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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Juliette Bénézit - 25/05/2023

Un temps suspendue, l’opération lancée par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a débuté lundi avec la destruction du bidonville Talus 2. Tous les doutes ne sont pourtant pas levés au sujet du relogement des familles expulsées.

Un temps suspendue par la justice, l’opération « Wuambushu », voulue par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a finalement débuté lundi 22 mai à Mayotte. En présence des médias et du préfet de l’île, Thierry Suquet, les pelleteuses sont entrées en action pour détruire les habitations des quelque soixante-dix familles qui habitaient dans le quartier Talus 2, un bidonville situé dans la ville de Koungou, dans le nord de Mayotte. Les services de l’Etat y ont dénombré « 162 cases à démolir »« 162 cases à démolir », selon le préfet du département, territoire le plus pauvre de France et en proie à des violences chroniques.

Conçue au ministère de l’intérieur, validée par le président de la République en conseil de défense, l’opération sécuritaire « Wuambushu » poursuit une triple mission : l’expulsion des immigrés en situation irrégulière, majoritairement originaires de l’archipel des Comores, voisin, souvent installés dans des quartiers insalubres de Mayotte ; le démantèlement des habitats dits informels, et enfin l’arrestation de délinquants. Les objectifs avancés par Gérald Darmanin sont ambitieux : l’Etat entend détruire « mille bangas [maisons de tôle] » dans un délai de « deux mois ».

L’opération « Wuambushu », dont la destruction du quartier Talus 2 se veut le fer de lance, est soutenue par la majorité des élus locaux et par une partie de la population, mais elle est dénoncée par les associations, qui la jugent « brutale », « antipauvres » et estiment qu’elle viole les droits des migrants. Sur le terrain, sa mise en œuvre pose toute une série de questions : sur quelle base légale reposent ces démolitions ? Comment se déroulent les opérations ? Qui se voit proposer une solution d’hébergement ? Dans quels types de logement sont envoyées les familles et pour combien de temps ? Tour d’horizon.

Le cadre légal de la démolition de Talus 2

L’article 197 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) prévoit que l’Etat peut, à Mayotte et en Guyane, par arrêté, ordonner aux occupants d’évacuer leur lieu d’habitation et aux propriétaires de procéder à leur démolition lorsque des « locaux ou installations édifiés sans droit ni titre » présentent « des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ». La loi prévoit également qu’« une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant » doit être faite par les services de l’Etat, au moins pour les personnes en situation régulière.

Ces dernières semaines, l’opération « Wuambushu » attire l’attention du fait de son ampleur, des moyens qui lui sont alloués et de la communication ministérielle à son sujet, mais l’Etat procède déjà, depuis plusieurs années, à des démantèlements de bidonvilles similaires dans le cadre autorisé par la loi ELAN. Affichant un objectif de lutte contre l’habitat insalubre, la préfecture de Mayotte a ainsi ordonné la démolition de 1 652 bangas en 2021, et de 434 autres en 2022.

Chaque arrêté de démolition pris par la préfecture fait l’objet d’une bataille juridique féroce entre les habitants et les associations d’une part, qui en contestent la légalité, et l’Etat d’autre part. Le début de l’opération « Wuambushu », prévu pour le 25 avril, a notamment été retardé par plusieurs décisions de justice, dont l’une relevait l’insuffisance des propositions de relogement faites aux habitants expulsables. Le tribunal administratif de Mayotte est finalement revenu sur cette suspension le 13 mai, estimant avoir reçu des « éléments nouveaux » présentés par la préfecture.

Enquêtes et interpellations avant les démolitions

Le début officiel des travaux de démolition de Talus 2, lundi, intervient après plusieurs semaines pendant lesquelles les services de l’Etat ont préparé l’évacuation des lieux. La préfecture a notamment mandaté un organisme, l’Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (Acfav), dont la mission est de réaliser des enquêtes sociales.

« L’association a effectué des recensements au sein des habitations : combien de personnes il y a, quelle est leur situation administrative, professionnelle, combien il y a d’enfants, est-ce qu’ils sont scolarisés… », rapporte Daniel Gros, membre de la Ligue des droits de l’homme à Mayotte. L’Acfav est censée, à cette occasion, avoir notifié une proposition de logement aux personnes françaises et aux étrangers en situation régulière. Mais la démarche n’est pas toujours comprise. « Les gens, qui habitaient ici depuis trente ans pour certains, qui pouvaient avoir un emploi à proximité et les enfants scolarisés, étaient en panique et n’y comprenaient rien », constate M. Gros.

En ce qui concerne les personnes en situation irrégulière, des interpellations ont eu lieu en vue d’une expulsion vers leur pays d’origine, principalement les Comores, selon la préfecture. Cet objectif a néanmoins été contrarié par le refus de coopérer des autorités comoriennes, qui ne reconnaissent pas la souveraineté française sur Mayotte et se disent incapables d’absorber le retour des très nombreux migrants en situation irrégulière. Le 24 avril, elles ont décrété la fermeture de leurs ports pour protester contre la volonté des autorités françaises d’expulser massivement des Comoriens.

Le ferry Maria-Galanta, qui assure leur retour, n’a repris ses rotations que le 17 mai. Mais « la situation reste floue sur les personnes dont les Comores acceptent le retour », explique Vittoria Logrippo, déléguée nationale dans la région de l’océan Indien de l’association d’aide aux migrants La Cimade. Le gouvernement des Comores a confirmé, le 15 mai, qu’il n’accueillerait que les Comoriens en situation irrégulière qui sont volontaires pour rentrer au pays. « De notre côté, on redoute des atteintes aux droits des personnes de plus en plus graves avec la reprise des expulsions », affirme Mme Logrippo.

Les familles peuvent être relogées provisoirement

Les services de l’Etat ont proposé aux habitants évacués des places dans des logements dits « d’insertion », pour une durée de six mois renouvelables, assure la préfecture de Mayotte. Durant cette période, un travail est effectué en collaboration avec les associations et la mairie de Koungou pour trouver des solutions pérennes de logement. A ce stade, quarante-huit familles de Talus 2 – environ la moitié des habitants – ont accepté la proposition de relogement des autorités, d’après les données de la préfecture.

Les associations posent néanmoins la question des moyens lors des démolitions de bidonvilles. « Il n’y a pas assez d’hébergements pour tout le monde », soutient l’avocate Fanny Sarasqueta, qui a défendu vingt familles du bidonville Talus 2. « On a obtenu des moyens et on ouvre des places d’hébergement supplémentaires », se défendait Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l’habitat illégal auprès du préfet de Mayotte se défendait Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l’habitat illégal auprès du préfet de Mayotte, dans un article du Monde publié en avril. Elle insistait sur le quadruplement du parc d’hébergement en trois ans, passé de cinq cents à plus de deux mille places.

A l’issue de la prise en charge au sein des hébergements d’insertion, « l’accès au logement social reste très compliqué, souligne cependant Me Sarasqueta. Pour certaines familles, c’est le flou total. »

L’errance des familles qui refusent les logements

A Talus 2, comme dans les autres bidonvilles démolis à Mayotte ces dernières années, un nombre important de personnes refusent les solutions de relogement proposées par l’Etat. Selon les données de la préfecture, en 2022, 434 cases en tôle ont été détruites, en application des dispositions de la loi ELAN. Au sein de ces habitations, 188 enquêtes sociales ont été réalisées et seulement quarante-quatre personnes ont été hébergées. En 2021, 1 652 cases ont été détruites. A cette occasion, 2 725 personnes ont fait l’objet d’une enquête sociale, parmi lesquelles 522 ont été hébergées.

« Le plus souvent, les habitants acceptent le relogement sur le principe. Mais c’est quand le logement est présenté concrètement qu’ils refusent, détaille Daniel Gros, de la LDH. Les habitants ont toute leur vie sur place. Or, ils peuvent être envoyés à l’autre bout de l’île. A Mayotte, c’est notamment très compliqué de scolariser les enfants ailleurs, surtout quand on est étranger. » M. Gros poursuit : « Dans ce cas, les gens se débrouillent par eux-mêmes, notamment pour récupérer leurs biens en amont des démolitions. Des quartiers entiers ont parfois été totalement démontés avant même l’arrivée des bulldozers. »

Chacun tente alors de trouver une solution à l’échelle individuelle, au risque que de nouveaux bidonvilles se reforment ailleurs. Sur ce point, la préfecture de Mayotte n’a pas souhaité faire de commentaire.

 


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