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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Christophe Gueugneau - 23/05/2023

Les Républicains ont annoncé dimanche deux propositions de loi pour durcir les conditions d’immigration. Le gouvernement, qui travaille à son propre texte, poursuit sa droitisation express. À l’extrême droite, on crie au copié-collé.

Qui a dit : « Mettre un coup d’arrêt à l’immigration de masse » ? Ou bien : « Soyons basiques : faisons de la fermeté » ? Ou encore : « Il faut mettre en place une politique dissuasive d’immigration, en arrêtant les pompes aspirantes sociales » ? Respectivement Éric Ciotti, président du parti Les Républicains (LR), Bruno Le Maire, ministre de l’économie, et Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (RN).

Depuis quelques semaines, de surenchère en surenchère, la droite et l’extrême droite rivalisent de fermeté sur le thème de l’immigration, où les étrangers et étrangères sont sans cesse réduit·es à leur nombre, à leur « masse », présenté·es comme une menace existentielle pour le pays et, pour finir, déshumanisé·es. 

La théorie mortifère du « grand remplacement » a désormais libre antenne, comme ce fut encore le cas dimanche lors du « Grand Jury » RTL-Le Figaro-LCI,Le Figaro« Grand Jury » RTL-Le Figaro-LCI, où Éric Zemmour, président de Reconquête, a jugé qu’il s’agissait là du « problème existentiel de la France », sans jamais être contredit. Alors que même l’intelligence artificielle mise en place par son parti juge ce sujet complotiste

Le fait que cette théorie, autrefois cantonnée à l’extrême droite la plus rance, puisse aujourd’hui être proférée dans les grands médias sans que cela suscite de réelles réactions en dit long sur l’évolution politique récente, dont le week-end passé fut la parfaite démonstration. 

 

Illustration 1

Lors de la manifestation contre la loi immigration à Paris le 29 avril 2023. © Photo Nicolas Liponne / Hans Lucas via AFP

Dans le Journal du dimanche, trois chefs de LR ont réalisé une interview commune pour présenter non pas un mais deux textes sur l’immigration. Sur la photo de couverture, le président du parti, Éric Ciotti, le chef des député·es Olivier Marleix et son homologue au Sénat Bruno Retailleau s’affichent en costume-cravate pour dérouler des propositions qui n’ont rien à envier à celles du RN.

Pour Éric Ciotti, il s’agit de « changer totalement de cadre en matière de politique migratoire » grâce à un « projet de rupture, à la fois audacieux et sérieux, pour mettre un coup d’arrêt à l’immigration de masse ». Car, poursuit-il, « ce qui est en jeu, c’est la subsistance de notre nation, sa cohésion ». « Le chaos migratoire conduit à l’insécurité, à la partition et au chaos politique », résume quant à lui Bruno Retailleau. 

Les trois responsables LR appellent à faire « sauter les verrous qui contredisent la volonté populaire ». Ils proposent, dans un premier texte, de « modifier la Constitution afin de restaurer notre souveraineté en matière migratoire », notamment en permettant la tenue d’un référendum sur le sujet et en donnant la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen quand « les ­intérêts fondamentaux de la nation » sont en jeu.

Copié-collé du RN

Un second texte annoncé par les trois hommes au costume bleu propose un durcissement des conditions d’accès à l’aide médicale d’État (AME), au regroupement familial, au droit d’asile ou encore aux prestations sociales pour les étrangers et les étrangères, le rétablissement d’un délit pour séjour clandestin et le retour de la double peine. « Nous faisons ce que personne n’a osé depuis quarante ans », se réjouit même Éric Ciotti.

Alerte au copié-collé, ont immédiatement répondu les cadres du RN. Dans un fil Twitter, Pierre Charron, collaborateur parlementaire du parti d’extrême droite, dénonce une « copie quasi totale du programme de Marine Le Pen (jusqu’ici “irréaliste” et “pas crédible” [émoji clown]) ». 

Il est vrai que Marine Le Pen proposait en 2022 d’inscrire « la supériorité du droit constitutionnel français sur le droit européen », tout comme elle insistait sur l’assimilation à « la communauté nationale » comme un prérequis pour accéder à la nationalité française, ou comme elle proposait, déjà, d’éloigner les étrangères et étrangers « représentant une menace »

Le 9 mai encore, sur Sud Radio, l’ex-candidate d’extrême droite à la présidentielle expliquait qu’il fallait « mettre en place une politique d’immigration qui bloque les jurisprudences ou les textes internationaux qui empêchent de lutter contre l’immigration, et une politique dissuasive d’immigration, en arrêtant les pompes aspirantes sociales »

De son côté, Éric Zemmour a jugé sur RTL qu’il y avait des choses « très intéressantes » et des « points positifs » dans les propositions de LR, et constaté, non sans satisfaction, que la droite « vient sur [ses] thèmes ». Certes, l’ancien candidat à la présidentielle a tout de même relevé des « ambiguïtés » et même des « renoncements », notamment dans le fait que LR n’a « toujours pas renoncé à ce que Nicolas Sarkozy appelait “l’immigration choisie”, qui est en fait un piège »

Nos compatriotes attendent de la fermeté, de la fermeté et de la fermeté. Alors soyons basiques : faisons de la fermeté.
Bruno Le Maire, ministre de l’économie

Que pense la droite macroniste de ces propositions de la droite d’opposition ? Pas grand-chose dans l’immédiat du côté du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, qui semble pris de court, alors qu’il devait lui-même lancer dans les prochains jours des consultations sur sa propre loi « immigration » – le texte étant en stand-by au Sénat depuis le mois de mars. 

Un texte annoncé, puis retiré, puis découpé, puis annoncé à nouveau dans l’agenda des cent jours d’Élisabeth Borne pour sortir de la séquence retraites. Mais, surtout, un texte censé trouver un équilibre avec la prétendue « aile gauche » de Renaissance en proposant de faciliter à la fois l’expulsion des étrangères et étrangers délinquants, mais aussi la régularisation des travailleurs et travailleuses sans papiers dans les métiers dits « en tension ».

L’entourage du ministre de l’intérieur a fait savoir qu’un compromis restait possible avec LR, arguant que certaines propositions du parti d’Éric Ciotti figurent déjà dans le texte du gouvernement et que d’autres peuvent être étudiées. Son collègue de l’économie, Bruno Le Maire, s’est voulu beaucoup plus transparent. Lors d’un bureau exécutif de Renaissance, il a appelé les macronistes à être « clairs sur la politique migratoire », rapporte rapporte Le Figaro. « Nos compatriotes attendent de la fermeté, de la fermeté et de la fermeté. Alors soyons basiques : faisons de la fermeté », aurait-il ajouté.

Un « centre » bien à droite

Sacha Houlié, président Renaissance de la commission des lois à l’Assemblée nationale, a quant à lui dénoncé des « effets d’annonce » de la part de LR. « Il faut qu’ils viennent négocier plutôt que de pérorer, a-t-il dit à l’AFP, qu’ils nous disent ce qu’ils veulent, ce qui est faisable, plutôt que de déclarer dans le JDD des choses dont ils savent pertinemment que ça n’a aucune aucune pertinence et aucune chance de prospérer. »

Dans le viseur du député : la proposition de loi constitutionnelle de LR et son refus catégorique du dispositif gouvernemental sur les métiers en tension. Sauf que sa sortie n’a pas forcément été jugée pertinente. « Houlié a été un peu raide, le verbe “pérorer’ n’était peut-être pas nécessaire », a jugé un ministre auprès de Politico. Un conseiller ministériel relève dans L’Opinion : « Sans la majorité, il n’y aura pas de texte sur l’immigration. Sans LR, ce sera extrêmement difficile. » Une sorte de balle au centre, avec un centre bien à droite, ce qui n’a rien d’étonnant.

Sur le sujet de l’immigration, on peut même parler d’une certaine constance chez Renaissance. Déjà en 2019, le chef de l’État, Emmanuel Macron, clamait sur Europe 1 que « la France ne doit pas être trop attractive ». S’il jugeait une suppression pure et simple de l’AME « ridicule », il se prononçait néanmoins pour une évaluation de l’impact et du coût de ce dispositif.

« Est-ce qu’on rembourse à 100 % tout ce qui est nécessaire d’être remboursé et est-ce qu’il n’y a pas parfois, un peu, des excès ? », avait fait mine de s’interroger le président de la République. « Il y a des dérives, ou en tout cas un contournement de la procédure de demande d’asile », avait-il également déclaré. Avant d’ajouter : « On a une explosion des entrées qui sont liées au sujet sanitaire, avec des gens qui viennent pour se faire soigner en France. Ça, ce sont des sujets que l’on doit regarder et auxquels il faut apporter des solutions. »

Des mots qui résonnent parfaitement avec ceux tenus par Nicolas Sarkozy en 2010, lors de son funeste discours de Grenoble. Dénonçant « cinquante années d’immigration insuffisamment régulée qui ont abouti à un échec de l’intégration », il y avait proposé d’« évaluer les droits et les prestations auxquelles ont aujourd’hui accès les étrangers en situation irrégulière »

Le même Nicolas Sarkozy qui avait créé, à son arrivée à l’Élysée en 2007, un « ministère de l’immigration et de l’identité nationale », mettant en orbite politique un thème jusque-là réservé à l’extrême droite la plus radicale. Le même qui murmure encore aujourd’hui à l’oreille d’Emmanuel Macron, en dépit de ses déboires judiciaires à répétition

La France ne doit pas être trop attractive.
Emmanuel Macron, président de la République

Cette radicalisation à grande vitesse des droites ne serait pas si grave si elle ne se payait que de mots. Or, ces dernières semaines, nous sommes passés des mots aux actes. 

À Saint-Brevin, en Loire-Atlantique, un maire a dû démissionner, menacé par l’extrême droite pour la seule raison que l’État voulait y déménager un centre pour demandeurs et demandeuses d’asile. 

À Paris même, l’association Utopia 56, qui occupe une école dans le XVIe arrondissement pour y loger 400 mineurs isolés, doit faire face à la pression physique de militants d’extrême droite.

À la frontière franco-italienne, 50 policiers et gendarmes « supplémentaires » ont été déployés fin avril pour faire « face à une pression migratoire accrue », avait annoncé Élisabeth Borne, évoquant aussi la création d’une « border force », une force aux frontières.

À Mayotte enfin (voir notre dossier), où des observateurs, comme la Ligue des droits de l’homme, jugent que la vaste opération antimigrants lancée par le ministre de l’intérieur augure le pire pour la métropole. D’autant que chacun y va de son propos.

C’est Éric Ciotti qui cite Mayotte, où « les personnes en situation illégale sont désormais majoritaires », pour mieux dire que « si on n’y met pas un coup d’arrêt, la métropole peut suivre le même chemin dans les décennies à venir ». C’est Éric Zemmour qui insiste : « Mayotte, c’est l’avenir de toute la France. » C’est Gérald Darmanin qui propose de restreindre une fois de plus le droit du sol à Mayotte, alors qu’il a déjà été restreint en 2018, car cette « loi est devenue insuffisante ». Et répète là une proposition de Marine Le Pen.

Cette radicalisation à grande vitesse des droites ne serait pas si grave, enfin, si la gauche n’était pas aussi inaudible sur ces questions. Selon un décompte – forcément succinct – de Libération, un seul élu de gauche, l’écologiste Damien Carême, s’est rendu à Mayotte ces dernières semaines pour y dénoncer la politique du gouvernement. À Saint-Brevin, la gauche a organisé une manifestation de soutien au maire… quinze jours après sa démission (elle aura lieu mercredi 24 mai). Quinze jours pendant lesquels l’extrême droite, elle, a continué de prospérer à grande vitesse.

 


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