonnamment bien. Il y a bien sûr des dérapages, comme à Upahl, une petite commune du nord-est de l’Allemagne où les 400 habitant·es ont manifesté brutalement pour bloquer la construction d’un centre d’accueil de… 400 places. Mais il y a aussi des situations pacifiques, comme dans la ville de Münster (4 400 réfugié·es), près de la frontière hollandaise, qui a développé un vrai concept adopté dès 2017 par le conseil municipal.

Les réfugié·es y sont logé·es dans des ensembles d’appartements qui respectent les standards architecturaux des quartiers, réunissent 50 personnes maximum et ne sont pas excentrés. Le tout avec un accompagnement social renforcé, assuré par des spécialistes et des bénévoles. « Les questions migratoires étant cycliques, et les arrivées de réfugiés irrégulières, Münster a même construit ces logements en prévoyant de les occuper avec des réfugiés ou des étudiants, selon les besoins du moment », précise la chercheuse Danielle Kasparick, qui dirige la Cellule de recherche et de transfert d’expérience sur les questions migratoires de l’université d’Hildesheim.

« Les communes se voient attribuer un certain nombre de réfugiés, selon un système national de quotas. Le travail est énorme. Mais au fil des années, les municipalités ont acquis d’énormes compétences dans le domaine, poursuit Danielle Kasparick. Des structures durables chargées de traiter ces questions sont ainsi apparues dans l’organigramme des administrations communales. Dans les écoles, les “classes de bienvenue” pour les réfugiés sont en passe de s’institutionnaliser. »

Si les premières formalités et la demande d’asile se font toujours dans un « centre de premier accueil » dépendant du Land, ce sont les communes qui gèrent tous les aspects administratifs et sociaux de l’installation des réfugié·es, du logement à l’école pour les enfants, des cours de langue pour les adultes à l’accès aux soins et même, quand c’est la commune qui gère le Pôle emploi, les questions de formation et d’emploi. « L’arrivée des réfugiés ukrainiens a posé un problème logistique supplémentaire. Ils n’ont pas à faire une demande d’asile et peuvent s’inscrire dans la commune de leur choix », précise Danielle Kasparick.    

Si la question du recrutement de personnel expert est un point noir du secteur, des solutions pérennes et astucieuses apparaissent ici et là. Par exemple, l’application Intergre.at, qui sert autant aux réfugié·es qu’à leurs encadrant·es. Elle permet, en sept langues et quelques chapitres (école, langue, famille, santé, travail, etc.), d’avoir directement accès aux services, plateformes et documents administratifs nécessaires dans sa ville. Plus de cent villes et départements l’ont déjà adoptée.

Le centre de Danielle Kasparick démarre aussi pour dix mois le projet Match’In, en coopération avec quatre Länder, la Basse-Saxe, la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Hesse et la Rheinland-Pfalz : « Une mauvaise orientation après le centre de premier accueil peut bloquer l’intégration d’une personne réfugiée. Quelqu’un qui arrive avec un problème de santé ne peut pas être envoyé loin d’un centre de soins, sinon il passe sa vie dans les transports. De même que vous ne placez pas des jeunes gens dans un village éloigné d’un centre de formation avec une forte population âgée », raconte Danielle Kasparick.

L’idée de Match’In est donc de recueillir toujours plus d’informations sur les arrivant·es et sur les lieux de placement, afin de nourrir un algorithme qui, les chercheurs l’espèrent, permettra un placement vers une intégration plus souple et plus rapide.

 


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