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Source : le monde - Jules Lepoutre, Serge Slama et Catherine Teitgen-Colly - 28/05/2023

Jules Lepoutre, Serge Slama et Catherine Teitgen-Colly, tous trois professeurs de droit public, redoutent, dans une tribune au « Monde », les transformations que devrait apporter le projet de loi sur l’immigration à la Cour nationale du droit d’asile. Un juge unique pourrait bientôt y statuer seul.

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) rend, en principe, ses décisions en formation collégiale, composée d’un magistrat professionnel et de deux assesseurs, dont l’un désigné par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’autre par le vice-président du Conseil d’Etat.

Si le projet de loi asile-immigration, déposé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, en décembre 2022, n’évoluait pas sur ce point, cette composition singulière, qui contribue à la spécificité du système français d’asile, pourrait disparaître. Un juge unique pourrait, seul, décider du sort du demandeur d’asile, alors qu’il est toujours préférable de laisser le temps de la délibération en commun.

L’avenir de cette réforme de l’asile, après les tergiversations de l’exécutif et les pressions des Républicains, est pour le moment incertain. Mais cette évolution présentée comme seulement technique et procédurale pourrait bien se retrouver devant les parlementaires à brève échéance. Elle met pourtant en cause une garantie essentielle du contentieux de l’asile dans des domaines où, bien souvent, la vie d’hommes et de femmes est en jeu.

L’enjeu de chaque décision

Dans Le Chemin des morts (Gallimard, 2013), François Sureau rend compte de l’extrême difficulté de la fonction de juger à propos des terribles doutes qu’il éprouva alors que, jeune rapporteur à la Commission de recours des réfugiés – qui deviendra la CNDA –, il dut conclure sur le retrait du statut de réfugié d’un militant basque espagnol menacé par des officines franquistes dans les années 1980.

Maintenir son statut de réfugié ou rejeter la requête ? Les juges rejettent finalement la demande de protection. L’Espagne est devenue démocratique et les militants basques ne sont apparemment plus en situation de risque. Peu de temps après, rentré en Espagne, ce militant est assassiné. L’expérience tient du traumatisme pour l’auteur. Voilà ce qui se joue au fil de toute décision : le doute sur chaque situation individuelle et le vertige des conséquences potentielles en cas de renvoi dans le pays d’origine.

 

En effet, la demande d’asile est le récit d’une violence condamnant au déracinement. En raison des contraintes liées à l’exil, la demande repose peu sur des preuves matérielles. Tout se joue sur l’appréciation écrite et surtout orale du récit que le demandeur d’asile donnera des craintes de persécutions en cas de retour dans son pays d’origine.

L’importance de la décision collégiale

Alors, comment apprécier le risque de torture d’un opposant politique à un régime autoritaire ? Et l’homosexualité d’un demandeur qui, pour cette raison, risque la peine de mort dans son pays d’origine ? Et le risque de mutilation génitale d’une femme prétendant être originaire d’une région où l’excision est pratiquée ? Comment démêler, dans ces récits, ce qui justifie une protection et ce qui doit, au contraire, conduire à l’écarter ?

Devant la CNDA, des chambres de trois juges sont, pour le moment, encore appelées à statuer sur les demandes de reconnaissance d’une protection internationale (statut de réfugié et protection subsidiaire) ou nationale (asile constitutionnel), à la suite d’une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

 

Au sein de cette formation collégiale, ces trois juges statuent, en commun et à égalité, sur le risque de persécution en cas de retour dans le pays d’origine. Cette singularité est le fruit d’un compromis politique bâti en 1952 : la convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié, dont le HCR assure la garde, fonde la participation de cet organe des Nations unies à la justice de l’asile.

Mise à l’écart des assesseurs du HCR

Dans une formation à juge unique, en revanche, seul siège le juge professionnel. Les assesseurs désignés par le HCR et le Conseil d’Etat seraient évincés de la majeure partie des affaires, sauf si le magistrat estime, au cas par cas, qu’une question justifie de convoquer une formation collégiale. Alors que 67 000 décisions ont été rendues l’année dernière, selon le rapport d’activité 2022 de la CNDA, par 200 juges professionnels et 320 juges assesseurs, ces derniers sont donc proches de perdre leur place centrale dans le système de protection.

En particulier, les 160 assesseurs désignés par le HCR seraient écartés de la procédure. Cela revient à exclure la précieuse expertise de cette institution onusienne, alors même que la CNDA a, selon le Conseil constitutionnel, « vocation à mettre en œuvre la protection des réfugiés résultant d’engagements internationaux souscrits par la France ».

Certes, sur l’ensemble des affaires jugées en 2022 par la CNDA, seules 38 000 l’ont été en formation collégiale. C’est donc un peu plus d’une affaire sur trois qui se trouve déjà entre les mains d’un juge unique. Mais ce traitement ne concerne actuellement, pour les affaires audiencées, que les demandeurs d’asile placés en procédure accélérée, le plus souvent originaires de pays d’origine sûrs, pour lesquels il existe une présomption défavorable lors de l’examen de leur demande d’asile.

Des décisions prises de façon solitaire et silencieuse

Si la réforme proposée était adoptée, compte tenu de la pression exercée sur cette juridiction pour réduire ses délais de jugement (actuellement de six mois), on peut craindre qu’à brève échéance une large majorité des affaires audiencées ne soient traitées par un juge unique. Pour défendre cette régression, le gouvernement s’appuie principalement sur la déconcentration projetée du contentieux de l’asile : la Cour nationale du droit d’asile, aujourd’hui basée à Montreuil (Seine-Saint-Denis), serait dotée de chambres territoriales pour se rapprocher géographiquement des justiciables et de leurs avocats (comme d’ailleurs l’Ofpra, au sein des pôles territoriaux chargés de l’asile).

L’étude d’impact mentionne qu’il serait difficile, sinon impossible, de recruter localement les juges assesseurs chargés de siéger avec le magistrat professionnel. L’ensemble tient plus du prétexte que du diagnostic : les régions ne manquent certainement pas de « personnalités qualifiées » pour siéger et les Parisiens peuvent se déplacer. C’est, comme d’habitude dans les réformes de la justice, l’accélération des délais de jugement et la réduction des coûts qui justifient, à n’en pas douter, cette évolution.

La collégialité est pourtant primordiale pour s’assurer, positivement, du niveau d’expertise juridique mais aussi factuelle de la situation du demandeur. Elle l’est encore pour garantir l’indépendance et l’impartialité des juges : la délibération en commun garantit que chaque membre de la formation de jugement s’est bien départi, au maximum, de ses biais et préjugés. Les juges ne sont pas infaillibles ; les enjeux sont graves. La garantie de notre système d’asile tient dans la réflexion plurielle et collégiale, pas dans la décision solitaire et silencieuse.

 


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