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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : le monde - Thibaud Métais et Julia Pascual - 02/11/2022

Les ministres de l’intérieur et du travail dévoilent dans un entretien au « Monde » le contenu du texte qui doit être débattu début 2023.

Alors qu’un nouveau projet de loi immigration doit être examiné début 2023, le ministre du travail, Olivier Dussopt, et celui de l’intérieur, Gérald Darmanin, annoncent, dans un souci d’équilibre, vouloir créer un titre de séjour « métiers en tension » pour les travailleurs sans-papiers déjà sur le territoire, à côté de mesures visant à améliorer les reconduites à la frontière. Un texte sur lequel le gouvernement entend rallier la droite.

L’affaire Lola, du nom de la jeune fille tuée par une ressortissante algérienne sans-papiers, a remis la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF) au centre du débat. La France en a prononcé 122 000 en 2021 mais n’en exécute qu’une faible part. Pour quelle raison ?

Gérald Darmanin : D’abord, il y a près de 50 % des OQTF qui font l’objet de recours qui les suspendent. L’une des dispositions du projet de loi qui sera examiné début 2023 au Parlement, est de fortement simplifier les procédures et de passer de douze à quatre catégories de recours, pour exécuter beaucoup plus rapidement les mesures.

Ensuite, pour calculer le taux d’exécution, on ne compte que les départs aidés et les départs forcés, soit près de 17 000 éloignements en 2021. Or, des milliers de personnes quittent le territoire après avoir reçu une OQTF, sans qu’on le sache. Nous allons désormais inscrire toutes les OQTF au fichier des personnes recherchées, le FPR. Il ne s’agit pas de rétablir le délit de séjour irrégulier mais de pouvoir constater que la personne repart comme lorsque, par exemple, elle reprend un avion et ainsi de compter tous les départs d’étrangers.

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Par ailleurs, il faut comprendre que la majorité des personnes qui sont en situation irrégulière sont venues régulièrement sur notre sol et sont restées après l’expiration de leur visa ou de leur titre de séjour. C’est le cas de l’assassin présumé de la petite Lola, venue avec un visa étudiant pour un CAP et restée irrégulière sur notre sol pendant trois ans. Personne ne s’est demandé où elle était. C’est un problème. Aujourd’hui, lorsque la préfecture prend une OQTF, le suivi n’existe que pour les personnes dangereuses. Je demande donc aux préfectures de réaliser un suivi des personnes sous OQTF. Le préfet veillera à leur rendre la vie impossible, par exemple en s’assurant qu’elles ne bénéficient plus de prestations sociales ni de logement social. Nous changeons de braquet.

Vous communiquez beaucoup sur les expulsions de délinquants. Cela a représenté 3 200 personnes depuis deux ans, sur plus de 5 millions d’étrangers en France. Ne contribuez-vous pas à mettre la focale sur un aspect qui n’a pas l’importance que les Français imaginent ?

G. D. : D’abord, ce n’est pas aux leaders d’opinion de dire aux Français quelle réalité ils vivent. Ensuite, il est certain que l’immense majorité des étrangers vivent du fruit de leur travail, essayent de s’intégrer dans des conditions parfois difficiles, dans un pays qu’ils ne connaissent pas, de fonder une famille et de fabriquer d’« excellents petits Français », comme dirait la chanson. Je ne réduis pas l’immigration à des actes de délinquance, moi-même étant issu de l’immigration. Mais ce serait aussi absurde de ne pas voir qu’une petite partie des étrangers est responsable d’une grande partie des actes de délinquance. Il y a 7 % d’étrangers dans la population et ils représentent 19 % des actes de délinquance. A Paris, ils représentent la moitié des actes de délinquance et cela est vrai dans les dix plus grandes métropoles.

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Ce qui freine le ministre de l’intérieur aujourd’hui, ce sont des réserves d’ordre public qui empêchent par exemple d’éloigner des personnes arrivées avant 13 ans sur le territoire national. Dans le texte de loi, nous mettrons fin à ces réserves et laisserons au juge le soin de trancher s’ils doivent ou non rester en France au nom de la vie familiale.

Si je devais résumer, je dirais qu’on doit désormais être méchants avec les méchants et gentils avec les gentils. Nous allons d’ailleurs proposer le renouvellement automatique des titres pluriannuels de ceux qui ne posent aucun problème, qui n’ont aucun casier judiciaire, comme ces chibanis de 70 ans de ma circonscription de Tourcoing [Nord]. Cela représente quelques centaines de milliers de personnes qui seront dispensées de files d’attente dans les préfectures. Je souhaite en revanche que celles-ci concentrent leurs moyens sur les
primo-arrivants, les personnes sous OQTF et celles qui ont un casier judiciaire.

Des pays comme l’Allemagne limitent les OQTF aux personnes raisonnablement expulsables et proposent des statuts intermédiaires de tolérance aux autres. Pourquoi la France ne fait-elle pas ce choix ?

G. D. : Nous pouvons largement améliorer l’exécution des OQTF. Nous avons réfléchi à allonger leur durée d’un à trois ans mais finalement, je n’y suis pas favorable. La rapidité est la clé du système. Aujourd’hui, quand quelqu’un demande l’asile en France, il peut se passer un an et demi avant que la Cour nationale du droit d’asile [CNDA] lui dise éventuellement non, puis le préfet prend une OQTF et, s’il y a un recours, on est reparti pour au moins six mois. Donc il se passe parfois deux ans avant que la personne ne soit expulsable. Elle a eu le temps de trouver un travail, au noir, et peut-être de faire des enfants. Voilà comment on se retrouve avec des dizaines de milliers de personnes qu’on ne peut pas expulser alors qu’elles sont sous OQTF. Cette situation n’est pas tenable. Il ne faut pas laisser le temps de créer des droits qui viendraient contredire des décisions prises légitimement par les préfectures.

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L’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides] a diminué ses délais d’instruction. En revanche, la CNDA a énormément de dossiers qui arrivent sur son bureau. Nous proposons, en discutant avec le Conseil d’Etat, quatre simplifications en matière d’asile. Nous allons répartir sur le territoire les chambres de la CNDA. A la faveur du juge unique, la formation de jugement collégiale ne se réunira plus que pour les arrêts de principe ou des cas très difficiles. La possibilité d’organiser des audiences en vidéo sera généralisée et, enfin, s’il n’y a pas d’appel contre le rejet de la demande d’asile par l’Ofpra, celui-ci vaudra OQTF avec possibilité de recours sous quinze jours.

Cependant, il y a des gens à qui on refuse l’asile et à qui on délivre des OQTF mais qu’on ne peut pas expulser car ils sont Syriens ou Afghans et nous n’avons pas de relation diplomatique avec Bachar Al-Assad ou les talibans. Nous ouvrirons donc une discussion à ce propos lors du débat sur l’immigration au Parlement, qui aura lieu dans quelques semaines. Faut-il leur accorder une résidence tolérée, comme en Allemagne, en attendant de pouvoir procéder à leur éloignement ?

Le président a déclaré qu’il y a eu « trop d’arrivées » ces dernières années. Est-ce que c’est cela qui rend une nouvelle loi nécessaire, alors que la dernière date de 2019 ?

G. D. : La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire. Simplement, la part des étrangers dans notre population va atteindre les 10 % dans les années qui viennent. Donc l’idée est de savoir combien de personnes nous voulons sur notre sol, ce qu’on exige d’elles pour s’intégrer et comment on maîtrise l’immigration familiale. Aujourd’hui, celle-ci représente 50 % des flux alors que l’immigration de travail concerne moins de 10 %… Dans le projet de loi, le budget de l’intégration augmentera de
24 % car la clé de la réussite de l’immigration, c’est l’intégration, par la langue, les valeurs françaises, le travail.

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L’immigration familiale représente en majorité la venue de conjoints de Français. Souhaitez-vous la réduire ?

G. D. : Nous souhaitons conditionner les titres de séjour pluriannuels à la réussite d’un examen de français. Cela va changer beaucoup de choses. Aujourd’hui, un quart des étrangers qui ont des titres de séjour comprennent et parlent extrêmement mal le français.

Olivier Dussopt : Un des objectifs que nous poursuivons, c’est de remettre le travail au centre du jeu. Et il y a des progrès à faire puisque au premier semestre, lorsque le taux de chômage était à 7,5 %, celui des travailleurs immigrés était à 13 %. Il faut que le travail redevienne un facteur d’intégration et d’émancipation.

Beaucoup d’étrangers qui travaillent déjà peuvent faire l’objet d’une OQTF. Alors qu’ils font face à des pénuries de main-d’œuvre, de nombreux chefs d’entreprise se plaignent de cette situation. Comment comptez-vous y remédier ?

O. D. : C’est une forme d’absurdité du système. On enferme certains étrangers dans l’inactivité et d’autres dans l’illégalité. Je ne manquerai pas d’aborder devant le Parlement la possibilité de permettre à des demandeurs d’asile, dont on est absolument certain qu’ils sont originaires des pays en conflit, de pouvoir travailler dès leur arrivée sur le sol français.

De la même manière, on demande à des étrangers qui ont immigré pour des raisons économiques une autorisation administrative de travail à chaque fois qu’ils changent de contrat et c’est l’employeur qui doit formuler la demande. Là aussi, on peut ouvrir le débat sur le fait d’avoir une autorisation de travail pour toute la durée du séjour. Nous souhaitons aussi que cette autorisation ne soit plus conditionnée à la volonté de l’employeur.

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Et puis, il y a d’autres personnes, présentes sur le territoire depuis des années, qui travaillent. Aujourd’hui, dans le cadre de ce qu’on appelle la circulaire Valls, ces personnes peuvent être régularisées à condition de prouver leur ancienneté sur le territoire et la réalité de leur activité professionnelle. Nous souhaitons, tout particulièrement dans les métiers en tension comme ceux du bâtiment, que le travailleur immigré en situation irrégulière puisse solliciter la possibilité de rester sur le territoire sans passer par l’employeur. Cela permettra d’inverser le rapport de force avec quelques employeurs qui peuvent trouver un intérêt à ce que leurs salariés soient dans une situation d’illégalité.

G. D. : Nous ne donnons peut-être pas assez de titres de séjour aux gens qui travaillent et qu’un certain patronat utilise comme une armée de réserve, pour parler comme Marx.

Quel rôle doit jouer le patronat, justement ?

G. D. : C’est le patronat qui a demandé à ce qu’il y ait plus de main-d’œuvre.

O. D. : Les organisations professionnelles nous disent qu’elles ont besoin qu’on facilite le recrutement d’étrangers. Nous leur proposons des solutions avec ce projet de loi. En contrepartie, elles doivent répondre à plusieurs questions : que faites-vous en termes d’accès au logement, de formation et de reconnaissance des qualifications professionnelles ? Cela implique aussi qu’il y ait une participation des employeurs à la question de l’intégration, notamment en permettant aux employés de prendre des cours de français sur leur temps de travail.

Nous voulons également durcir les sanctions contre ceux qui ont recours au travail illégal. Chaque année, environ 500 procédures sont ouvertes concernant l’emploi d’étrangers sans titre, qui donnent lieu à une centaine de condamnations effectives. Nous souhaitons proposer au Parlement de travailler sur des sanctions administratives qui puissent être plus rapides. On peut imaginer une forme d’amende forfaitaire par travailleur irrégulier constaté dans une entreprise. On peut aussi autoriser les préfets à prononcer la fermeture administrative des établissements concernés pour des durées supérieures à ce qui existe aujourd’hui.

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Allez-vous modifier les critères de régularisation, comme l’ancienneté professionnelle, par exemple ?

G. D. : On doit discuter de tout ça lors du débat au Parlement. L’important c’est qu’on change de système. Demain, si un étranger en situation irrégulière dit « je veux travailler dans un métier en tension », le ministre du travail propose de créer un titre de séjour « métier en tension » à définir. Il aura ainsi une protection sociale adéquate.

O. D. : Ce titre de séjour spécifique sera là pour régulariser une situation parce qu’on démontre qu’on travaille dans un métier en tension. Et le RN ne pourra pas nous faire le coup du travail volé aux Français car on est sur des postes qui sont déjà occupés par des travailleurs en situation irrégulière justement parce qu’ils restent vacants. L’objectif c’est bien que l’immigration économique reste une façon subsidiaire de répondre aux besoins.

Que faire pour les secteurs qui continuent d’avoir des difficultés alors qu’ils emploient déjà des travailleurs étrangers ?

O. D. : On a deux types de réponses, que nous évoquerons avec les associations et les partenaires sociaux : l’élargissement de la liste des métiers en tension, qui permet de recruter des étrangers non communautaires sans avoir à déposer une offre
auprès de Pôle emploi et attendre de savoir si des candidats sont susceptibles de se
positionner. Et la volonté de simplifier l’accès aux territoires pour des compétences particulières, dont l’économie a besoin. C’est à la fois rendre plus connu le passeport talent, et avoir un outil pour permettre aux étrangers non communautaires de connaître les besoins de l’économie française, pour qu’ils puissent faire valoir leurs propres qualifications.

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L’immigration est un thème cher à la droite. Comment comptez-vous construire une majorité sur ce texte ?

O. D. : On propose un texte qui est, je pense, intéressant pour toutes les forces politiques. Il y a à la fois une notion de fermeté, de protection des frontières, de régulation des flux et d’intérêt national à faire prévaloir. Et il y a un véritable équilibre avec des initiatives à prendre pour faciliter les régularisations. A nous de convaincre. C’est une ambition de refaire du travail une valeur d’intégration et d’accueil et de le faire en regardant la réalité en face. Ce qui explique aussi la fermeté dont on sait faire preuve.

G. D. : Une grande partie des dispositions que nous proposons sont inscrites dans le rapport parlementaire du président Les Républicains de la commission des lois, François-Noël Buffet. Le président du Sénat sera très largement consulté. S’il faut amender le projet, on le fera. Nous sommes très ouverts.

Quelle sera votre position vis-à-vis du RN ?

G. D. : Le RN vit des problèmes. Quand on arrive à les résoudre, il n’a plus de carburant politique. En tout cas, c’est ce qu’on connaît dans nos départements à Olivier [l’Ardèche] et moi-même, où le RN est très fort. Quand on rappelle au RN que plus de 20 % des médecins qui ont sauvé des vies pendant le Covid étaient des étrangers et que si nous devions expulser tous les étrangers de France, il y aurait un peu moins de curés dans les églises, on s’aperçoit qu’ils sont gênés aux entournures. C’est le débat simpliste qui donne du poids au RN. Je suis persuadé qu’il faut décrire le réel tel qu’il est, même s’il ne fait pas plaisir, et après montrer que les choses sont complexes. C’est à nous de prendre les mesures fortes, parfois fermes, dont les Français ont envie ou besoin, sinon d’autres le feront à notre place.

 


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