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Source : Le Monde - Louise Couvelaire - 27/03/2022

REPORTAGE | A Paris, la communauté ukrainienne d’Ile-de-France se mobilise pour faire envoyer dans leurs pays des produits de première nécessité, du matériel médical et militaire.

Les marchroutki sont au rendez-vous, comme tous les samedis, garées le long du boulevard Vincent-Auriol, à Paris (13e arrondissement), aux alentours de la station de métro Chevaleret. En Ukraine, et dans les autres pays de l’ex-Union soviétique, c’est ainsi que l’on appelle ces camionnettes qui servent tantôt de taxis collectifs tantôt de moyens de transport de marchandises informels et low cost à travers l’Europe.

Elles sont six, en ce matin du 26 février. Elles sont arrivées la veille, la plupart de la ville de Tchernivtsi (près de la frontière roumaine), après avoir parcouru 2 000 kilomètres en un peu plus de vingt-quatre heures chargées de leurs cargaisons habituelles – plus d’une tonne de biscuits sucrés, carpes séchées, cornichons, graines de sarrasin, et de colis, des milliers de colis emballés dans des cartons, des sacs, des valises. Le tout est empilé à même le bitume, sous les rails du métro aérien, en attendant que leurs destinataires viennent les récupérer.

Le direct de dimanche 27 février : Les forces russes progressent dans le pays, le président Zelensky accuse la Russie de viser des habitations

Dimanche, les marchroutki sont reparties, à midi, comme toujours. Cette fois-ci, elles ont été lestées d’un chargement exceptionnel : médicaments, sacs de couchage, brosses à dents, paires de chaussettes, Doliprane, matériel médical… « Pour le retour, nous ne prenons que des colis destinés à l’aide humanitaire, gratuitement », explique Ihor T., âgé de 44 ans, patron de trois camionnettes.

La communauté ukrainienne se mobilise pour faire des allers-retours entre la France et l’Ukraine afin d’apporter des cargaisons de nourriture et de fournitures essentielles en Ukraine. Paris, le 26 février 2022. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

 

Du matériel médical dans l’un des colis en partance pour l’Ukraine. Paris, le 26 février 2022. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Cela fait plus de quinze ans que ce chauffeur-entrepreneur est dans le business des marchroutki entre l’Ukraine et la France (d’autres se postent ailleurs à l’arrivée, aux abords de certaines places et portes de Paris). Quinze ans qu’il fait l’aller-retour chaque week-end pour livrer à ses compatriotes expatriés friandises made in Ukraine et marchandises expédiées par leurs familles à un prix imbattable : un euro le kilo.

« J’aurais honte de rester ici »

Ihor T. et ses chauffeurs sont partis un peu plus d’une heure avant le début de l’offensive russe, à 3 heures du matin dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 février. Ils sont passés par la Pologne juste avant la fermeture des frontières, avant que les autorités ukrainiennes n’interdisent aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le pays, dans l’éventualité de leur mobilisation. « Je ne sais pas si nous pourrons rentrer, je ne sais pas si nous pourrons revenir le week-end prochain, mais en tout cas nous allons essayer de rapporter un maximum de produits dont l’armée ukrainienne a besoin », assure-t-il.

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Déjà, il regroupe les premiers dons apportés par ses clients. Il y a Roman D., entrepreneur dans le bâtiment, et Natalia V., commerciale dans un hypermarché, tous deux âgés de 43 ans, installés à Paris depuis vingt ans, qui déchargent de leur break Audi noir une quinzaine de cartons contenant des appareils de perfusion et des poches d’émulsions récupérés auprès d’une association. Ils refusent de donner leurs noms de famille, ils craignent les services de renseignement du « monstre Poutine ».

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Il y a aussi Oléna Shakhvorostova, qui a 17 ans. Etudiante en histoire de l’art et en archéologie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne depuis septembre 2021, elle a dépensé la totalité de ses économies (500 euros) pour acheter trente boîtes de Doliprane, des conserves, des produits désinfectants, des serviettes hygiéniques – « il n’y en a plus à Kiev ». Elle a rassemblé ses achats dans un grand sac qu’elle dépose aux pieds d’Ihor T. « Je n’ai plus d’argent, je vais me trouver un travail pour pouvoir acheter plus et envoyer plus », lance-t-elle.

En vingt-quatre heures, les dons ont été si nombreux que les marchroutki n’y ont pas suffi. Le frère et associé d’Ihor T., basé à Tchernivtsi, a fait affréter deux bus pour transporter vers l’Ukraine cinq tonnes de marchandises et quarante hommes désireux de rejoindre au plus vite l’armée ou leurs familles. Ils sont partis de la station Chevaleret dimanche matin, à 8 h 30.

Oléna Shakhvorostova, 17 ans, est venue, ce 26 février 2022, apporter un colis pour soutenir ses compatriotes ukrainiens. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

 

Associations, particuliers, églises, ambassade… Les initiatives et les élans de solidarité se multiplient au sein de la communauté ukrainienne de France. Sur les réseaux sociaux, on lance des appels au covoiturage – « J’aurais honte de rester ici », lance Bohdan, âgé de 28 ans, ouvrier dans le bâtiment, en France depuis un an et demi, qui cherche le moyen de faire la route à moindres frais avec cinq copains. On transmet des « listes » de matériel – militaire et médical – qui manquent déjà aux soldats et aux blessés. On met en ligne des cagnottes pour récolter de l’argent et on constitue des réseaux d’hébergement d’urgence.

« Nous attendons un afflux considérable de réfugiés dans les prochains jours ou les prochaines semaines, nous voulons nous préparer », témoigne Dmytro Atamanyuk, âgé de 40 ans, fondateur en 2014 de l’association Aide médicale et caritative France-Ukraine. Il a envoyé une centaine de semi-remorques et près de 1 000 tonnes de matériel médical (lits, mobilier, tables d’opération, etc.) vers l’Ukraine en sept ans. A peine vingt-quatre heures après le début de l’opération militaire russe en Ukraine, il croulait déjà sous la demande d’aide humanitaire d’urgence : ambulances, garrots, civières… De 10 bénévoles, il est passé à 100. Selon l’ONU, la guerre en Ukraine pourrait provoquer l’exode de 5 millions de personnes, dont plus de la moitié en Pologne.

Entre 80 000 et 100 000 Ukrainiens en France

« Avec notre soutien, avec notre mobilisation, on va résister à l’agression russe. » Iryna S. veut y croire. A 32 ans, la jeune femme, doctorante en économie de la santé, et son mari, tous deux originaires de Lviv, ville située à 70 kilomètres de la frontière polonaise, n’ont qu’une idée en tête : rejoindre leur pays. La Peugeot 308 du couple est prête pour le départ. « Je dois y aller, je dois y aller », martèle Iryna. Avant son départ, elle veut acquérir un maximum de produits figurant sur une liste fournie par une association détaillant les besoins en matériel militaire. Alors, samedi après-midi, elle s’est rendue avec 2 000 euros à Melun (Seine-et-Marne) dans un surplus afin de faire l’acquisition de casques, de sacs à dos militaires, de garrots tourniquets tactiques…

« La communauté ukrainienne a l’habitude de ne compter que sur elle-même », commente Alla Lazareva, journaliste ukrainienne en poste à Paris

« La diaspora s’est toujours sentie la responsabilité d’aider l’Ukraine et la communauté ukrainienne a l’habitude de ne compter que sur elle-même », commente Alla Lazareva, journaliste ukrainienne en poste à Paris, croisée alors qu’elle venait récupérer un colis à la station de métro Chevaleret. La communauté compterait entre 80 000 et 100 000 personnes en France, dont 30 000 en Ile-de-France (dont près de la moitié serait sans papiers), selon les estimations « au doigt mouillé » de Borys Gudziak, ancien évêque de l’église gréco-catholique ukrainienne de Paris (entre 2012 et 2019), aujourd’hui archevêque ukrainien de Philadelphie, aux Etats-Unis, en visite en France.

Forte de 4 millions de fidèles en Ukraine (soit 10 % de la population), l’église catholique ukrainienne, de rite byzantin, « est davantage présente dans les régions occidentales du pays où les candidats au départ vers l’Europe de l’Ouest sont plus nombreux », avance le père Roman Ostapiuk, âgé de 35 ans, de l’éparchie (diocèse) de Vincennes (Val-de-Marne), qui vient de souffler ses cinq bougies et compte une centaine de fidèles réguliers.

Selon une étude menée en 2018 par l’Université catholique d’Ukraine pour le compte de la cathédrale Saint-Volodymyr-le-Grand, dans le 6e arrondissement parisien, plus de 75 % des migrants ukrainiens en Ile-de-France seraient originaires des régions de l’ouest de l’Ukraine. Conséquence, explique le père Ostapiuk : « Il n’y a que trois églises orthodoxes ukrainiennes en France à ma connaissance, alors que nous comptons quatre églises gréco-catholiques en Ile-de-France, et d’autres à Marseille, Nice, Lyon, Strasbourg, Lille, Metz… ». Les Ukrainiens gréco-catholiques représenteraient 53 % des Ukrainiens de la région parisienne. « Chaque fois qu’un régime russe s’est emparé d’une partie de l’Ukraine, notre Eglise a été persécutée et détruite, rappelle Borys Gudziak. Nous avons déjà vécu ça et nous avons survécu. Nous survivrons encore. »

Au pied de la station de métro Chevaleret, des hommes chargent des colis à destination de l’Ukraine. Paris, le 26 février 2022. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

« Nous défendons les valeurs européennes »

Souvent d’origines modestes, précaires, nombre d’hommes travaillent dans le bâtiment (plus de 73 %) tandis que les femmes s’occupent de personnes âgées, d’enfants ou sont employées pour faire le ménage (près de 60 %). Ainsi d’Ilona Oryshchuk, qui a 32 ans, originaire de la ville de Ternopil, dans l’ouest de l’Ukraine, en France depuis dix ans, aujourd’hui auxiliaire de vie. « En Ukraine, il y a des villages où tout le monde part en France dans le but de gagner un peu d’argent, d’autres où tout le monde part en Italie… Il y a davantage de bus qui circulent entre Obertyn [un village au sud de Ternopil] et la France qu’entre Obertyn et Kiev. Dans le village de mon amoureux, c’était la France, alors on est partis en France. » Mais elle n’a toujours pas de papiers. Elle vient de déposer une demande pour en obtenir.

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Depuis 2017 et la décision du Conseil de l’Union européenne de dispenser les citoyens ukrainiens de visa de court séjour pour la France et l’espace Schengen, nombre de travailleurs du bâtiment fonctionnent en binômes et en roulement tous les trois mois. Ils se relaient sur les chantiers, souvent dirigés par des Polonais. « Mon frère est là depuis sept ans, il parle mieux polonais que français ! », sourit Ilona Oryshchuk, qui, avec son groupe de mères des scouts ukrainiens, s’organise pour acheter des médicaments, récupérer des sacs de couchage et des couvertures, du savon, du dentifrice… « Nous avons l’impression de ne pas être soutenus par l’Occident », regrette-t-elle.

« Nous défendons les valeurs européennes, nous faisons face à l’un des tyrans les plus sanglants de la planète, à l’une des armées les plus puissantes du monde, et nous sommes seuls, on nous laisse seuls, rugit Oléna Shakhvorostova, l’étudiante. Les armes et l’aide humanitaire ne suffisent pas, on veut la défense de l’OTAN. » Ce sentiment d’abandon est largement partagé par les Ukrainiens de France.

 

 


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