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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : le monde - Julia Pascual - 26/10/2022

Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux, venus pour travailler notamment dans le bâtiment ou l’aide à domicile, peinent à obtenir un titre de séjour, sont exclus de la protection temporaire et ne sont pas expulsables.

Sur la vidéo, on les voit chanter. Des chants de Noël, des chants à la gloire de l’Ukraine, des comptines pour enfants. Svitlana Ivanyskyn adore ça et elle se filme régulièrement avec son téléphone, aux côtés de la femme dont elle s’occupe depuis trois ans maintenant, toutes les nuits et quelques heures en journée. Le chant, ça fait du bien à cette dame de plus de 101 ans, au seuil de sa vie. Après la nuit, quand elle rentre chez elle, un studio du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), Svitlana tricote des chaussettes en laine pour les soldats ukrainiens du front. Son fils de 29 ans est parmi eux.

Svitlana est en France depuis 2016. Elle a 52 ans et est sans papiers. Arrivée bien avant la guerre, elle n’a pas le droit au dispositif de protection temporaire que l’Union européenne a accordé aux réfugiés d’Ukraine qui ont fui l’invasion russe de leur pays, en février.

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Les estimations sont par définition incertaines mais, comme elle, des dizaines de milliers d’Ukrainiens se trouvent en situation irrégulière. « Plus de 50 000 personnes », s’aventure une source diplomatique. « Entre 30 000 et 50 000 », corrobore un cadre du ministère de l’intérieur qui fait remarquer la « triple impasse » dans laquelle ils se trouvent. « Ces gens-là sont exclus de la protection temporaire, ne sont pas expulsables et ne sont pas régularisés, souligne-t-il. La situation a été signalée à Matignon au printemps mais le sujet n’a pas été jugé prioritaire. »

« C’est incompréhensible »

Svitlana est venue en France pour se rapprocher de son fils. En dépit d’une formation de comptable dans son pays d’origine, ce dernier avait commencé à travailler dans le bâtiment, avant de finalement s’engager dans la Légion étrangère, en 2015. Il a notamment combattu au Mali pour la France. Svitlana a, elle, d’abord fait des ménages chez des particuliers, payée entre 6 et 12 euros de l’heure selon l’employeur, rarement déclarée, avant de trouver du travail chez cette vieille dame dont elle égaye le quotidien. Elle n’a jamais demandé de titre de séjour à l’administration, en dépit de ses six années de présence sur le territoire. « Je ne sais pas quoi faire, je ne suis pas déclarée, c’est un cercle vicieux », confie-t-elle, affectée.

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Ceux qui se sont aventurés à demander une régularisation au titre de leur vie familiale en France ou de leur travail n’ont pas forcément réussi. Tatiana et Bogdan (les prénoms ont été modifiés) sont arrivés en novembre 2015. Leur demande d’asile a d’abord été rejetée. En 2018, ils tentent d’être régularisés auprès de la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Pour cela, le couple fait valoir la scolarisation de leurs deux fils, dont le plus jeune est né en 2017. Bogdan dispose en outre d’une promesse d’embauche en CDI comme ouvrier dans un abattoir qui, compte tenu de difficultés structurelles de recrutement, propose à ses employés un logement. Tatiana a, elle aussi, une promesse d’embauche de l’établissement.

Malgré cela, la préfecture rejette leur demande et leur délivre une obligation de quitter le territoire (OQTF), en mai 2019. Non suivie d’effet. En 2021, au terme de six années de présence sur le territoire, la famille dépose une nouvelle demande, restée lettre morte. Françoise, une voisine de 73 ans qui accompagne le couple dans ses démarches, est déçue : « Ils sont appréciés de tout le monde dans le quartier, ils apprennent le français, s’investissent dans l’école de leurs enfants. Même le directeur de l’abattoir a écrit à la préfecture, c’est incompréhensible », dit-elle.

« Les préfectures sont devenues des bunkers pour toutes les nationalités. Elles ne reçoivent pas, elles ne prennent pas les gens au téléphone et leurs sites sont en blocage permanent »

Le scénario n’est pas rare. Stanislav Mynda raconte dans un français rigoureux les méandres administratifs subis par ses parents. Ce jeune Ukrainien a rejoint son père en France en 2016, à l’âge de 17 ans. Grâce à une scolarité exemplaire, il suit actuellement un BTS « fluides, énergies, domotique » en alternance dans un bureau d’études. Sa mère et sa petite sœur sont arrivées en 2017. Si les deux enfants ont réussi à obtenir chacun un titre de séjour étudiant, leurs parents sont toujours sans papiers. La préfecture des Hauts-de-Seine a rejeté leur demande de régularisation en mars 2021 et leur a délivré une OQTF.

La famille a alors saisi le tribunal administratif, qui a annulé en octobre de la même année la décision de la préfecture, en vertu d’une « erreur manifeste d’appréciation ». En somme, le tribunal considère que la préfecture n’a pas pris en compte l’« intensité des liens familiaux » des parents en France, pas plus que leur « insertion professionnelle ». Le père travaille en CDI dans le bâtiment et la mère, après avoir été femme de ménage chez des particuliers et dans un hôtel parisien, est aujourd’hui nounou à temps plein.

Malgré ce désaveu, la préfecture des Hauts-de-Seine n’a jamais réexaminé la situation des parents. Leurs multiples relances par courrier et e-mail n’y ont rien changé. Stanislav Mynda est amer : « On avait vraiment un bon dossier, on pensait que ça irait vite. Aujourd’hui, on ne sait plus quoi faire. Il y a des règles en France pour obtenir un titre de séjour mais personne ne les suit. C’est injuste. » Il insiste : « On vient tous ici pour travailler, c’est bénéfique pour la France. » L’avocate de la famille, Linguère Diop, estime que la situation des Mynda « relève du traitement général des demandes de titre de séjour ».

« Marcher librement dans la rue »

« Ce qui bloque, ce n’est pas qu’ils sont ukrainiens, corrobore Catherine Colo, de Réseau éducation sans frontières (RESF) dans le Val-de-Marne. Les préfectures sont devenues des bunkers pour toutes les nationalités. Elles ne reçoivent pas, elles ne prennent pas les gens au téléphone et leurs sites sont en blocage permanent. » Régulièrement, associations, syndicats et usagers s’indignent du manque de moyens et d’accessibilité des préfectures pour les étrangers.

Rien que dans le Val-de-Marne, RESF suit près de 400 familles qui attendent de pouvoir déposer une demande de régularisation, parmi lesquelles une vingtaine de familles ukrainiennes. « On a commencé à constituer notre dossier en 2019, se souvient Maria (le prénom a été modifié), étudiante à la Sorbonne. On est toujours dans l’attente d’un rendez-vous pour mes parents. » Avoir des papiers, c’est « se sentir plus en sécurité, plus protégé », confie l’Ukrainienne de 21 ans.

« Avoir des papiers c’est symbolique, ajoute Stepan, un père de famille ukrainien, lui aussi sans-papiers. Pour ne plus se sentir illégal, marcher librement dans la rue. » Et pouvoir, aussi, plus facilement changer d’emploi ou de logement. Stepan, 52 ans, et sa femme Halyna, 50 ans, ont commencé à faire des allers-retours pour travailler en France en 2009, lui dans le bâtiment, elle comme femme de ménage. Leurs enfants Bohdan et Roksolana les ont rejoints en 2017. Le fils aîné, 18 ans, est aujourd’hui en première année de licence d’histoire et d’économie à la Sorbonne. La fille, âgée de 16 ans, est en 1re générale. La famille n’est pas encore parvenu à déposer une demande de titre de séjour.

Plus de 100 000 réfugiés ukrainiens toujours en France

Huit mois après le début de l’invasion russe, quelque 100 000 Ukrainiens sont réfugiés en France où ils bénéficient d’une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée de six mois renouvelable, dite « protection temporaire », leur ouvrant le droit au travail, à un hébergement ainsi qu’à certaines aides sociales.

D’après les données du ministère de l’intérieur, les renouvellements d’APS – toujours en cours – permettent de constater que 85,51 % des personnes ont renouvelé leur titre, la Place Beauvau précisant qu’il n’est pas possible de dire si les 15 % restants sont rentrées en Ukraine ou se sont rendues vers un autre Etat européen. Dans le même temps, la France a délivré plus de 5 500 nouvelles protections temporaires sur les seuls mois de septembre et octobre.

A l’arrivée, ce sont toujours autour de 100 000 Ukrainiens qui sont présents sur le territoire, parmi lesquels un peu plus de 19 000 enfants scolarisés pour l’année 2022/2023, soit des volumes stables depuis cet été, en dépit des mouvements de départs et d’arrivées.

 


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