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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Lucie Soullier - 20/03/2022

Près de 1 800 « déplacés » ukrainiens sont déjà arrivés dans les Alpes-Maritimes. La ville de Nice et les bénévoles s’affairent pour fournir repas, vêtements et logements, mais ils se disent débordés.

Des Pom’Potes. Une conserve de légumes. Une soupe en poudre. Alina Ostaschenko a les yeux dans le flou pendant que son mari attrape l’aide alimentaire délivrée par la métropole de Nice, dans l’atrium de l’ancien hôpital Saint-Roch. Sa tablette serrée tout contre elle, la trentenaire a du mal à dire d’où elle vient sans que son regard clair ne s’embue. Alors elle va montrer pour que l’on comprenne bien.

Elle fait défiler les photos de Kharkiv, cette ville de l’est de l’Ukraine qu’elle a abandonnée aux bombardements russes le 8 mars. Sa ville. Vous voyez cette brasserie bleue qui fait l’angle ? Elle y prenait son petit déjeuner tous les matins. Des ruines s’affichent sur son téléphone. Ici, la rue Pouchkine, « si belle », qui avait survécu à la seconde guerre mondiale. En ruines. Là, elle a bu son dernier café avant de quitter amis, famille, pays. Des ruines, encore, partout. Après une nuit passée dans un parking, elle a fini par s’enfuir avec sa fille, Ouliana. Elle aura 6 ans dans un, deux, trois, quatre, cinq doigts. Soit un peu moins d’une semaine.

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A Kharkiv, Ouliana allait dans une école Montessori, faisait du tennis. Alina, elle, avait réalisé son rêve en créant sa marque de vêtements. « On avait une belle vie, vous comprenez ? » Elle continue à dérouler les anecdotes, comme autant d’illustrations d’une vie bien accomplie. Comme si la guerre ne pouvait pas frapper là. « Je sais ce qu’il se passe là-bas. Mais je n’arrive pas encore à comprendre que c’est réel. » Elle s’arrête net, sidérée. Des tresses s’agitent et un « mama » la ramène aussi sec à Nice, sa nouvelle réalité. Où peut-elle apprendre le français, vite ? « Je commence à comprendre que je n’ai plus de passé. »

« A un moment, ça va craquer »

De l’autre côté de l’atrium, d’autres réfugiés aux destins brisés font défiler des vêtements sur des portants. Fouillent dans des cartons de doudous. Essayent des chaussures rangées par taille sur des tréteaux. Au centre, quelques tables offrent le couvert midi et soir, entre les palmiers et le petit plan d’eau délaissé, sous une verrière hors du temps. Tout est étrangement silencieux. Ici doit s’installer le nouvel hôtel des polices de Nice d’ici à trois ou quatre ans. Les travaux n’ayant pas encore commencé dans cette aile, la ville y a installé, mercredi 16 mars, un lieu d’accueil de jour réservé aux Ukrainiens fuyant la guerre. Ou plutôt un nouveau lieu. Face à l’afflux de réfugiés, il a fallu agrandir, développer, multiplier tant les équipes que les espaces.

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Réfugiés ukrainiens dans l’atrium de l’hôpital Saint-Roch, à Nice, le 16 mars 2022.

Deux restaurants solidaires ont été ouverts. Un gymnase est venu suppléer les hôtels pour les nuits d’urgence. Dès la semaine prochaine, le parc des sports doit être aménagé pour accueillir de 150 à 200 personnes, dans des logements provisoires. « Mais étoffer ne veut pas dire avoir la capacité d’accueillir tout le monde sur notre territoire », insiste Christian Estrosi. Le maire de Nice a lancé un « appel à la solidarité » aux autres départements, mardi 15 mars, quand il s’est rendu compte que, malgré les efforts, les structures de la ville ne pourraient pas tenir dans la durée. « On va monter au maximum de ce que l’on peut faire, mais, à un moment, ça va craquer. Il faut que chacun prenne ses responsabilités », ajoute l’élu ex-Les Républicains (LR).

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Le préfet des Alpes-Maritimes, Bernard Gonzalez, évoque un « desserrement » au niveau régional, avec 150 personnes redirigées vers le Vaucluse et les Hautes-Alpes en deux jours. Sur les 15 000 « déplacés » ukrainiens arrivés en France au 15 mars, 1 800 ont été recensés dans les Alpes-Maritimes par la préfecture. Sur les 100 000 places promises par le gouvernement français au niveau national, combien le département pourra-t-il en assurer ? « Il va falloir tenir sur la durée, mais on a déjà corrigé le tir après quelques jours de débordement », affirme Bernard Gonzalez, ajoutant que les horaires de la préfecture ont été étirés, des guichets ajoutés, quinze contractuels recrutés… Colonies, centres aérés et campings qui pourraient loger des centaines de réfugiés sont en cours de recensement.

De son côté, Véronique Borré, qui pilote l’agence de sécurité sanitaire environnementale et de gestion des risques dans la métropole de Nice, prévient : « Aujourd’hui, on est dépassés. On n’a plus la capacité de les accueillir dignement ici. »

Nouvelles questions, nouveaux besoins

« Débordés. » Le mot est sur toutes les bouches à la Maison pour l’accueil des victimes de Nice. Et il n’y a qu’à observer le tourbillon dès l’entrée pour constater. Ici, une employée de la ville distribue des bons repas en expliquant le chemin pour trouver Saint-Roch. Là, une bénévole de l’Association franco-ukrainienne aide une grande rousse entourée de quatre bambins à remplir sa fiche de coordination. Nom. Prénom. Nombre d’enfants. Traitements médicaux. « Est-ce que tu as besoin de nourriture ? De vêtements ? D’un logement ? » La grande rousse la regarde, perdue. Elle a besoin de tout. « Alors coche toutes les cases. »

 nice refugies ukrainiens 2Des bénévoles et des employés de la métropole aident les familles ukrainiennes à trouver un logement,

se nourrir, et se vêtir, à la Maison pour l’accueil des victimes de Nice, le 16 mars 2022.

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A la Maison pour l’accueil des victimes, une salle est réservée aux enfants avec des jouets mis à leurs disposition,

à Nice, le 16 mars 2022.

Des valises se croisent. Un enfant avec un sac en forme de koala autour du cou s’arrête devant un petit chien tenu précieusement par une jeune femme qui attend devant le bureau de la psychologue. Sa mère le rappelle au loin. Un taxi les attend pour les emmener à l’hôtel qui leur permettra de se reposer quelques nuits, avant qu’on puisse leur proposer un logement plus « durable », comme l’appelle Olivia Finkbeiner. Elle est assistante sociale. C’est son premier jour ici. D’habitude, elle s’occupe des expulsions locatives. Elle a été appelée en renfort.

Entre les nouveaux arrivants et ceux qui reviennent avec de nouvelles questions, de nouveaux besoins, employés de la ville, de la métropole, et bénévoles sont « sur les genoux ». La mère de Yana Arkan veut ouvrir un compte en banque en France. Est-ce seulement possible ? Yana a fêté ses 15 ans dans la voiture qui l’emmenait de Kiev à Nice. Six jours de voyage. Là-bas, elle a laissé son chat, Simba, et ses grands-parents malades. Comment vont-ils ? Comment savoir. Elle sait seulement qu’ils n’ont plus d’eau, plus de nourriture, plus de batterie de téléphone.

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Yana Arkan, à la Maison pour l’accueil des victimes de Nice, le 16 mars 2022.

« Quelqu’un parle ukrainien ou russe ? » Il faudrait expliquer à ces deux enfants que les toilettes sont bien là, mais qu’elles sont occupées. Les bénévoles de l’Association franco-ukrainienne établissent le lien. Sa présidente, Iryna Bourdelles, distribue des gâteaux bleu et jaune avec un « merci » inscrit en sucre pour remercier l’implication de chacun. Elle coordonne, traduit, virevolte entre les questions, en essayant de ne pas penser qu’elle aussi a des proches coincés là-bas. Les larmes montent. « Bon, qui a besoin de quoi ? »

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Evheniia Pekhtiarenko est arrivée il y a une dizaine de jours à Nice. Ici, le 16 mars 2022.

S’adapter à chaque minute

Evheniia Pekhtiarenko est arrivée d’Odessa il y a dix jours. Elle est psychologue, et a trouvé ici une famille pour l’accueillir à Nice, le temps de se retourner. Aujourd’hui, elle a surtout besoin de ne pas tourner en rond, en passant la journée à regarder les « horreurs » qui tombent chaque minute sur sa messagerie, depuis l’Ukraine. Alors elle est revenue aider. Dans le bureau de l’assistante sociale, elle traduit ce qu’elle peut de la vie de Mariia.

Et Mariia a une obsession : il faut absolument qu’elle voie un gynécologue. Elle a perdu un bébé, il n’y a pas très longtemps. Alors elle doit savoir ce qu’il se passe là : elle montre le bas de son ventre en grimaçant. Nouvelle irruption dans le bureau d’Olivia Finkbeiner. On vient annoncer que, désormais, il faut demander à chaque réfugié s’il accepterait d’être hébergé dans un autre département. Tout change si vite, il faut s’adapter à chaque minute. « Ce qui est valable aujourd’hui ne sera pas forcément valable demain », résume l’assistante sociale, en essayant de donner une information qui ne sera pas démentie lorsque Mariia arrivera au guichet suivant.

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A la Maison pour l’accueil des victimes de Nice, le 16 mars 2022.

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L’entrée de la Maison pour l’accueil des victimes, à Nice, le 16 mars 2022.

On remonte la ville comme on remonte le temps. A 10 kilomètres vers l’Italie, des policiers contrôlent chaque plaque d’immatriculation ukrainienne au péage de La Turbie. Près de 10 000 Ukrainiens sont passés par ici depuis le début de la guerre ; 600 rien que la journée du jeudi 17 mars, selon la préfecture des Alpes-Maritimes. Certains s’arrêteront à Nice, la majorité ne fait que passer.

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Premier ralentissement. Une voiture noire, deux passeports ukrainiens. Un couple se dirige vers Malaga, en Espagne. Circulez. Deuxième contrôle, break familial bleu, cinq jours de route depuis le sud de l’Ukraine. Ils sont six, dont un bébé de 2 mois. Troisième vitre baissée, et même sourire inquiet. Une jeune femme aux cheveux orange part, elle aussi, vers l’Espagne avec ses deux enfants. En Pologne, plus personne ne voulait lui louer d’appartement, par peur qu’elle ne puisse plus payer. Elle mise tout sur Marbella, où un ami les aidera. Ses parents sont toujours à Marioupol, ils n’ont pas voulu la suivre quand elle a fui. Laisser toute leur vie là-bas, leur maison, leur vieux chat… « Et maintenant, c’est trop tard. » Les Russes encerclent la ville, ils ont trop peur de se faire tirer dessus en sortant.

 nice refugies ukrainiens 8Nice, le 16 mars 2022, péage de La Turbie, avec les premiers refugiés ukrainiens, contrôle de toutes les voitures en provenance d'Ukraine.

Un van noir approche des policiers français, drapeau ukrainien ventousé sur le pare-brise avant. Sur le siège passager, Liudmyla Rusalina ne mâche pas ses mots contre ces « Russes fous qui tuent même nos enfants ». A l’arrière du van, sa fille de 25 ans, Lisa, raconte les copains coincés à Kiev. Les hommes qui doivent prendre les armes. Les amis d’amis morts d’une rafale de balles alors qu’ils allaient nourrir les animaux de ceux qui ont fui. Les photos d’un autre, que l’on n’aurait jamais cru voir un jour ainsi, en tenue de soldat. Et ce sentiment étrange mêlé de crainte, de fierté et de culpabilité d’être parti pour sauver sa vie. Sans parler de Marioupol, où vit une partie de sa belle-famille. « Il n’y a plus rien là-bas. Ils ont tout détruit. »

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Marioupol, mercredi 16 mars. Une frappe russe a détruit un théâtre, qui abritait des centaines de civils dans son sous-sol, dont des enfants. Est-ce que tous les siens vont bien ? Liudmyla nous envoie un message vocal, jeudi matin, depuis Antibes (Alpes-Maritimes). « A l’instant où je vous parle, tout le monde est sain et sauf. Mais nous n’avons aucune idée de ce qui peut arriver. Et de quand les bombes de ces animaux fous vont finir par tuer quelqu’un que l’on aime, dans un jour, une heure ou même une minute. »

 


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