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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 12/07/2022

Dans un entretien au « Monde », le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a déclaré vouloir expulser « tout étranger » ayant commis des « actes graves ». Un nouveau virage à droite sur l’immigration, dont Marine Le Pen s’est déjà réjouie.

Aller toujours plus loin sur la thématique de l’immigration, pour renvoyer un message de fermeté aux Français·es. Quitte à flirter durant des années avec l’extrême droite, au point de lui permettre d’obtenir des résultats record aux élections présidentielle et législatives (89 sièges à l’Assemblée nationale, tout de même), autant continuer à lui dérouler le tapis rouge une fois le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron entamé.

Samedi 9 juillet, Gérald Darmanin, a déclaré vouloir expulser « tout étranger » ayant commis des « actes graves » dans un entretien accordé au Monde, où il exprime aussi sa volonté de « parler aux tripes des Français ». Le ministre de l’intérieur parle surtout à celles de l’extrême droite, qui aiment tant s’appuyer sur les étrangers pour justifier tous les maux de la société. Depuis des années, cette dernière mélange tous les sujets (à commencer par l’insécurité, le terrorisme et l’immigration) pour satisfaire une partie de l’opinion publique, faisant fi des préoccupations réelles des Français·es – le pouvoir d’achat, l’état des services publics ou l’éducation.

Bingo. Marine Le Pen l’a entendu. La présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée s’est empressée, dimanche, de dire « cent fois oui » à la proposition de Gérald Darmanin, affirmant qu’elle « signerait des deux mains » et soutiendrait ce texte s’il arrivait devant les parlementaires. Après tout, c’est « dans [leur] projet depuis des années », a-t-elle rappelé, avant de saluer, à l’occasion des questions au gouvernement du mardi 12 juillet, le « pas » fait vers son groupe, avec une telle proposition.

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Gérald Darmanin lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, mardi 12 juillet. © Bertrand GUAY / AFP.

En 2019, déjà, Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État en charge de l’égalité femmes-hommes, proposait « d’expulser les citoyens étrangers condamnés pour violences sexuelles » dans ce qui ressemblait à un coup de com’, au lendemain d’un comité interministériel sur l’immigration, poussant Marine Le Pen à abonder dans son sens et à surenchérir sur Twitter.

Entre La République en marche (LREM) et le RN, l’osmose règne depuis un moment déjà. Gérald Darmanin l’a même trouvée trop « molle » et « un peu branlante », à l’occasion d’un débat à Front renversé sur France 2 en février 2021, sur les questions liées à la laïcité et l’islamisme. Et tant pis si cela participait encore un peu plus à dédiaboliser l’extrême droite et son idéologie. Rien d’étonnant, donc, que le ministre de l’intérieur « pioche » dans le programme du RN.

Ce dernier proposait justement, dans un projet de loi sur la « maîtrise de l’immigration et le régime des étrangers en France », que « nul étranger n’ait le droit de se maintenir en France ou d’y revenir s’il a commis des actes illégaux ou contraires aux intérêts nationaux ». « La France a en toutes circonstances le droit souverain d’éloigner tout étranger dont la présence constitue un trouble pour l’ordre public ou une menace pour ses intérêts nationaux », pouvait-on également lire dans ce texte inclus dans le programme de la candidate d’extrême droite.

Mais qu’entend Gérald Darmanin par des « actes graves » ? Le ministre de l’intérieur ne le précise pas. « Un étranger qui ne respecte pas la République doit être expulsé », assène-t-il, avant d’ajouter considérer « les étrangers pour ce qu’ils font, et pas pour ce qu’ils sont », dans une tentative ratée de se démarquer du RN. 2 761 étrangers avec un casier judiciaire ont déjà été expulsés, se targue-t-il, depuis qu’il a été nommé place Beauvau, « dont 60 % sortaient de prison ». Là encore, ni le motif de leur incarcération ni leur statut – étaient-ils en situation régulière ou sans papiers ? – ne sont mentionnés.

Des inégalités face au droit

La mesure, qui devrait être présentée à la rentrée, en même temps que la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), doit ainsi faciliter les expulsions d’étrangers « reconnus coupables d’un acte grave par la justice » en assouplissant les critères permettant leur éloignement, comme l’âge d’arrivée en France. « Aujourd’hui, explique encore Gérald Darmanin, un étranger qui a commis des actes graves n’est pas expulsable dès lors qu’il remplit certaines conditions, comme une arrivée sur le territoire national avant l’âge de 13 ans. »

Si la notion « d’acte grave » reste floue, la mesure vient une nouvelle fois discriminer les étrangers, épousant la dangereuse ligne de la « double peine » dénoncée depuis des décennies par les acteurs du milieu associatif. Auteur de La Double Peine, histoire d’une lutte inachevée (La Dispute, 2006), le sociologue et chercheur au CNRS Lilian Mathieu définit le concept comme le fait « d’assortir, pour le ressortissant d’un pays étranger, une condamnation pénale d’une mesure d’éloignement du territoire administrative », soit via un arrêté d’expulsion décidé par le ministère de l’intérieur ou le préfet, soit via une peine d’interdiction du territoire français (ITF) prononcée par un juge.

Si le concept de « double peine » est autant décrié par les associations de défense des étrangers, c’est parce qu’il crée, de fait, des inégalités de traitement entre citoyens français et citoyens étrangers.

La fin des années 1970 marque, toujours selon Lilian Mathieu, « le passage d’un registre politique-préventif à un registre punitif de l’expulsion », mettant la notion de double peine et la lutte contre cette logique sur le devant de la scène. D’abord créée pour des délits liés au trafic de stupéfiants, la peine d’ITF s’est depuis élargie aux « violences graves », au « travail illégal », à la « fraude au mariage » ou à « l’usage de faux papiers », comme l’expliquait Mediapart ici. Elle est depuis 2016 systématique et obligatoire, dans les cas liés aux affaires de terrorisme.

Si le concept de « double peine » est autant décrié par les associations de défense des étrangers, c’est parce qu’il crée, de fait, des inégalités de traitement entre citoyens français et citoyens étrangers – les seconds cumulant deux peines au lieu d’une pour les premiers.

Dans un article intitulé « Pour en finir avec la double peine » et publié dans la revue Plein Droit, éditée par le Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti), l’auteur et journaliste Mogniss H. Abdallah dénonçait déjà le symbole d’une « discrimination institutionnelle flagrante à l’égard des non-nationaux », mettant en lumière les luttes qui ont été menées en la matière dans les années 1980 et 1990.

Lilian Mathieu s’attache de son côté à analyser la manière dont ces luttes s’articulent, principalement autour de trois axes, à mesure que l’immigration est politisée : l’inégalité face au droit pénal entre nationaux et étrangers ; les attaches qu’ont pu nouer les étrangers concernés par le risque d’expulsion après une condamnation ; et le caractère inefficace et contre-productif de la double peine quant aux objectifs de maintien de l’ordre public. Cette fois, les déclarations de Gérald Darmanin ont suscité très peu de réactions au sein de la gauche.

« Ou comment parler aux tripes de l’extrême droite », a tout de même réagi la députée La France insoumise (LFI) Clémentine Autain. « L’étranger “bouc émissaire” de tous les maux de la société, c’est vieux comme l’extrême droite. Ce qui interpelle, ce sont les propos du ministre de l’éducation Pap Ndiaye : “Pas de compromis avec le RN.” Quelqu’un pour lui dire qu’elle est la couleur du gouvernement dont il est ? », interroge de son côté l’ex-député de la Haute-Garonne Sébastien Nadot, qui avait été exclu du groupe LREM en décembre 2018 et qui n’a pas souhaité rempiler pour un second mandat.

Reste à savoir si et comment le gouvernement parviendra à faire adopter cette mesure lorsque la loi Lopmi sera présentée, à la rentrée, à l’Assemblée nationale. La proposition « doit pouvoir rassembler au-delà de notre seule majorité », a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran dans l’émission « Le Grand Jury » sur RTL, estimant qu’une « parole des Français » avait été « entendue » et que « la sécurité n’était pas l’apanage de la droite ». Une chose est sûre : Gérald Darmanin peut d’ores et déjà compter sur le soutien de l’extrême droite. Un état de fait loin d’être anodin.

 


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