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Source : Le monde - Ghazal Golshiri - 15/08/2022

Témoignages : Quelque 2 600 Afghans sont arrivés à Paris avant la fin du pont aérien, le 27 août 2021, 1 600 autres depuis. Une poignée d’entre eux témoignent.

Avant la prise de Kaboul par les talibans, le 15 août 2021, l’envie de quitter l’Afghanistan hantait toutes les amies de Tasnim Hakim. La jeune femme de 25 ans, elle, voulait y rester, même si c’est dans ce pays que les attentats ont emporté certains de ses amis. Fin 2020, lorsque l’attaque revendiquée par l’organisation Etat islamique dans l’université de Kaboul a tué une trentaine de personnes, Tasnim, enseignante en langue et littérature chinoises, était présente. « Avant [le retour des talibans au pouvoir], je n’avais même pas envie de voyager, glisse l’Afghane aux cheveux courts et aux yeux marron clair, assise dans un café du 7arrondissement de Paris, non loin de l’école de l’association d’aide aux réfugiés Pierre Claver, où elle prend des cours de français. Je ne dis pas que l’Afghanistan était un pays génial, mais il est ma maison. Il m’appartient. Je voyais aussi que les choses allaient dans le bon sens pour la liberté et les droits des femmes. Maintenant, tout est perdu. »

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Tasnim Hakim et son mari, Ramin Mazhar, poète afghan, dans le jardin de la maison où ils sont hébergés en banlieue parisienne, le 25 juin 2022.

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Le foulard et le sac avec lesquels, en 2021, quelques jours après l’arrivée des talibans, elle a quitté Kaboul. En banlieue parisienne, le 25 juin 2022.

Le jour de la chute de Kaboul, le 15 août, son fiancé, le poète Ramin Mazhar, connu pour ses poèmes contre les extrémistes islamistes, l’a appelée. « On va partir en France ! », lui a-t-il lancé. Par des amis et des connaissances ayant des liens avec la France, le nom du couple a été mis sur la liste de l’opération d’évacuation « Apagan » – le double pont aérien organisé entre Kaboul, Abou Dhabi et Paris, à l’été 2021.

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Une semaine plus tard, après plusieurs vaines tentatives de gagner l’aéroport de Kaboul, la seule porte de sortie du pays et zone de chaos, le couple réussit enfin à quitter le pays, sur un vol militaire pour la France. Tasnim Hakim et son désormais époux sont logés, avec 200 autres Afghans, dans un hôtel à Bercy, à Paris. Trois semaines plus tard, tous deux s’installent dans la Creuse, où Ramin a obtenu une résidence littéraire. Le couple dépense d’abord de l’argent qu’il a apporté de Kaboul et, rapidement, il obtient une carte bancaire sur laquelle le gouvernement français verse chaque mois quelque 200 euros par personne. « Dans la Creuse, nous n’avions pas beaucoup de dépenses. Nos voisins ont été très gentils, se souvient Tasnim. Ils nous offraient sans cesse aubergines et concombres qu’ils cultivaient dans les champs et nous conduisaient pour faire nos courses. » Dès le mois de février, Ramin commence à travailler pour un média afghan en exil. Le couple arrive à Paris en mai. En juillet, ils trouvent enfin un appartement, à Bois-Colombes, dans les Hauts-de-Seine.

« J’ai besoin d’évacuer tout le stress »

Jusqu’en juillet, Tasnim a suivi pendant deux mois les cours de français – elle a appris quelques notions en regardant des dessins animés. L’Afghane participe parfois à d’autres activités organisées par l’école Pierre Claver. Un mercredi nuageux de la fin du mois de juin, elle est en tenue de sport et retrouve d’autres élèves de l’école, filles et garçons, d’origine afghane, ukrainienne et tibétaine, sur l’esplanade des Invalides pour un cours de boxe. Elle se met en duo avec une amie qu’elle connaît depuis Kaboul, Marziah (la jeune femme n’a pas voulu donner son vrai prénom), membre de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan, de 2017 à la chute de Kaboul. Aux Invalides, les deux jeunes femmes portent des gants de boxe et se concentrent pour appliquer à la lettre les instructions de l’animateur : « Deux coups directs, gauche, droite, et ensuite, j’avance ! »

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Cours de boxe organisés avec d’autres réfugiés, sur l’esplanade des Invalides, à Paris, le 22 juin 2022.

Marziah et Tasnim rient – le seul moment où cette dernière retrouve de la joie. « Let’s fight ! », dit, en anglais, Tasnim. « On change ! », crie-t-elle, cette fois-ci en français, en imitant l’animateur. A la fin du cours, les deux amies, essoufflées et en nage, s’assoient sur le gazon. A part la langue et la boxe, Marziah, âgée de 27 ans, suit également des cours de yoga à l’école. « J’ai besoin d’évacuer tout le stress et toutes les pressions, soutient ce petit bout de femme aux cheveux frisés. En plus, de mes deux grossesses, il m’est resté un petit ventre. »

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Arrivée en France quelques jours après Tasnim, Marziah a laissé derrière elle ses deux enfants, un garçon et une fille, âgés de 6 et de 3 ans. Son ex-mari n’a pas voulu les laisser partir avec elle. « Il ne veut pas les ramener en Iran [pays voisin où les Afghans peuvent se rendre plus facilement qu’ailleurs] pour que je les voie. Il me dit : “Il vaut mieux qu’ils t’oublient maintenant que tu es loin.” Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi doivent-ils oublier leur mère ? », s’emporte Marziah, qui préfère que sa famille en Afghanistan ne se rende pas compte qu’elle fait de la boxe avec des garçons à Paris.

« Tout est parti en fumée »

Quelque 2 600 Afghans y sont arrivés avant la fin du pont aérien, le 27 août 2021, contre environ 1 600 depuis. Rooholamin Amini, lui, a raté l’opération. Ce poète et militant des droits humains a attendu huit mois le visa pour la France et le passeport afghan pour sa femme et leurs deux enfants. Il est arrivé à l’aéroport de Roissy le 25 avril, en provenance de Téhéran.

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Rooholamin Amini, poète et activiste arrivé en France il y a deux mois, à Evry-Courcouronnes (Essonne), où il vit avec sa famille, le 25 juin 2022.

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Lors de son départ, Rooholamin Amin a emporté peu de choses. Un bout de papier calligraphié avec le vers du poète iranien Abu Said ibn Abu al-Khaïr et un recueil du poète persan Hafez, le 25 juin 2022.

En Afghanistan, cet homme de 40 ans a été le directeur de l’organisation non gouvernementale Armanshahr, membre de la Fédération internationale pour les droits humains. Cette ONG recueillait des témoignages des victimes de crimes contre l’humanité, organisait des débats et des festivals de films, publiait des livres sur les droits de l’homme. « Nous avons publié, pour la première fois de l’histoire, la traduction du livre culte de Simone de Beauvoir Le Deuxième Sexe, en Afghanistan, en 2014. Sous les talibans, ce livre va prendre la poussière dans les étagères, comme les autres, se désole Rooholamin Amini. En Afghanistan, ces dernières années, des choses ont été accomplies dans les domaines liés aux droits des femmes et à la culture. Mais il y a besoin de continuité pour que ces avancées prennent racine. Aujourd’hui tout est parti en fumée. »

Originaire d’Herat, dans l’ouest du pays, il s’est rendu à Kaboul quelques jours après le retour au pouvoir des talibans, par peur de représailles. En octobre, sa famille et lui sont passés clandestinement en Iran. A l’époque, ce pays laissait traverser les Afghans, même ceux dépourvus de passeport.

« Je n’ai pas beaucoup de contacts avec les Français »

La famille Amini passe les six mois suivants à Machhad, dans l’est de l’Iran. Avec l’aide de connaissances, Zohreh, son épouse, et ses deux enfants réussissent à obtenir le passeport afghan du consulat à Moscou. L’ambassade française à Téhéran accorde à la famille un visa. A la fin du mois de juillet, Rooholamin Amini a eu son entretien avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. « Je pense que ça s’est bien passé », dit-il. Son fils, Shahriar, pourra bientôt aller dans une école française. Toute la famille prend des cours de français en ligne deux fois par semaine, avec un ami, en Iran. En français, Shahriar peut compter jusqu’à cent, sa sœur, Shahrzad, jusqu’à trente. Leur père passe ses journées à regarder des films hollywoodiens comme L’Etrange Histoire de Benjamin Button. Les après-midi, Rooholamin marche dans son quartier pour se vider la tête et attend la rentrée pour trouver un cours de français en présentiel. « Pour l’instant, je n’ai pas beaucoup de contacts avec les Français », explique-t-il.

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Dans leur appartement de trois pièces, mis à disposition par la direction territoriale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration située à Evry-Courcouronnes (Essonne), il y a le strict minimum : une table, quatre chaises et deux fauteuils, de type IKEA. Sur le mur, une calligraphie persane : « La laideur, il faut la voir, mais imaginer la beauté », des mots d’un poète du XIe siècle, Abu Said ibn Abu al-Khaïr. « C’est l’œuvre d’un calligraphe connu d’Herat. Ces mots portent en eux l’amertume profonde de ma patrie, frappée par des guerres et des règnes sanglants », glisse le poète. Ce bout de papier est l’un des rares objets qu’il a emportés d’Afghanistan.

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Shahrzad, la fille de Rooholamin Amini, 6 ans, à la fenêtre de leur appartement d’Evry-Courcouronnes (Essonne), le 25 juin 2022.

De loin, le poète suit les évolutions en Afghanistan sur Internet et grâce aux appels avec ses proches restés dans le pays. Récemment, il a appris l’arrestation d’un ami et sa condamnation à un an de prison, parce qu’il avait critiqué les talibans sur Facebook. Rooholamin Amini pense que cette arrestation n’est pas sans lien avec la sœur de ce dernier, une écrivaine et une voix contre les extrémistes qui vit en exil. « Cela veut dire que les Afghans qui ont quitté le pays doivent rester silencieux, faire attention à ce qu’ils disent, parce qu’une partie de leur famille est toujours dans le pays », explique-t-il. Même à des milliers de kilomètres de l’Afghanistan, l’ombre des talibans pèse sur la vie des gens comme Rooholamin Amini.

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