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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Bahar Makooi - 25/01/2023

Après avoir échappé à trois tentatives d’expulsions vers l’Iran, une Iranienne de 21 ans, menacée par sa famille, a fini par être renvoyée par la Belgique fin septembre. Elle a pu descendre à Istanbul, après avoir plaidé son cas devant des agents. Coincée en Turquie, elle dit craindre pour sa vie.

Au téléphone avec InfoMigrants, Aisha*, 21 ans, affirme qu’elle a supplié les agents de Turkish Airlines de la laisser descendre à Istanbul. Ce 23 septembre 2022, cette exilée Iranienne a pleuré de toutes ses forces dans l’avion qui devait la conduire de la Belgique à la Turquie, avant qu’elle ne soit ensuite acheminée vers un second vol pour une expulsion vers Téhéran. "Je vais mourir, je vous en supplie sauvez-moi", a-t-elle crié aux employés de la compagnie aérienne turque, confie la jeune femme d’une voix encore tremblante. Munie de son passeport iranien, Aisha a finalement été autorisée à descendre en Turquie, où les Iraniens peuvent séjourner 3 mois sans avoir besoin de visa touristique.

Mais en Turquie, l’Iranienne ne se sent pas en sécurité. Aisha a quitté son pays précipitamment cet été, à l'aide de faux papiers que son père s'est procuré pour elle. Elle a fui un mariage forcé et un oncle tyrannique, qui la menace depuis qu’il a appris qu’elle a eu une relation amicale avec un garçon. "Mon oncle me cherche. Il m’a dénoncée aux autorités iraniennes, il leur a dit que j’étais athée", raconte la jeune femme. Des accusations "qui lui vaudraient l’emprisonnement et la peine de mort", ont indiqué La Cimade et d’autres associations qui la défendent.

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"Il m’a déjà retrouvée une première fois dans un pays voisin de l’Iran où je m’étais enfuie. Je lui ai échappé à la dernière minute. Il a des relations avec les services iraniens. Ils vont me retrouver, ils ont beaucoup de pouvoir. Mon oncle a dit à un membre de ma famille qu’il savait que j’étais ici et qu’il rapporterait mon cadavre à ma mère. En Turquie, j’ai peur et je me cache depuis trois mois. Je suis fatiguée. Je ne comprends pas pourquoi la Belgique a refusé ma demande d'asile. Où est ma place sur cette terre ?", répète Aisha, qui cherche à retourner en Europe pour y trouver refuge.

"Un acharnement incompréhensible"

En Belgique, l'Iranienne a passé 55 jours dans le centre de détention administratif Caricole, près de l’aéroport de Bruxelles, avant d’être expulsée. Arrivée en avion avec un faux passeport, elle avait été arrêtée dès son arrivée et n’a jamais pu mettre les pieds sur le territoire belge. "Elle n’avait aucune connaissance, alors, de ses propres droits, et n’a reçu aucune forme d’explication", dénonce le collectif d’association qui la soutient. Depuis le centre fermé, elle a tout de même fini par effectuer une première, puis une deuxième demande d’asile, toute deux refusées. À l’aide d’une avocate, Maitre Monica Bemba, elle a déposé un recours contestant sa détention administrative devant la Chambre du conseil.

En Belgique, les recours n’empêchent pas une expulsion, mais un exilé ne peut pas être renvoyé durant l’examen de sa première demande d’asile, précise à InfoMigrants un membre du collectif Getting the voice out, qui relaie la voix des personnes détenues dans les centres fermés de Belgique.

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La jeune femme devait passer devant le tribunal belge le matin même de son expulsion, qui a eu lieu dans l’après-midi du 23 septembre. "Nous avions de grandes chances de l’emporter", regrette son avocate, contactée par InfoMigrants. Elle ne comprend toujours pas la décision de l’État belge. "Habituellement, je suis notifiée bien avant l’expulsion d’un client et on priorise les passages devant les tribunaux. Ce jour-là, je ne l’ai su qu’une demi-heure avant, je n’ai pas eu le temps de me retourner". Maitre Monica Bemba dénonce un "acharnement incompréhensible" de la Belgique sur le cas d’Aisha.

Quatre tentatives d’expulsions en 10 jours

L’Office des étrangers belge, qui a refusé de commenter cette affaire, a organisé quatre tentatives d’expulsions en 10 jours pour la jeune Iranienne. Et ce alors que l’Iran connait une période de répression sanglante contre sa population, notamment contre les jeunes femmes qui refusent de se plier à la loi islamique en vigueur dans le pays.

"La première fois, raconte Aisha la voix tremblante, je n’ai pas compris ce qui m’arrivait. On m’a dit que j’avais une audience mais en fait, cinq policiers belges m’attendaient. Je ne me suis pas laissée faire alors les agents m’ont plaqué la tête contre le sol, m’ont menottée et jetée dans un van". Dans l’avion, la jeune femme crie et se débat. Le pilote vient à sa rencontre. "Si tu me renvoies, tu auras mon sang sur les mains. Je vais me tuer dans cet avion", lui dit-elle. Le pilote refuse de décoller et elle sera évacuée.

De retour dans le centre de détention de Caricole, raconte-t-elle, elle ne trouve aucun réconfort, ni soutien. Son état de santé, très fragile, s’empire. Elle craint aussi les hommes : "le regard qu’ils posaient sur moi, je les entendais parler", se souvient-elle.

Lors de la deuxième tentative d’expulsion, le 20 septembre, Aisha comprend qu’on l’appelle pour partir à l’aéroport. Elle prétexte une douche et se taillade les veines dans le centre. "On m’avait à peine recousue que les policiers m’ont emmenée, avec la même violence que la première fois". La jeune Iranienne est encore sous le choc. "Pourquoi me fait-on cela ? Je ne suis pas une criminelle. N’ai-je pas le droit moi aussi d’être considérée et d’avoir une vie normale ?". Dans l’avion, une nouvelle fois, elle hurle et se débat. Alertés par Getting the voice out et Mur-mures, un autre collectif de défense des migrants, des passagers filment son expulsion avant le décollage et diffusent la scène. Une nouvelle fois elle échappe à l’expulsion.

 

Six jours plus tard, l’État belge organise sa troisième expulsion dans la matinée du 23 septembre. Mais, alertées, les mêmes associations de défense des droits des migrants protestent à l’embarquement et parviennent à empêcher le vol d’avoir lieu. Seulement, quelques heures plus tard, Aisha sera embarquée dans un autre avion direction Téhéran, avec escale à Istanbul. "Nous n’avons pas vu venir cette quatrième expulsion, explique une militante de Mur-mures. Nous pensions qu’elle était rentrée en centre de détention. Ça ne s’est jamais vu que quelqu’un soit ainsi renvoyé dans une deuxième avion le jour même".

Expulsions et retours forcés en Iran

Restée en contact avec la jeune fille, cette militante s’inquiète de savoir Aisha renvoyée vers l’Iran, si elle se fait contrôler en Turquie, à l’expiration de son autorisation de séjour de 3 mois. D’autant que les renvois d’Iraniens par les autorités turques ne sont pas rares.

Habituellement, lorsque des migrants sont expulsés par des pays européens vers la Turquie, parce que le dernier "aéroport de provenance" a été Istanbul avant de poser un pied en Europe, ces personnes sont conduites dans des centres de détention turcs, où ils patientent avant d’être déportés vers l’Iran. "Ils peuvent contester cette détention s’ils ont accès à une aide juridique", précise l’association turque Refugee Rights Turkey (RTT) avec qui InfoMigrants s'est entretenu.

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"Aisha a eu de la chance dans son malheur, car visiblement elle a pu mener des négociations avec des agents turcs qui l’auraient prise en pitié et elle n’a pas été emmenée dans un centre", souligne la bénévole de Mur-mures. La jeune iranienne a tenté de déposer une demande de visa long séjour au titre de l’asile au consulat français. "Très peu d’informations filtrent sur le taux d’accord de ce type de visas, ni sur les raisons des refus étant donné que les refus n’ont pas à être motivés", explique Gérard Sadik de La Cimade.

La Turquie, qui se trouve à la frontière occidentale de l'Iran et où les Iraniens peuvent accéder sans visa, est l'une des principales destinations de nombreux dissidents et Iraniens persécutés, ayant fui le pays. Quelque 30 000 migrants iraniens se trouvent sur le territoire turc d’après RTT et des expulsions ont régulièrement lieu vers l’Iran.

Plusieurs cas ont marqué les esprits. Début novembre, Mohammad Bagher Moradi, un réfugié iranien en Turquie depuis 2014 a été expulsé vers l’Iran après cinq mois de détention. Il avait pourtant obtenu l’asile, d’après l'avocat turc représentant la famille de cet ancien journaliste, Maitre Salih Efe, qui a dénoncé "une violation flagrante du droit turc et international, notamment de la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951".

 

À la même période, une dissidente politique, Mahshid Nazemi, a été arrêtée par la Turquie et envoyée dans un centre fermé avant expulsion. Les Nations unies avaient pourtant averti les autorités turques que la renvoyer en Iran mettrait sa vie en danger.

Un autres cas à l'issue dramatique rappelle le danger encouru par les migrants iraniens en Turquie. En février 2022, victime de violences conjugales, une jeune iranienne mariée de force, Mona Heydari, 17 ans, s'était enfuie six mois en Turquie avant de devoir rentrer sous la pression de son père et son oncle qui, l’ayant retrouvée, lui avaient promis "une vie en sécurité". À son retour, elle sera décapitée par son mari.

*Le prénom a été changé à sa demande.

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